Leslaboratoiresd'EDFR&D s'ouvrentdeplus enplusauxindustriels

Le 30/03/2019 à 14:00

Tout le monde connaît Electricité de France (EDF), le fournisseur d'électricité français depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Parmi ses nombreuses prérogatives, il a notamment en charge la production d'électricité, au travers de l'exploitation de centrales nucléaires, de parcs éoliens et de centrales hydroélectriques, en France et dans le monde entier, ainsi que de la fourniture de l'électricité aux particuliers via Enedis, aux entreprises et aux industries. Si pendant des années le transport lui revenait, cette activité est désormais du ressort de Réseau de transport d'électricité (RTE).

Au-delà de ces activités d'exploitation et de distribution, EDF s'est également bâti une solide réputation, au niveau international, dans les domaines des études et des essais. Au travers de ses trois sites en France et de ses six autres à l'international, représentant au total environ 2000 personnes, EDF R&D dispose des installations (70 plateformes de test) et des compétences dans un large panel de domaines. Le site principal de Saclay (Essonne), un centre inauguré en 2016 est en effet spécialisé dans les calculs (algorithmes et simulation), les essais et les études économiques.

À Chatou (Yvelines), les équipes réalisent des études hydrauliques –il s'agit d'essais avec des maquettes de barrages, notamment–, les études d'impact écologique des rejets et de la pollution de l'air (modélisation des panaches de fumées, par exemple). Enfin le site des Renardières situé àMoret-Loing-et-Orvanne (Seine-et-Marne), à une dizaine de kilomètres de Fontainebleau, réunit les départements TREE (Technologies et recherches pour l'efficacité énergétique), MMC (Matériaux et mécanique des composants) et LME (Laboratoire des matériels électriques). C'est le LME qui exploite les installations d'essais haute tension et grande puissance.

Pour les essais de tenue diélectrique, le bâtiment, doté de deux aires différentes, l'une dédiée aux appareils de basse ou moyenne tension et l'autre pour les essais de très haute tension, dispose de générateurs 800 kV et 1,1 MV.

Marc Caraveo pour EDF

activités du LME s'articulent autour des essais de puissance, des essais diélectriques, climatiques et d'endurance, des composants de réseaux électriques intelligents, des câbles et accessoires de liaisons, de Compatibilité électromagnétique (CEM), de la maintenance et nouveaux équipements, de la technologie de batteries et de la chimie des matériaux électriques, ainsi que du stockage stationnaire, d'électronique de contrôle et de puissance », explique Christian Pons, ingénieur chercheur au Laboratoire des matériels électriques d'EDF R&D.

Le site, créé en 1964, est le plus étendu des sites d'EDF R&D, avec une superficie de 86ha et regroupant 40 laboratoires. Près de 600 personnes y travaillent, dont plus de 150 au sein du Laboratoire des matériels électriques. « Pour notre cœur de métier,à savoir l'étude et les essais des équipements du réseau électrique (transport et évacuation),disposer rapidement de nombreux spécialistes sur l'ensemble des compétences autour d'un matériel électrique (huile diélectrique, isolation externe, imagerie thermique, dégradation de matériau, etc.) est un avantage indéniable.En particulier lorsque les personnes des études travaillent sur des moutons à cinq pattes. Les concurrents sont plutôt positionnés uniquement sur le secteur des essais de qualification », constate Christian Pons.

Créé en 1964, le site des Renardières, situé à Moret-Loing-et-Orvanne, réunit les départements TREE, MMC et LME. C'est le plus étendu des sites d'EDF R&D, avec une superficie de 86 ha et regroupant 40 laboratoires. Près de 600 personnes y travaillent, dont plus de 150 au sein du Laboratoire des matériels électriques (LME).

EDF

Trois types de clients différents

Contrairement à ce que beaucoup de personnes peuvent encore penser, les laboratoires d'essais ne travaillent pas exclusivement pour la Recherche et Développement. « On peut diviser nos clients en trois catégories différentes : les besoins propres à laR&D d'EDF, pour mener des essais exploratoires par exemple, les autres entités du groupe et les clients externes, pour réaliser des essais de qualification de matériels », précise Stéphane Delgrange, responsable développement des laboratoires au sein du département LME d'EDF R&D. « Les entreprises tierces peuvent être des fabricants d'équipements de transformateurs d'isolateurs ou d'autres matériels, et ces clients représentent une part non négligeable de notre activité », insiste Christian Pons.

On a beau savoir que l'on visite des installations d'essais uniques dans le monde, tous les visiteurs sont impressionnés par les moyens d'essais mis en œuvre sur le site des Renardières. Pour les essais de tenue diélectrique, le bâtiment, doté de deux aires différentes, l'une dédiée aux appareils de basse ou moyenne tension et l'autre pour les essais de très haute tension, dispose de générateurs 800kV et 1,1MV. « Nous disposons également notamment d'une chambre climatique d'un volume de 1 200 m 2 (dimensions [HxLxP] de 14,6 x 6,5 x 12,8 m),qui a d'ailleurs été rénovée en 2017 », explique Emmanuel Bic, chef de groupe Essais diélectriques, climatiques et endurance chez EDF R&D.

Le système de refroidissement actuel assure une plage de température de - 40 à +60°C en toutes saisons, avec une précision de ±1°C sur l'ensemble du volume, en plus d'une humidité relative jusqu'à 95% HR, de la possibilité de réaliser des cycles (5°C/h), un rayonnement UV, ainsi que de contrôler l'équipement sous test. « Il est plutôt courant de trouver une installation permettant de mener des essais en froid, il est plus rare de disposer d'une telle installation avec un grand volume et encore plus rare si l'on doit asperger l'équipement sous test d'eau et de glace », poursuit Emmanuel Bic.

Voici encore quelques chiffres du côté des essais de haute puissance. « Ce laboratoire a pour objectif soit de tester le matériel voyant un courant de court-circuit (un disjoncteur capable de couper le réseau électrique, par exemple),soit de caractériser le comportement d'un matériel alimenté à son courant nominal. Il s'agit de voir s'il n'y a pas de surchauffe ni de dérive dans le temps à cause d'un élément qui se dégrade ou vieillit plus vite », explique Alexandre Zénérino, ingénieur-chercheur et chef des Laboratoires d'essais grande puissance chez EDF R&D.

Des investissements à tous les étages

Concept Grid en quelques chiffres

3km de liaisons souterraines et aériennes haute tension (HTA; 20 kV)

120km de réseau HTA simulés par des cellules RLC

7km de circuits basse tension (BT)

2 postes de distribution (400 kVA)

3 régimes de neutre (20kV): résistance, bobine de Peterson et actif

1 groupe tournant (50 kVA)

1 réseau de communication par courant porteur en ligne, par radio et par fibre optique

1 transformateur d'alimentation 63kV/20kV (20 MVA), panneaux pho-tovoltaïques (20kVA), 2 micro-éoliennes, 1 amplificateur de puissance BT (120 kVA en générateur) et systèmes de stockage par batteries

Charges pour reproduire la consommation électrique de bureaux (500kVA), de 5 maisons témoins équipées de matériels électriques à usage domestique (50kVA), de pompes à chaleur (jusqu'à 50kVA), de bornes de charges pour véhicules électriques (jusqu'à 100kVA) et d'un amplificateur de puissance BT (60kVA en récepteur)

Ces essais requièrent deux stations d'une puissance de 500 MVA et 3300MVA, avec un courant de court-circuit jusqu'à 130kA, sachant que les stations sont alimentées en 225 et 400 kV directement depuis le réseau RTE. Il est possible de mener des essais de disjoncteurs jusqu'à 25kA/100kV (méthode directe) ou 63kA/420 kV (méthode synthétique). « Nous avons investi ces dernières années 4,5 millions d'euros dans ces installations, ce qui se traduit par exemple par le renouvellement des dispositifs de pilotage de nos installations, le regroupe-ment des équipes de conduite et de mesure, le déploiement d'une caméra haute vitesse,en lieu et place de films,pour filmer la propagation de l'arc dans l'air et les mécanismes de dégradation des appareils », indique Alexandre Zénérino.

Les investissements faits sur le site des Renardières ne s'arrêtent pas là. « Nous avons développé une activité de diagnostic des câbles, à savoir de les tester pour déterminer une éventuelle probabilité de défaillance (claquage). À l'origine en 2003, il s'agissait de répondre au problème de défauts dans des boîtiers de jonction. Le banc d'essais de raccordement a également été agrandi,doublant presque sa surface initiale de 20 m 2 », rappelle Fabrice Zorzi, ingénieur chargé d'affaires chez EDF R&D. Le laboratoire pour les câbles assure les essais de qualification des nouveaux matériels et le contrôle des matériels d'Enedis (essais électriques, contraintes thermiques et mécaniques sur les câbles, les isolants, etc., pour vérifier leur durée de vie), ainsi que des essais tiers (industriels autres qu'EDF).

Du côté du laboratoire sur les batteries, il est par ailleurs prévu d'augmenter d'un tiers la surface du bâtiment et de multiplier par deux le nombre de moyens d'essais. L'objectif est d'être en mesure de tester plus de cellules en même temps, selon un vieillissement calendaire –la cellule vieillit du simple fait des produits chimiques, ce qui peut prendre des années selon la température, le niveau de charge initial, etc.– ou un vieillissement accéléré en créant volontairement une défaillance (surcharge pendant des heures, court-circuit provoqué par un clou). L'équipe du laboratoire est amené à faire des analyses sur des produits d'avant-garde et les technologies de demain, venant notamment d'entreprises ou d'instituts. Cet investissement est réalisé dans le cadre du Plan Stockage lancé par le groupe EDF et qui prévoit un investissement de 35Me sur trois ans.

Entre démonstrateurs et essais en laboratoire

Le projet le plus important, tant par la taille que par l'investissement engagé, de l'ordre de 10 Me, est le Concept Grid. Il s'agit d'une plateforme expérimentale destinée à anticiper et accompagner l'évolution des systèmes élec-triques.« Industriels,start-up et académiques avaient le choix entre réaliser des essais uni-taires,selon une norme donnée,et des démonstrateurs pour obtenir l'information globale de la réaction des équipements entre eux et avec l'infrastructure, car tous sont aujourd'hui de plus en plus interdépendants.Mais le problème avec les autres démonstrateurs réside dans le fait qu'ils sont installés sur le réseau électrique, ce qui a un impact sur la qualité de la fourniture au niveau des clients finaux », rappelle Cristian Jecu, ingénieur-chercheur en simulation et essais de réseaux électriques chez EDF R&D.

Création d'EDF Power Networks Lab

Concept Grid se présente donc comme le chaînon manquant entre les démonstrateurs de terrain et les essais unitaires en laboratoire. Inaugurée en septembre 2013 et en exploitation auprès des clients (équipes d'EDF, clients français et internationaux) l'année suivante, la plateforme d'essais s'étend sur 3ha.Le réseau de distribution réunit 3km de réseau moyenne tension (20 kV), qui alimentent un réseau basse tension de 7km. Des matériels électriques complémentaires permettent de reproduire virtuellement les caractéristiques des réseaux de distribution de plus grande taille. Des cellules RLC (Résistance, Inductance, Capacitance) permettent en effet de simuler jusqu'à 120km de lignes moyenne tension supplémentaires, un amplificateur de puissance, couplé à un simulateur temps réel,génère des scénarii de production (jusqu'à 120kVA) ou de consommation électrique (60kVA au maximum), puis de les associer au réseau réel de Concept Grid.

Cet ensemble d'installations, qui fonctionne en moyenne et basse tensions, permet une large gamme d'expérimentations, ce qui fait de Concept Grid un moyen d'essais unique au service de la recherche industrielle et académique pour préparer les réseaux de demain.

Marc Caraveo pour EDF

Pour rendre Concept Grid encore plus représentatif des réseaux de distribution réels, EDF a reproduit un quartier d'ha-bitation avec cinq maisons d'une surface de 20m 2 chacune, qui hébergent des matériels et des offres de service actuels ou anticipant les usages futurs. Le réseau électrique se double d'un réseau de télécommunication par fibre optique, par radio et par courant porteur en ligne (CPL), ainsi que d'un système d'information intégrant des fonctions de type smart grid . « Le poste de pilotage à distance permet d'assurer le contrôle commande,de récupérer à la microseconde près et transmettre les mesures. Sans oublier d'éviter au personnel de se rendre sur place, ce qui n'est pas anodin vu les distances à parcourir et qui contribue à la sécurité du personnel », précise Cristian Jecu.

Dans le but de formaliser d'une manière encore plus forte l'ouverture aux industriels, « nous amorçons une politique commerciale et de marketing,avec la création d'un catalogue fort de 80 prestations différentes au niveau de la R&D et la mise en place d'un accès direct à un interlocuteur selon les domaines,en nous appuyant sur le travail des anciens, qui fait aujourd'hui référence dans le domaine du 50 Hz et de la normalisation », décrit Christian Pons. Une identité propre à l'offre commerciale existe d'ailleurs avec EDF Power Networks Lab. Rappelons que la marque EDF est très prisée, en particulier à l'étranger chez les exploitants. « Notre laboratoire est par ailleurs accrédité selon la norme NF EN ISO/ CEI 17025 (Cofrac), et nous sommes membres de l'ESEF, une association qui regroupe les laboratoires d'essais de puissance français et qui est elle-même membre du STL ( Short-circuitTesting Liaison ),autre association regroupant les grands laboratoires d'essais mondiaux », ajoute Stéphane Delgrange.

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