L'essentiel
Pour contrôler rapidement les cotes de certaines pièces complexes, le décolleteur Bouverat-Pernat utilise une machine de mesure par scanning vidéo . L'équipement, proposé par MCE MicroVu, est installé au cœur de l'atelier, à côté des machines-outils. Les résultats du contrôle sont exploités par le logiciel Copilot, développé par le CTDEC. Grâce à cet outil, l'industriel connaît les corrections qu'il doit appliquer aux machines d'usinage. |
C'est la capitale mondiale du décolletage. La vallée de l'Arve, au cœur de la Haute-Savoie, rassemble à elle seule plus de 500 entreprises spécialisées dans ce domaine (soit près de 80% du décolletage français). Parmi elles,la PME familiale Bouverat-Pernat. La société, créée en 1975, fabrique sur son site de Marnaz une très grande variété de pièces mécaniques en acier, en inox, en laiton et parfois en plastique. Les séries produites, qui comptent de mille à plusieurs centaines de milliers de pièces, s'adressent à de multiples secteurs industriels: plus de la moitié de la production est destinée au transfert de fluides hydrauliques ou pneumatiques (avec des composants de vannes, d'amortisseurs hydrauliques, de compteurs d'eau ou de gaz, etc.). Le reste est utilisé notamment dans l'automobile, ou encore dans l'armement. La société réalise en effet près de 10 % de son activité dans l'usinage de pièces utilisées pour la fabrication de munitions.Au final, ce ne sont pas moins de 700 tonnes d'acier et 400 tonnes de laiton qui sont utilisées chaque année par le décolleteur afin de satisfaire l'ensemble de ses demandes.
Pour se distinguer des autres fabricants de la région, la société mise avant tout sur son savoir-faire. Elle est spécialisée en particulier dans la fabrication de pièces techniques requérant des compétences spécifiques dans l'usinage et l'ébavurage. « La fabrication de composants hydrauliques, par exemple, nécessite un usinage sans bavure, avec des tolérances d'états de surfaces très serrées et des exigences d'étanchéité.Une problématique particulièrement sensible pour les petits perçages (d'un diamètre inférieur à 0,2 mm) » , explique Laurent Bottollier, responsable R&D chez Bouverat-Pernat. Pour rester compétitive, la société est animée par un objectif majeur: optimiser chaque étape du procédé pour fabriquer les séries demandées en un minimum de temps. Pour y parvenir, elle dispose notamment d'un parc de machines conséquent constitué de 26 tours, dont 4 modèles à commande numérique multibroches. Sur ces machines, six opérations d'usinage sont réalisées consécutivement sur la même pièce (au lieu d'une sur les machines monobroche). Toute l'expérience du décolleteur est ensuite mise à profit pour choisir les bons outils et programmer les machines d'usinage de manière optimale. Autrement dit pour assurer une fabrication rapide, tout en assurant un process répétable.
Bouverat-Pernat
Bouverat-Pernat dispose d'un parc de machines constitué de 26 tours, dont 4 modèles à commande numérique multibroches. A l'aide de ces équipements, le décolleteur fabrique une grande variété de pièces mécaniques de formes diverses et de différents matériaux (acier, laiton, inox, plastique, etc.).
Rapidité et simplicité d'utilisation
Les opérations de contrôle, de leur côté, sont soumises aux mêmes impératifs. C'est pourquoi la société a récemment installé au sein de son atelier une machine de mesure sans contact destinée à contrôler les cotes de certaines pièces techniques en un minimum de temps. A l'origine de cette application, la fabrication d'une nouvelle série de pièces pour le secteur de la défense. Dans ce domaine, le niveau de qualité et de traçabilité exigé est élevé. « Pour s'assurer que les pièces produites étaient conformes aux tolérances requises (de l'ordre de 0,04 mm), nous devions mesurer 8 cotes extérieures sur chacune d'entre elles avec un suivi SPC,et modifier en conséquence les réglages du tour » , souligne Laurent Bottollier. Or l'équipement dont dispose le décolleteur n'est pas adapté à ce nouveau besoin. Pour contrôler les pièces en sortie de tour, il utilise un montage multicotes. La mesure proprement dite est rapide, mais la préparation est longue et fastidieuse. Il faut monter correctement les différents palpeurs, s'assurer que le moyen est bien réglé, et changer de configuration à chaque fois que l'on souhaite contrôler un nouveau type de pièce… De plus, « les tendances actuelles s'orientent plutôt vers la fabrication de séries de plus en plus courtes, et vers une multiplication du nombre de références.Nous savions donc que nous devions trouver à plus ou moins long terme une alternative au montage multicotes » , indique Arnaud Clerc, directeur Développements chez Bouverat-Pernat.
La société recherche un système de mesure rapide, et facilement adaptable à la diversité des besoins. « C'était un des éléments clés de notre cahier des charges, explique Laurent Bottollier. Pour que le nouvel équipement soit bien accepté par nos équipes, il ne fallait pas qu'il engendre une contrainte supplémentaire ou une perte de temps ». Autre élément important, la nécessité de disposer d'un moyen de mesure assez robuste pour qu'il soit installé au plus près des machines, au cœur de l'atelier.
Les opérateurs prélèvent régulièrement les pièces en sortie de tour afin de contrôler la conformité de certaines cotes sur la machine de mesures par analyse d'image. Celle-ci est installée au coeur de l'atelier, à quelques mètres des machines d'usinage. Elle autorise le contrôle de toutes pièces de révolution (jusqu'à 40 mm de diamètre et 270 mm de longueur). Une fois le contrôle réalisé, les opérateurs reportent les corrections à appliquer (en cas de dérive) aux commandes numériques.
DRLes machines de la gamme MTL sont basées sur une analyse d'images. La pièce est positionnée au cœur de l'instrument. D'un côté se trouve un éclairage à Led ; de l'autre, une optique télécentrique associée à une caméra linéaire.
MCE MicroVuEn visitant le salon Simodec (consacré à la machine-outil de décolletage) en 2008, Bouverat-Pernat découvre les systèmes de mesure de la gamme MTL proposés par MCE MicroVu. L'équipement, conçu par l'italien Vici Vision, contrôle le profil extérieur des pièces de révolution en statique ou en dynamique. Il est basé sur un balayage vertical de la pièce par une caméra linéaire, et un traitement de l'image obtenue. Pour le décolleteur, ce moyen de mesure présente plusieurs avantages: le contrôle ne prend que quelques secondes, et il ne nécessite aucun réglage spécifique (hormis la programmation préalable de la machine). Comme l'opérateur travaille sur une image de la pièce, et non sur son modèle théorique, il voit directement ce qu'il mesure. « Lorsqu'une cote est hors tolérance, il peut instantanément la situer sur la pièce.De plus il est possible d'agrandir l'image pour mieux comprendre ce qui se passe.Ainsi l'opérateur peut s'apercevoir que la mesure a été perturbée par la présence de copeaux de métal,ou par tout autre élément qu'il verra à l'image » , précise Olivier Rivoirard, ingénieur commercial ligne MTL chez MCE MicroVu.
Contrairement à d'autres solutions du marché, le chargement des pièces est vertical. La plupart du temps, aucun dispositif de fixation n'est donc nécessaire: il suffit de poser la pièce sur le support situé au centre de la machine. Enfin la solution, conçue pour une utilisation en atelier, se distingue par sa robustesse. « La zone de mesure est isolée de la partie électronique par un flux d'air, et les éléments sensibles sont protégés afin de ne pas être endommagés si une pièce tombe dans la machine » , souligne Franck Zollinger, responsable marketing chez MCE MicroVu.Après plusieurs essais de faisabilité, le décolleteur décide de franchir le pas. Le modèle MTL 250 est alors installé sur le site de Marnaz, pour un investissement de l'ordre de 35000 euros.
Dans une salle climatisée au cœur de l'atelier, une machine à mesurer tridimensionnelle de Mitutoyo contrôle par contact (point à point et scanning) les cotes de certaines pièces complexes.
DRUn contrôle par analyse d'images
Dès sa mise en service, l'équipement satisfait à toutes les attentes. La machine est installée à côté des machines, en libre-service. Les opérateurs effectuent des contrôles de conformité tout au long de la production (en prélevant en moyenne une pièce toutes les cent produites). L'équipement, initialement destiné à une série de pièces spécifiques, est désormais employé pour différentes applications. « Grâce à cette machine,nous pouvons contrôler les cotes extérieures de toutes les pièces de révolution, y compris les modèles de forme complexe ou de grandes dimensions (jusqu'à 40 mm de diamètre et 270 mm de longueur) » , indique Laurent Bottollier. Le contrôle s'effectue en moins de dix secondes. L'opérateur n'a qu'à charger la pièce, sélectionner le programme adéquat et lancer l'acquisition de l'image. Grâce aux outils de traitement intégrés, le système réalise les mesures souhaitées (longueurs, angles, rayons, coaxialité, cylindricité, diamètres des trous débouchants, etc.) et affiche les résultats sur l'écran relié à la machine. L'image de la pièce est associée à la valeur numérique des cotes mesurées, ainsi qu'à un code couleur. En un coup d'œil, les opérateurs peuvent ainsi savoir si la pièce est conforme, ou pas, aux tolérances. Bien sûr, il faut auparavant programmer la machine pour la série de pièces contrôlée. « La programmation peut être effectuée sur un autre poste,à partir du fichier image de la pièce.Le temps nécessaire (d'une demi-heure à une heure, suivant les cas) est de toute façon plus court que les multiples réglages qu'il fallait effectuer avec le montage multicotes » , souligne Laurent Bottollier. Les opérateurs apprécient également la facilité d'utilisation de la machine, ainsi que la rapidité du contrôle. Seule contrainte, la nécessité d'être plus vigilant que par le passé sur la propreté des pièces. « Les copeaux métalliques ou les fibres des chiffons employés pour nettoyer les pièces pourraient apparaître à l'image et perturber la mesure » , explique le décolleteur.
Sur l'écran associé à la machine, l'opérateur peut visualiser l'image de la pièce et un tableau listant les valeurs des cotes mesurées. Un code couleur indique également si la cote est dans la tolérance requise (en vert), hors tolérance (en rouge), dans un intervalle limite (en orange) ou si elle n'a pas été mesurée (en bleu).
MCE MicroVuCependant l'essentiel n'est pas là. Pour les opérateurs, la machine installée par MCE MicroVu constitue pratiquement un nouveau moyen de production. Elle leur permet en effet de corriger instantanément les trajectoires des outils dans les commandes numériques.Aussitôt calculés, les résultats de mesure sont exploités par le logiciel Copilot, développé et commercialisé par le CTDEC (Centre technique de l'industrie du décolletage). Le cœur de cet outil est une matrice qui relie les cotes mesurées aux correcteurs à appliquer en cas de dérive.Avant d'en être équipés, les opérateurs de Bouverat-Pernat devaient calculer eux-mêmes les corrections adéquates. Mais l'opération est moins simple qu'elle ne paraît. Il ne suffit pas de jouer sur la trajectoire d'un outil pour modifier une cote hors tolérance.Au contraire, le déplacement d'un outil est souvent relié à plusieurs cotes, suivant un ou plusieurs axes. Bref, « si l'on modifie l'un des paramètres, cela en impacte forcément d'autres » , explique Geneviève Legrand, chef de projet Copilot au CTDEC. Lorsqu'une dérive est constatée, le logiciel calcule automatiquement les corrections nécessaires, et leur incidence sur les différentes cotes. L'opérateur dispose alors d'un tableau Excel lui indiquant pour chaque outil le pourcentage de déréglage constaté, et la correction à appliquer suivant chacun des axes.Via le pupitre de commande de la machine-outil, il saisit ensuite les valeurs calculées par le logiciel, afin que la dérive soit corrigée.
Satisfait du fonctionnement de son application, le décolleteur songe déjà à la suite. «A l'heure actuelle, les corrections sont saisies manuellement par les opérateurs. Mais elles seront à terme transmises directement par le logiciel Copilot aux commandes numériques. Ainsi la production sera automatiquement pilotée à l'aide de la machine de mesure MTL et du logiciel associé » , annonce Laurent Bottollier. Le CTDEC travaille en effet sur le développement de l'interface entre le moyen de mesure et les commandes numériques des différentes machines-outils. Il est déjà possible d'établir un pilotage automatisé avec les centres de tournage monobroches du fabricant. L'interface avec les machines multibroches, en revanche, est en cours de développement. Pour le centre technique, il s'agit d'un travail de longue haleine. « Les machines-outils et les commandes numériques qui leur sont associées ont souvent un langage différent » , explique Geneviève Legrand (CTDEC). L'interface avec les machines multibroches devrait être disponible d'ici la fin de l'année. Toutefois l'intervention de l'opérateur restera nécessaire. « Il est important de laisser au régleur ou à l'opérateur la possibilité de valider les corrections à apporter,et la transmission de ces données au centre d'usinage » , ajoute Geneviève Legrand.
Le logiciel CoPilot, développé par le CTDEC, exploite les résultats fournis par la machine de mesure pour calculer les corrections à appliquer aux commandes numériques.
Bouverat-PernatEn attendant, l'entreprise familiale s'est distinguée par sa capacité à innover. Si d'autres décolleteurs lui ont depuis emboîté le pas, « Bouverat-Pernat a été la première entreprise de la vallée de l'Arve à acquérir notre machine de mesure par scanning vidéo pour contrôler les pièces qu'elle produit » , souligne Olivier Rivoirard (MCE MicroVu). Malgré un contexte économique difficile, la société mise aussi sur l'avenir. Elle a d'ailleurs tout récemment fait la une de l'actualité locale en annonçant l'agrandissement de ses locaux. Le site de Marnaz, qui occupe actuellement 2200m 2 ,devrait ainsi s'étendre sur 4000m 2 d'ici le printemps prochain.