LES OSCILLOSCOPES NUMÉRIQUES DE TABLE

Le 23/04/2020 à 0:00
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Lorsqu'un électronicien souhaite visualiser les signaux électriques au niveau de la carte qu'il est en train de concevoir ou de valider, que ce soit en entrée et sortie ou au niveau d'un composant en particulier, son premier réflexe est de connecter un oscilloscope numérique aux points de mesure. « Tous les ingénieurs ont forcément un oscilloscope sous la main, comme instrument d'appoint pour réaliser des mesures basiques ou comme moyen de caractérisation d'un design très complexe – modifier une conception afin d'améliorer la diaphonie, par exemple », constate Pierre Dupont, Applications Engineer chez Tektronix France.

« Je ne vois pas comment analyser un système que l'on conçoit sans visualiser et analyser les signaux », confirme Jean Laury, EMEA Vice-President of Sales de Teledyne LeCroy. « Comme il n'y a pas une entreprise travaillant dans le domaine de l'électronique qui ne possède d'oscilloscopes, c'est aussi un moyen, pour nous, représentants et distri-buteurs, d'entrer dans ces sociétés », indique Céline Côme, Managing Director du département Tests, Energie, Mesures d'Equipements Scientifiques.

Ce « compagnonnage » remonte d'ailleurs à plusieurs décennies. C'est le physicien français André Blondel qui a développé le premier oscilloscope électromécanique en 1893 – la bande passante était toutefois limitée entre 10 et 19 kHz. La première société au monde à avoir présenté un modèle est le britannique A.C. Cossor en 1932, suivi par l'américain Tektronix, société créée en 1946 par Howard Vollum et Melvin Jack Murdock, avec le premier oscilloscope à balayage déclenché avec une bande passante de 10 MHz.

À partir des années 1950, l'oscilloscope devient un instrument de mesure universel, et l'on a ensuite vu apparaître les premiers modèles analogiques, contribuant à améliorer bande passante et précision. « La technologie analogique ne permettait de ne montrer que la forme d'onde d'un signal, c'était à l'utilisateur de “juger” de l'analyse », indique Anas Kaab, Distribution Field Engineer pour les produits RF et millimétriques chez Keysight Technologies France. L'année 1985 marque le passage au numérique avec le premier oscilloscope à mémoire numérique (Digital Storage Oscilloscope ou DSO), avec une bande passante de 1 MHz et une résolution verticale de 12 bits, développé par l'américain Nicolet Instrument. Son compatriote LeCroy proposera rapidement une version plus rapide (100 MHz et 8 bits).

DES MODÈLES ANALOGIQUES DISPARUS

Lors des décennies suivantes, les différents fabricants ont notamment porté leur attention sur la manière de se rapprocher au plus près de l'affichage des oscilloscopes analogiques. C'est ainsi que Tektronix a notamment dével-oppé les oscilloscopes numériques avec émulation d'écran au phosphore (Digital Phosphor Oscilloscope ou DPO) et la technologie DPX – un mode d'acquisition rapide assurant l'affichage de 300 000  formes d'onde par seconde. « Il s'agissait de retrouver la persistance analogique, le ressenti de la trace analogique avec un gradient de couleur traduisant la profondeur de la trace. Aujourd'hui tout est émulé numériquement », précise Pierre Dupont (Tektronix France).

C'est ce qui fait dire à Anas Kaab (Keysight Technologies France) qu'« aujourd'hui, il n'existe presque plus d'oscilloscopes analogiques sur le marché ». Hormis quelques références, pour les nostalgiques, de l'américain B+K Precision, des taïwanais GW Instek et Tecpel, ou de Metrix (groupe français Chauvin Arnoux), par exemple, que l'on retrouve surtout chez les cataloguistes, les distributeurs, les brockers (courtiers) et sur les sites marchands d'Amazon et d'eBay, l'offre en oscilloscopie est uniquement composée de modèles numériques. Nous nous intéresserons, dans cet article, aux seuls oscilloscopes numériques de table, sachant qu'il existe également sur le marché des modèles portables, des oscilloscopes aux formats modu-laires (USB, PCI Express, PXI Express, etc.), ainsi que des numériseurs même s'ils ne répondent pas aux mêmes applications (voir encadré page 39).

Qu'il soit d'entrée, de milieu ou de haut de gamme, un oscilloscope numérique repose sur le même type d'architecture matérielle : un frontal analogique pour le conditionnement du signal d'entrée (pré-amplification), l'étage de conversion analogique-numérique (CAN), un premier niveau de traitement, la mémoire, l'affichage et le post-traitement. Mais compte tenu de l'éventail extrêmement large des applications, il est indispensable de bien regarder l'adéquation d'un certain nombre de caractéristiques avec chaque application pour laquelle l'oscilloscope est destiné.

LA BANDE PASSANTE, LE CRITÈRE NUMÉRO UN

Cette tâche n'est pas forcément aussi simple qu'il n'y paraît, car, parfois, les fiches techniques ne sont pas suffisamment précises. Il arrive en effet que la résolution ne soit pas explicitement mentionnée, ou qu'un doute subsiste sur la profondeur mémoire réelle par voie ou la fréquence d'échantillonnage réelle par voie. Matthias Charriot, Product & Application Engineers Manager chez Rohde & Schwarz France, ajoute que « la comparaison entre deux oscilloscopes peut être délicate, car les éléments fournis par les fiches techniques respectives ne le sont pas systématiquement dans les mêmes configurations. Les clients perdus se raccrochent alors au discours marketing. »

Le critère de choix numéro un d'un oscilloscope, et le paramètre utilisé pour caractériser rapidement un appareil, est la bande passante. La demande est à des fréquences plus élevées, quelle que soit la catégorie, pour répondre aux nouvelles applications (IoT, radars, 5G, etc.).

Tous les ingénieurs en électronique, que l'on retrouve aujourd'hui partout, ont forcément un oscilloscope numérique sous la main, comme instrument d'appoint pour réaliser des mesures basiques ou comme moyen de caractérisation d'un design complexe.

Le premier critère de choix d'un oscilloscope numérique, et le paramètre utilisé pour caractériser rapidement un appareil, est la bande passante (BP ou BW, Bandwidth, en anglais), qui détermine la plage de fréquence que l'oscilloscope peut accepter. Elle est spécifiée comme étant la fréquence à laquelle un signal sinusoïdal d'entrée est atténué à 70,7 % (-3 dB) de son amplitude initiale. Afin de réaliser des mesures correctes, il est nécessaire que la bande passante soit supérieure à celle du signal à analyser.

On recommande, en règle générale, une bande passante au moins deux fois supérieure à la composante fréquentielle la plus élevée du signal et, idéalement, de trois à cinq  fois supérieure. La précision de mesure obtenue dans le dernier cas est de ± 2 %, ce qui est suffisant pour la majorité des applications. Mais cette règle peut s'avérer impossible à atteindre lorsque les vitesses des signaux à analyser augmentent. Il convient alors de garder à l'esprit que, plus la bande passante est large, plus le signal sera reproduit fidèlement, explique le distributeur Testoon dans un livre blanc.

Comme on peut le découvrir dans le tableau en pages 40 à 55, les oscilloscopes peuvent se ranger dans trois (très) grandes catégories : les modèles d'entrée de gamme, dont la bande passante s'étend jusqu'à 300 ou 350 MHz, les modèles de milieu de gamme (500 MHz à 6/8 GHz) et les oscilloscopes haut de gamme (au-delà de 6/8 GHz), voire très haut de gamme. On ne trouve dans cette sous-catégorie que l'Infiniium UXR1104A (3 Hz à 110 GHz ; voir Mesures n°908) de Keysight Technologies, les DPO7700xSX (jusqu'à 70 GHz typique) de Tektronix et le LabMaster 10  Zi-10 (jusqu'à 100 GHz) de Teledyne LeCroy. « La course aux fréquences les plus élevées s'est arrêtée. Nous avons atteint des performances au-delà de ce qui est réellement demandé par la recherche. Cela représentait des coûts de développement énormes, et les rares clients n'avaient pas le budget », constate Jean Laury (Teledyne LeCroy).

UNE MONTÉE GÉNÉRALE DES FRÉQUENCES

La recherche des bandes passantes les plus élevées s'inscrivait toutefois dans une montée des fréquences beaucoup plus générale, pour toutes les catégories d'oscilloscopes d'ailleurs, et qui se poursuit encore aujourd'hui. « L'arrivée de la série SDS5000X, avec les modèles disposant d'une bande passante de 500 MHz et 1 GHz, au lieu de 300 ou 350 MHz jusque-là, répond au besoin d'analyser des signaux plus rapides », indique Thomas Rottach, Sales & Marketing Manager chez Siglent Technologies. Céline Côme (Equipements Scientifiques) signale que « les modèles de la série DSOX3000 de Keysight Technologie ont été les premiers oscilloscopes à disposer d'une bande passante évolutive ». « Il nous faut suivre l'évolution des technologies, telles que les liaisons série toujours plus rapides, en termes de fréquence », fait remarquer Anas Kaab (Keysight Technologies France). Ce que confirme Matthias Charriot (Rohde & Schwarz France) : « On distingue les bus de données USB 3, PCI Express, DDR, etc., pour lesquels une bande passante de quelques gigahertz suffit dans 90 % des cas, des technologies mises en œuvre dans les data centers et pouvant atteindre 50 ou 100 Gbit/s, voire 400 Gbit/s. » P

Le domaine de la physique des hautes énergies recherche également des bandes passantes élevées, et plus particulièrement des temps de montée et de descente très rapides, pour détecter des impulsions très, très courtes – cela requiert aussi d'excellentes résolutions. Et n'oublions pas le monde des télécommunications et des ondes (suite page 54) (suite de la page 39) millimétriques – dans les secteurs militaires et, de plus en plus, civils, avec les véhicules autonomes et la technologie 5G. « Les applications de 5G New Radio (NR) et de radars automobiles fonctionnent respectivement autour de 27 GHz [FR2, NDR] et de 77 GHz. S'ils assurent la cohérence de phase entre voies, tous les oscilloscopes ne disposent pas de la bande passante idoine, mais ils peuvent être associés à un analyseur de spectre pour abaisser la fréquence en bande de base », poursuit Matthias Charriot.

OSCILLOSCOPES ET NUMÉRISEURS NE SONT PAS CONCURRENTS

L a fonction première d'un oscilloscope, qu'il soit analogique ou numérique, d'entrée ou de haut de gamme, est de visualiser un signal. Même si les ingénieurs recherchent des oscilloscopes numériques occupant un encombrement réduit sur leur paillasse, il ne viendrait à l'esprit de personne de s'affranchir de l'écran pour gagner de la place. Le critère de compacité peut toutefois s'avérer primordial dans certaines applications. « Le facteur de forme prend tout son sens lorsque l'on a besoin d'un nombre de voies plus élevé, dans des baies de test par exemple. C'est ainsi que nous proposons les versions rackables, sans écran, des WaveRunner 8000 et WaveRunner 9000 », indique Jean Laury, EMEA Vice-President of Sales de Teledyne LeCroy. L'américain Tektronix a également ajouté à son offre des modèles rackables dans ses séries MSO  5 et MSO  6. Mais ce ne sont pas des numériseurs. « Avec un

Compte tenu de l'éventail extrêmement large des applications, il est indispensable de bien regarder l'adéquation d'un certain nombre de caractéristiques avec chaque application pour laquelle l'oscilloscope est destiné. Cette tâche n'est pas forcément aussi simple qu'il n'y paraît, car, parfois, les fiches techniques ne sont pas suffisamment précises.

oscilloscope, l'utilisateur dispose, dans un seul instrument, de la visualisation et de l'ensemble des fonctionnalités d'analyse nécessaires à son application. Il n'a donc à développer aucun programme de test », explique Anas Kaab, Distribution Field Engineer pour les produits RF et millimétriques chez Keysight Technologies France. « Comme les numériseurs ne disposent ni d'écran ni de boutons, les ingénieurs doivent également recréer une interface graphique, via LabView de National Instruments, par exemple. Et les numériseurs sont par ailleurs limités en termes de gamme d'entrée, de sondes actives à haute impédance, de flexibilité, etc. », ajoute Pierre Dupont, Applications

Engineer chez Tektronix France. Les numériseurs ont néanmoins des avantages, tels que l'encombrement et la synchronisation dans les applications requérant de nombreuses voies de mesure (en physique des particules, par exemple) et la confidentialité des données du fait de l'absence d'écran. Numériseurs et oscilloscopes ne sont donc pas des solutions concurrentes.

D'aucuns pourraient penser que le nombre de oscilloscopes d'entrée de gamme, valant jusqu'à quelques milliers d'euros, sont captés par les cataloguistes car ils ont une capacité de stock et de réactivité plus forte que les distributeurs. Au-delà de cette gamme de prix, et encore plus avec des solutions complètes représentant un budget total de 15 000 à 30 000 e , par exemple, les clients ont besoin d'un support. Nous nous sommes d'ailleurs renforcés ces dernières années avec du personnel technique. » Lorsque la complexité de l'application s'élève encore, les constructeurs reprennent la main. Il existe une dernière raison pour laquelle les fabricants choisissent de passer par un réseau de distributeurs : bénéficier d'une proximité géographique auprès de certains segments de marché. « Comme nous n'avons pas une taille suffisamment importante en Europe pour disposer d'un bureau, tous nos produits sont commercialisés par un réseau de distributeurs. Nos principaux partenaires en France sont Distrame, Jeulin, L'Impulsion et Polytech Instrumentation. L'éducation est un marché important en France », rappelle Thomas Rottach, Sales & Marketing Manager chez Siglent Technologies.

Mais le fabricant américain n'est pas le seul à proposer de tels modèles : Teledyne LeCroy et le japonais Yokogawa Electric, représenté en France par MB Electronique, ont dans leur offre les modèles respectifs HDO8000 et DLM4000. Les futurs acquéreurs peuvent également s'intéresser aux voies logiques, surtout s'ils développent des conceptions intégrant des bus numériques. La majorité des oscilloscopes commercialisés sur le marché intègrent 8 ou 16 voies logiques, que ce soit en option ou dans des versions dédiées. On nomme ces appareils oscilloscopes à signaux mixtes (MSO). Rappelons que leurs spécifications (bande passante, fréquence d'échantillonnage, résolution et profondeur mémoire) sont bien souvent inférieures à celles des voies analogiques.

A DISTRIBUTION EST UN CANAL DE VENTE IMPORTANT

À l'instar de nombreux autres instruments de mesure, la commercialisation des oscilloscopes numériques n'est pas que l'affaire des constructeurs. « Si les modèles haut de gamme sont toujours vendus en direct – c'est aussi valable pour les grands comptes –, une part importante des ventes en entrée de gamme et un peu en milieu de gamme est réalisée par notre réseau de distributeurs, avec le même niveau de qualité que si nous faisions la vente », constate Matthias Charriot, Product & Application Engineers Manager chez Rohde & Schwarz France. Avec la montée en fréquence des gammes d'oscilloscopes, il peut arriver que la frontière entre modèles distribués et vendus en direct soit floue. La limite se situe en termes de prix : jusqu'à 500  euros (le prix de sondes et d'accessoires), certains clients sont encore à l'aise pour payer en ligne en carte bancaire, affirment certains fabricants, pendant que d'autres fixent le seuil psychologique entre 5 000 et 10 000 e , selon la taille de l'entreprise. Pour Céline Côme, Managing Director du département Tests, Energie, Mesures

d'Equipements Scientifiques, « les oscilloscopes d'entrée de gamme, valant jusqu'à quelques milliers d'euros, sont captés par les cataloguistes car ils ont une capacité de stock et de réactivité plus forte que les distributeurs. Au-delà de cette gamme de prix, et encore plus avec des solutions complètes représentant un budget total de 15 000 à 30 000 e , par exemple, les clients ont besoin d'un support. Nous nous sommes d'ailleurs renforcés ces dernières années avec du personnel technique. » Lorsque la complexité de l'application s'élève encore, les constructeurs reprennent la main. Il existe une dernière raison pour laquelle les fabricants choisissent de passer par un réseau de distributeurs : bénéficier d'une proximité géographique auprès de certains segments de marché. « Comme nous n'avons pas une taille suffisamment importante en Europe pour disposer d'un bureau, tous nos produits sont commercialisés par un réseau de distributeurs. Nos principaux parte-naires en France sont Distrame, Jeulin, L'Impulsion et Polytech Instrumentation. L'éducation est un marché important en France », rappelle Thomas Rottach, Sales & Marketing Manager chez Siglent Technologies.

NE PAS OUBLIER LES SONDES !

C'est notamment pour pallier cet inconvénient que Tektronix a développé des entrées reconfigurables dans ses dernières séries MSO 4, MSO  5 et MSO  6 (voir Mesures n° 897 et 916). « La technologie novatrice FlexChannel, qui se caractérise notamment par la présence d'un Asic derrière chaque voie, permet de configurer le frontal à la sonde connectée (différentielle ou logique, par exemple). En transformant une voie analogique en 8 voies logiques, la sonde TLP058 permet d'avoir jusqu'à 64 voies logiques au maximum », explique Pierre Dupont (Tektronix France). Même s'il restera toujours plus de voies analogiques qu'avec les autres oscilloscopes du marché, l'utilisation de voies logiques s'accompagne d'une restriction du nombre de voies analogiques disponibles.

Les oscilloscopes bénéficient en standard d'une résolution verticale supérieure à 8 bits (12 bits pour certains modèles de Teledyne LeCroy) et de grands écrans couleur tactiles, contribuant au confort d'utilisation accru des utilisateurs.

Il y a un critère qui ne concerne pas directement l'oscilloscope, mais dont l'importance est telle qu'un mauvais choix entraînera des mesures de piètre qualité, voire les rendra même impossible. Comme les entrées d'un oscilloscope n'acceptent pas de tensions élevées, les sondes de mesure permettent d'atténuer les signaux (x 1 à x 500) et, ainsi, de ne pas endommager les entrées. L'utilisateur ne doit alors pas oublier de régler correctement l'échelle verticale de l'oscilloscope pour obtenir la bonne mesure à l'écran. Dans certains cas, cela peut aussi se faire d'une manière automatique.

Une sonde avec une atténuation de x 10 entraîne une perte en résolution verticale, et les différences sont flagrantes en termes de fronts entre une sonde de capacité d'entrée de 4 pF et une autre de 12 pF. « Les sondes et les accessoires revêtent donc la même importance que les spécifications de l'oscilloscope. Il s'agit de déterminer la meilleure manière de se connecter au point de mesure, mais aussi de prendre en compte le système complet. De nombreux clients l'oublient, d'où les erreurs », affirme Thomas Rottach (Siglent Technologies). Ce que confirment toutes les personnes interrogées, en particulier dans les applications spécifiques.

À côté des traditionnelles sondes de tension passives et actives – ces dernières intègrent des composants actifs, tels que des transistors FET, pour réduire les perturbations en haute fréquence –, les fabricants proposent des sondes de tension différentielles, pour mesurer des tensions faibles à élevées flottantes, des sondes de haute tension (jusqu'à plusieurs dizaines de kilovolts) et des sondes de courant alternatif ou continu. Tektronix a par exemple développé la sonde IsoVu pour les signaux différentiels jusqu'à une tension de mode commun de 60 kV crête, grâce à une isolation et une alimentation électrique par fibre optique.

« Pour les mesures d'intégrité de puissance, nous avons développé les sondes de courant/ tension RT-ZVC, dont la fréquence d'échantillonnage et la résolution sont respectivement de 5 Méch/s et 18  bits. Cela permet de mesurer des micro-ampères sans pénaliser la bande passante (1 MHz) », explique Matthias Charriot (Rohde & Schwarz France). Pour Jean Laury (Teledyne LeCroy), « certaines sondes différentielles “haute vitesse” disposent d'une correction (de-embedding au point de mesure) prise en compte automatiquement par l'oscilloscope, grâce à la reconnaissance de la sonde. Et à partir d'une dizaine de gigahertz, la connexion d'une sonde sur la carte électronique se fait par soudure pour garantir le meilleur contact possible. » « Ce qui fait notre force est l'écoute des clients. Nous leur vendons une solution, avec un oscilloscope, des sondes du japonais Hioki ou de Tektronix, par exemple, selon leurs besoins, leur budget », avance Céline Côme (Equipements Scientifiques).

LA HAUTE RÉSOLUTION S'IMPOSE

Revenons aux spécifications intrinsèques d'un oscilloscope numérique, et d'abord à la fréquence d'échantillonnage. Elle correspond à la vitesse à laquelle les CAN sont cadencés pour numériser le signal entrant. Plus la fréquence est élevée, plus précise sera la représentation du signal. Si le théorème de Nyquist affirme que la fréquence d'échantillonnage doit être au moins deux  fois supérieure à la composante fréquentielle la plus élevée du signal mesuré pour éviter le phénomène de repliement, cela n'est pas suffisant pour reproduire fidèlement le signal dans le domaine fréquentiel. Pour cela, la fréquence d'échantillonnage doit être au moins trois à quatre fois supérieure à la bande passante de l'oscilloscope. Il s'agit ici de la fréquence d'échantillonnage en temps réel, ou mono-coup, qui est, sauf mention contraire, indiquée « par voie » dans le tableau. Grâce à l'amélioration des CAN et autres composants électroniques, les fabricants ont fait augmenter la fréquence d'échantillonnage de leurs produits – elle se situe, en règle générale, entre 500 Méch/s et 2,5 Géch/s. Et il est souvent possible de doubler cette valeur lorsque l'on entrelace deux voies entre elles. Il existe par ailleurs un second mode d'acquisition de données : l'échantillonnage en temps équivalent (Equivalent Time Sampling ou ETS). La fréquence maximale est alors bien plus élevée – elle est par exemple de 100 Géch/s, au lieu de 2,5 Géch/s en mono-coup, pour le GDS-3252 de GW Instek ou de 50 Géch/s (500 Méch/s en mono-coup) pour les DOX2070B et DOX2100B de Metrix –, mais ce mode ne fonctionne que si le signal est stable et répétitif.

Les oscilloscopes numériques sont devenus de véritables solutions de test. En plus des fonctionnalités traditionnelles, ils embarquent aussi l'analyse logique, le décodage des bus série et d'autres instruments de mesure (multimètre, générateur de fonctions, analyseur de spectre, etc.).

La principale nouveauté apparue ces dernières années porte sur la dynamique des oscilloscopes, à savoir leur résolution verticale. Si la très grande majorité des modèles commercialisés sur le marché affiche, sans surprise, une résolution de 8 bits, une trentaine d'entre eux proposent en options un mode haute résolution, qui permet d'atteindre 11 ou 12 bits, voire 16  bits, avec toutefois des limitations. « Avec l'augmentation du nombre de bits effectifs (ENOB), le rapport signal/bruit s'améliore par rapport à ce que les oscilloscopes d'il y a 20 ans pouvaient proposer », souligne Pierre Lurot, Indirect Sales Channel Director Western Europe chez Keysight Technologies.

Certains fabricants vont même plus loin en proposant des oscilloscopes reposant sur une architecture haute résolution en standard, à l'instar de Keysight Technologies, du chinois Owon Technology, des allemands PeakTech et Rohde & Schwarz, de Tektronix, de Teledyne LeCroy, etc. « Grâce aussi au développement d'étages de pré-amplification à faible bruit analogique, nous tirons la quintessence des CAN 12 bits. Par rapport à une résolution de 8 bits, cela représente un ratio de 16, ce qui n'est pas rien », affirme Pierre Dupont (Tektronix France). Matthias Charriot (Rohde & Schwarz France) ajoute que « pour conserver une excellente pureté spectrale, nous avons fait le choix d'entrelacer des CAN monocœurs 8 bits à 10 GHz, d'où l'absence de raies d'intermodulation dans la bande passante. Ce genre de spécifications est apprécié dans les applications d'intégrité de puissance pour les technologies GaAs, GaN, etc. »

Il y a enfin un autre critère de choix corrélé à la fréquence d'échantillonnage et à la résolution : la profondeur mémoire. Un oscilloscope enregistre les échantillons dans une mémoire tampon, dont la taille détermine la durée maximale de capture, pour une fréquence d'échantillonnage donnée. Avec une fréquence élevée, mais une faible capacité, la fréquence d'échantillonnage maximale ne sera disponible que sur les bases de temps les plus rapides. Si l'utilisateur souhaite agrandir le signal à l'écran, la portion du signal sera déformée, car il n'y aura pas eu assez de points capturés. Mais la mémoire coûte cher : les modèles d'entrée de gamme ne disposent bien souvent que de quelques dizaines de kilopoints par voie, ceux de milieu de gamme d'une dizaine de mégapoints par voie.

« Dans certaines applications, la profondeur peut ne pas être suffisante pour capturer suffisamment de points et visualiser tous les phénomènes d'un signal. Les oscilloscopes modernes disposent d'une mémoire segmentée », indique Thomas Rottach (Siglent Technologies). Ce mode permet de segmenter la mémoire afin de capturer un plus grand nombre d'acquisitions que le mode normal, pour recréer une forme d'onde (des impulsions très rapides et successives, par exemple) ou pour ne capturer les données que si elles sont présentes, sans tenir compte des temps morts.

Les constructeurs ont par ailleurs fait évoluer significativement l'interface utilisateur de leurs oscilloscopes numériques. Les modèles haut de gamme ont ainsi bénéficié les premiers des dernières générations d'écrans couleur, plus grands et même tactiles, avant que cette tendance ne concerne ensuite les modèles de milieu de gamme et, désormais, d'entrée de gamme. « L'écran TFT couleur tactile 15,6 pouces Full HD du MSO 5 permet de visualiser toutes les voies. L'écran tactile assure aussi un gain de temps. Si chaque ingénieur avait auparavant son oscilloscope, le matériel est aujourd'hui souvent mutualisé entre plusieurs personnes et doit alors faire l'unanimité entre les différentes générations d'utilisateurs », constate Céline Côme (Equipements Scientifiques).

DES ÉCRANS PLUS GRANDS ET MODERNES

Ce que confirme Jean Laury (Teledyne LeCroy) : « Nous cherchons toujours à améliorer la taille et la qualité des écrans, ainsi que le bruit des appareils d'ailleurs, pour qu'ils soient plus agréables à utiliser. Notre interface commune MAUI One Touch rend les oscilloscopes encore plus intuitifs. » Sur certains modèles, il est désormais possible d'afficher en grand les signaux et de n'avoir accès aux menus de configuration qu'au moment des réglages, ou bien de dessiner à l'écran une zone de déclenchement sur une partie du signal, l'appareil faisant ensuite automatiquement le travail.

Le confort de visualisation passe également par le taux de rafraîchissement des courbes à l'écran. La majorité des oscilloscopes affiche des taux compris entre 50 000 et 200 000  formes d'onde/s, certains atteignent des taux supérieurs à 500 000 formes d'onde/s, voire jusqu'à 1 000 000, ce qui permet de révéler des anomalies rares (glitches). « En plus des traditionnels boutons et des grands écrans tactiles, les oscilloscopes peuvent être contrôlés avec un clavier et une souris externes ou à distance, via un serveur web intégré et une connexion LAN », ajoute Thomas Rottach (Siglent Technologies). Du côté des interfaces de communication, l'USB et l'Ethernet/LAN équipent tous les appareils du marché – les utilisateurs ne sont alors plus obligés de rester à côté de leur manipulation, ce qui est apprécié en présence de hautes tensions ou en optique, où l'on est dans le noir ; on trouve encore des ports RS-232 et GPIB (en option), mais aussi le Wi-Fi (en option). D'autres critères peuvent encore contribuer à la décision d'achat, comme le système d'exploitation (propriétaire, Linux ou Windows), le temps de mise en route de l'appareil, la possibilité d'extraire le disque dur ou l'accès à des procédures d'effacement standardisées.

Enfin, les futurs acquéreurs d'un oscilloscope doivent se pencher sur les fonctionnalités qu'ils recherchent, pour les applications auxquelles il est destiné et celles à venir. Les fonctionnalités peuvent aller bien au-delà des déclenchements, des fonctions mathématiques (FFT, addition, intégration, etc.), du Go/ NoGo, du comptage de fréquence, etc. « Avec les modèles d'entrée de gamme, les utilisateurs s'intéressent aux principaux critères, à la facilité d'utilisation et au prix. Mais plus on monte en gamme, plus le choix se portera sur les applications couvertes (alimentations à découpage, PAM4, CEM, etc.) », indique Jean Laury (Teledyne LeCroy).

En plus des traditionnels boutons et des écrans tactiles, les oscilloscopes peuvent être contrôlés à distance, via un serveur web intégré et une connexion LAN. Si les interfaces USB et Ethernet équipent tous les appareils, on trouve encore des ports RS-232 et GPIB, mais aussi le Wi-Fi.

Les industriels ont changé leur façon de travailler, avec des achats déclenchés par l'obtention d'une affaire. Fabricants et distributeurs, qui ont vu leur rôle renforcé, doivent être très réactifs et s'appuyer sur des notes d'application et autres documents pour rassurer les utilisateurs.

DE VÉRITABLES SOLUTIONS DE TEST

En plus de l'analyse logique, du décodage des bus série, voire de bien d'autres protocoles, du de-embedding et du test de conformité sur la couche physique, les fabricants ont également embarqué d'autres instruments de mesure : multimètre numérique, générateur de fonctions et/ou de formes d'onde arbitraires, analyseur de spectre, analyseur de puissance. « Les oscilloscopes actuels sont bien plus polyvalents et performants que ceux existant il y a une décennie. Mais ils ne remplacent pas les autres appareils, car les performances sont différentes », précise Anas Kaab (Keysight Technologies France).

Avec les sondes et accessoires, ainsi que les applicatifs logiciels, les oscilloscopes deviennent de véritables solutions de test. Les fournisseurs (voir encadré page 54) se doivent désormais d'accompagner leurs clients en leur proposant conseil et support techniques et des formations (prise en main, optimisation des mesures). « Les clients ont changé leur façon de travailler : ils sont passés d'une démarche de renouvellement, avec la présence d'un référent en mesure, à des achats déclenchés par l'obtention d'une affaire. Une équipe se monte alors très rapidement pour ce nouveau projet, avec des personnes pas forcément spécialisées en mesure. Nous devons être très réactifs et nous nous appuyons beaucoup sur la littérature fournie par les constructeurs. Les clients voient qu'il est possible de faire des mesures dans le domaine du GaN ou des bus série haute vitesse, par exemple, ce qui les rassure et leur permet aussi de justifier la pertinence de leur choix et donc de protéger leur investissement », explique Céline Côme (Equipements Scientifiques).

Sources : https: //toolboom.com/en/articles-andvideo/oscilloscopes-history-and-classification/ ; « See a World Others Don't - The Story Behind DPO, DPX® and Waveform Capture Rates Digital Phosphor Oscilloscopes » de Tektronix ; Livre blanc de l'oscilloscope numérique de Testoon (www.testoon.com/ Fichier/A/FICHIER_LIE_A_62475.pdf).

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