L es atmosphères explosibles se rencontrent dans différents secteurs industriels. Ces milieuxAtex, sujets à des risques d'explosion, empêchent l'usage de matériel classique. La compatibilité des équipements à la zone considérée doit être démontrée via une certification. Cette contrainte impose-t-elle une limite quant aux applications qu'il est possible de réaliser? Dans le cas des interfaces homme-machine (IHM), l'évolution du matériel Atex ou les dif-férentes solutions d'architecture permettent aujourd'hui d'accéder à des performances comparables au matériel classique.
« Les demandes pour ces interfaces homme-machine proviennent principalement des secteurs de gestion et de traitement du gaz et pétrole,des milieux pharmaceutiques ou de la pétrochimie », observe Yves Etchepare, du service technique de KEP France. En effet, dans le monde de la pharmaceutique, on peut trouver des solvants et autres composés volatils présentant des risques d'explosion. « Les zones Atex sont les mêmes dans ces différents secteurs », indique Fabien Roy, chef produit chez R. Stahl. Ainsi, les appareils certifiés Atex peuvent être utilisés dans tous les secteurs industriels. Cependant, certains milieux requièrent d'autres caractéristiques. « La tenue à la température, par exemple, doit souvent être plus élevée dans le milieu du pétrole », continue Fabien Roy. Dans l'industrie pharmaceutique, les ambiances stériles imposent d'avoir des écrans faciles à nettoyer, souvent en acier inoxydable, avec aucune zone de rétention, afin d'éviter les accumulations de bactéries.
L'écran se connecte à un PC via un réseau
« L'interface homme-machine, est un terme très générique, qui désigne un écran entre système et opérateur, explique Fabien Roy. Chez nous, cette catégorie regroupe les terminaux opérateur, les Panel PC et les écrans déportés. » Pour Alain Pierre, en charge du marketing commercial chez Pepperl+Fuchs, « les boîtiers de commande, les voyants et les interrupteurs » entrent également dans la catégorie des interfaces
Les risques en zone Atex
Les risques d'explosion sont générés par la présence de certaines substances dans l'air: des gaz (méthane, propane, butane, dihydrogène, acétylène…), des vapeurs (alcool éthylique, acétone…) ou des poussières (aluminium, charbon…). Ces combustibles peuvent exploser à certaines concentrations. L'oxygène de l'air agit alors comme un comburant. Mais, pour qu'une explosion se produise, il faut un apport d'énergie. Celui-ci peut provenir de différentes sources: des étincelles d'origine électrique ou mécanique, une température excessive, ou encore des décharges électrostatiques. Tous ces paramètres doivent donc être pris en compte pour la conception d'appareils certifiés Atex.
Les interfaces homme-machine recouvrent différents types d'appareils, du simple écran au panel PC, capable de plus nombreuses fonctions.
homme-machine. « Du point de vue de l'utilisateur, l'interface homme-machine combine la partie matérielle et logicielle », ajoute Mark Liu,en charge des solutions PC industriels chez Moxa. Le terminal opérateur est destiné à se connecter sur un automate: « Un protocole de communication est défini entre l'automate et le terminal opérateur, explique Pascal Jung, directeur général de R. Stahl. On injecte un programme sur le terminal, et un logiciel intégré permet d'élaborer des synoptiques. L'écran déporté consiste plutôt à afficher une copie d'écran, via différents modes de communication. Le Panel PC, en revanche,est un appareil plus générique,qui peut servir à des tâches de commande plus précises. » Le Panel PC offre en effet une large panoplie d'applications : « Il est possible d'y développer sa propre IHM,d'intégrer un environnement d'exécution ( runtime ) ou d'embarquer un automate logiciel », détaille Yves Etcheberry, chef de produit Simatic HMI chez Siemens. Pour une application donnée, différents types d'interfaces peuvent convenir. Le choix peut alors dépendre des habitudes de l'entreprise.
« Il existe deux types d'écrans déportés, précise Fabien Roy (R. Stahl). Soit en point par point,avec le principe KVM.Soit en client léger, la nouvelle génération : l'écran se connecte alors à un PC ou un serveur via un réseau,selon différents protocoles,comme RDP ou VNC. » Pour Pascal Jung (R. Stahl), cette solution présente un gros avantage en maintenance: « Il fallait auparavant assurer la maintenance d'un PC en zone Atex, ainsi que les mises à jour logicielles.Tout cela est quasiment éliminé avec la virtualisation et la connexion par adresse IP. » Il est en effet plus facile d'effectuer des modifications sur le système en dehors des zones dangereuses. « Certaines zones, dans les industries chimiques et pharmaceutiques, nécessitent l'usage d'une combinaison.Avoir un PC hors zone et utiliser des écrans déportés permet d'accéder au système informatique en évitant cette contrainte, sans avoir à entrer dans l'unité de production », observe Pascal Jung.
« Cette approche est dans l'air du temps, estime Alain Pierre (Pepperl+Fuchs). On centralise les informations sur un serveur, et on laisse moins d'intelligence dans le matériel sur site. C'est une méthode très novatrice, beaucoup plus légère et facile à maîtriser. » En conséquence, les compétences mises en jeu se déplacent: « Alors qu'auparavant on travaillait seulement de poste à poste,en gérant les PC séparément, on s'adresse désormais à des personnes qui maîtrisent les serveurs », ajoute-il. Ainsi, passer d'une architecture classique à ce système déporté peut représenter une difficulté.
Différents systèmes de montage sont généralement proposés pour les IHM. Les écrans peuvent se monter sur des machines ou en armoire, mais également sur des pieds ou des supports de type VESA.
Cependant, le PC autonome en zone Atex garde un intérêt dans certaines situations. « Il n'est pas toujours possible d'avoir un PC hors zone, notamment dans l'industrie pétrolière, comme sur les zones de forage », explique Fabien Roy (R. Stahl). Un problème qui se pose moins dans l'industrie chimique ou pharmaceutique: l'écran déporté y est plus facile à mettre en œuvre. Certaines IHM s'intègrent en armoire: « Nos appareils pour Zone 2 ou 22 ne contiennent que la face avant »,décritYves Etcheberry (Siemens). Pour être certifiés Atex, les appareils doivent passer des tests. Mais « lorsque ces produits sont intégrés selon nos préconisations, ils peuvent être autocertifiés par les intégrateurs, précise-t-il. Nous proposons également des solutions certifiées Atex complètement intégrées en coffrets, qui ne nécessitent pas d'intégration particulière ».
Pepperl+Fuch Pour interagir, les claviers peuvent être intégrés à l'écran. Quand ce n'est pas le cas, le métal est préféré au plastique, pour éviter les charges électrostatiques.
Les IHM voient leurs performances évoluer
L'une des façons d'adapter un appareil à une zone Atex est la pressurisation. Cela peut permettre par exemple d'installer un écran classique dans une armoire. Celle-ci étant mise sous pression, elle empêche ainsi les composants inflammables de rentrer. Mais, selon Pascal Jung (R. Stahl), « cette méthode est peu adaptée aux plates-formes pétrolières et autres milieux corrosifs : l'air extérieur attaque les composants des cartes mères, provoquant un taux de panne élevé. Ce système est donc de moins en moins utilisé ».
Une autre méthode consiste à utiliser uniquement des composants protégés. L'appareil est ainsi certifié tel quel, et le dépannage reste possible. En effet, cer-tains fabricants coulent les composants dans de la résine pour les protéger, ce qui rend l'appareil irréparable en cas de panne. « Avec une conception modulaire, il est possible de remplacer uniquement les com-posants qui font défaut » , explique Fabien Roy (R. Stahl). « En plus d'utiliser des composants spécifiques pour les cartes mères, nous assurons un indice de protection IP66 à la fois en face avant et en face arrière », ajoute Mark Liu (Moxa).
D'autres paramètres sont importants pour prévenir les risques d'explosion: « Il faut éviter de mettre en jeu des énergies trop importantes, complète Alain Pierre (Pepperl+Fuchs). Cela passe par la gestion de la température des composants installés dans la zone.Mais également par l'usage de certains matériaux : on va par exemple préférer un clavier en métal plutôt qu'en plastique,afin d'éviter les décharges électrostatiques. Il y a ainsi toute une liste de règles à respecter ».
Comme tous équipements électroniques, les IHM voient leurs performances évoluer. Même si cela prend plus de temps pour les zones Atex : « C'est toujours plus compliqué que pour les appareils classiques. Le fait d'avoir un agrément supplémentaire fait perdre souvent trois à quatre mois pour la mise sur le marché », commente Pascal Jung (R. Stahl). Les processeurs utilisés gagnent en puissance : on peut trouver des modèles intégrant des cœurs i7 d'Intel. « Les IHM les plus récentes bénéficient des avancées de l'informatique en général, résume Yves Etchepare (KEP France). Cela inclut également de meilleurs écrans, avec format 16/9 et haute résolution. » Alors que les écrans étaient limités à une diagonale de 10 pouces il y a quelques années, on
Les fabricants proposent des écrans de plus en plus larges, permettant d'afficher des synoptiques encore plus détaillés.
trouve aujourd'hui des IHM pour milieux Atex allant jusqu'à 24 pouces. De nouvelles dalles tactiles capacitives, du même type que celles qui composent les smartphones, permettent d'intégrer de nouvelles fonctionnalités: « Les écrans sont aujourd'hui tactiles multipoints et compatibles avec le port de gants, continue Mark Liu (Moxa). Cela permet par exemple de zoomer par un simple mouvement des doigts, et cela réduit le risque d'opérations accidentelles. » Auparavant, cela n'était pas possible avec les dalles résistives. Autre amélioration: la lecture en plein soleil devient plus facile, avec la luminosité de certains écrans qui atteint les 1 000 candela par mètre carré (1 000 nits). « C'était impensable il y a encore cinq ans », rappelle Pascal Jung (R. Stahl). À cela s'ajoute l'usage de filtres polarisants: « Avec ce système, il n'est plus nécessaire de monter un cache-soleil sur l'écran.Jusqu'à il y a deux ans, c'était impossible à faire sur de grandes dalles.C'est une solution ergonomique adaptée aux usages sur les plates-formes pétrolières,en pleine mer ou dans le désert ». « De plus en plus,on va au-delà de l'association écran, clavier, souris, indique Pascal Jung (R. Stahl). Les clients demandent une station totalement multimédia, avec des connexions Bluetooth,sans fil,ou encore une webcam intégrée. Nous proposons cela depuis peu sur nos derniers écrans, et ces fonctions sont souvent utilisées par nos clients. » D'autres évolutions concernent « la redondance de l'alimentation et la protection des câbles », ajoute Mark Liu (Moxa), ainsi que la tenue en température : « Nos modèles peuvent démarrer en 3 à 6 minutes par - 40 °C,quand certains appareils ont besoin d'une heure dans les mêmes conditions », poursuit-il. « Auparavant les besoins étaient moindres, car il n'y avait pas d'appareils assez performants, observe Fabien Roy (R. Stahl). Les applications du client étaient limitées par l'offre. Mais de nos jours,on peut obtenir en zone Atex des performances comparables aux autres milieux. » Cependant, certaines configurations restent limitées: « Avec un écran déporté selon un protocole RDP ou VNC, il n'est pas possible d'afficher de vidéos trop rapides, car le protocole en lui-même reste lent », indique Alain Pierre (Pepperl+Fuchs). De nombreux périphériques sont aujourd'hui compa-tibles pour enrichir les applications possibles: « Casques Bluetooth,claviers sans fil, lecteurs de codes-barres ou de puces RFID, énumère Pascal Jung (R. Stahl). Seule l'imprimante est encore difficile à intégrer en zone Atex ».
Garantir la sécurité
Plusieurs méthodes permettent d'éviter les risques d'explosion venant d'appareils électroniques. En voici quelques exemples, utilisés pour la conception d'interfaces homme-machine: - La surpression interne empêche l'atmosphère environnante de pénétrer dans l'appareil.
- L'encapsulage des pièces à risque dans de la résine évite la production d'étincelles. - L'utilisation d'un circuit de sécurité évite les étincelles ou les effets thermiques.
- Un caisson étanche permet d'isoler un appareil de l'atmosphère explosible.
Les zones Atex se trouvent dans l'industrie pétrolière, dans le secteur de la chimie, ainsi que dans l'industrie pharmaceutique.
PourYves Etchepare (KEP France), « les plus grosses avancées de nos jours se situent sur les possibilités d'historisation et d'archivages des données, dans le but d'aider l'opérateur à mieux produire. Les IHM basiques sont devenues des mini-superviseurs,capables de stocker en mémoire les historiques d'alarmes, d'événements ou de courbes sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Elles peuvent également exporter ces données de diverses manières, et sous différents formats ».
Ces évolutions sont liées à la mutation des systèmes d'information et àlamul-tiplication des connexions et des sources de données. « Les IHM vont servir de concentrateurs d'informations, de passerelle entre les différents automates, ou à remonter les données sur un serveur, une supervision ou une base SQL.En seulement une petite dizaine d'années, nous avons assisté à la mise en place d'une architecture pyramidale avec l'IHM à la base et la supervision à son sommet », continueYves Etchepare. Il estime que, dans les années à venir, l'interface homme-machine va prendre une place encore plus prépondérante grâce à une connectivité accrue, à la portabilité, aux fonctions de mobilité et à la prise en main distante.
Aujourd'hui, le marché atteint « un stade critique. Les premiers écrans Atex ont plus de dix ans, nous arrivons au moment où ils devront être changés », estime Pascal Jung (R. Stahl). Cela pose donc la question d'un éventuel changement d'architecture. Faut-il rester sur un système KVM, ou passer en client léger? Face à ces interrogations, les fabricants peuvent accompagner les clients pour les aider à utiliser les infrastructures déjà en place, comme le câblage, et à garder des fonctionnalités équivalentes.
Classification des zones Atex
Le classement des zones Atex est divisé en trois catégories: l Zone 0 (gaz et vapeurs) ou 20 (poussières): lorsque le risque est permanent, ou présent pendant de longues périodes en fonctionnement normal. Cela concerne principalement l'intérieur de réservoirs ou de canalisations: il n'y a normalement pas lieu d'installer des interfaces homme-machine dans ces zones.
l Zone 1 (gaz et vapeurs) ou 21 (poussières): lorsque le risque est occasionnel en fonctionnement normal. On trouve ces zones par exemple à proximité immédiate des Zones 0, des ouvertures d'alimentation, de remplissage et de vidange.
l Zone 2 (gaz et vapeurs) ou 22 (poussières): lorsque le risque survient uniquement de façon accidentelle, ou de courte durée. Ces zones concernent notamment les alentours des Zones 0 ou 1, ou la proximité d'appareils en matériaux fragiles, comme des tubes de niveau en verre.