Les Laboratoires De Contrôle Devront Être Accrédités Pour Les Opérations De Prélèvement

Le 01/11/2012 à 0:00

Mesures. Le ministère de l'Ecologie a approuvé en début d'année,par ordonnance, la transposition en droit français de la directive IED ( Industrial Emission Directive ). Pouvez-vous revenir en quelques mots sur cette directive?

Bénédicte Lepot-Gallery. Tout d'abord, on s'adresse ici à des installations classées susceptibles de rejeter des polluants à l'émission atmosphérique et/ou dans l'eau. [On parle d'ailleurs d'installations classées pour la protection de l'environnement ou ICPE, NDR.] Lors de leur création, les installations doivent se déclarer auprès de la préfecture et au regard des risques notamment vis-à-vis de la sécurité et de la santé des riverains, elles seront classées soit en tant qu'exploitation soumise à déclaration, soit en tant qu'exploitation soumise à autorisation. Selon la classe dans laquelle elles se trouveront, les exigences à respecter seront plus ou moins strictes. Les installations industrielles soumises à déclaration étant en général les activités les moins polluantes, on n'exigera pas autant de contrôles que pour celles soumises à autorisation. Il faut souligner que, depuis 2009 [ordonnance du 11 juin 2009, NDR], un régime intermédiaire a été mis en place, entre la déclaration et l'autorisation. L'enregistrement correspond en fait à une gradation en fonction des risques que l'installation peut présenter en termes de pollution, et donc en fonction des exigences.

Jean Poulleau. Depuis le 4 novembre 2010, une nouvelle directive européenne relative aux émissions industrielles est en vigueur et fait table rase de toutes les directives qui existaient jusqu'alors. La directive IED réunit en un seul texte sept directives distinctes existantes, et en particulier les directives IPPC [ Integrated Pollution Prevention and Control , NDR] qui visait la prévention et la réduction des pollutions,2001/80/CE relative aux grandes installations de combustion, 2000/76/CE relative à l'incinération de déchets et 1999/13/CE relative aux émissions de solvants. Elle tente de rendre le dispositif plus cohérent, d'expliciter les dispositions existantes tout en renforçant les exigences de performance des installations qui doivent mettre en œuvre les meilleures techniques disponibles (MTD) et réduire en conséquence les valeurs limites d'émission, et enfin de réduire les charges administratives inutiles. Un autre volet concerne le recensement de toutes les activités anthropiques, avec les inventaires des émissions atmosphé-riques ou liquides. Chaque année, ces inventaires permettent, pour un polluant donné, de hiérarchiser les types d'activités et sites les plus émetteurs, ce qui permet de mieux prioriser les actions de réduction.

Bénédicte Lepot-Gallery. Ces inventaires annuels sont réalisés via une déclaration faite par les exploitants industriels. Il s'agit soit de valeurs mesurées, c'est-à-dire ce qui est réellement rejeté dans le milieu air ou eau, soit de quantités estimées ou calculées. Les données sont ensuite rapportées au niveau national puis au niveau européen. Pour la France, les données sont consultables sur le site web de l'IREP (Registre français des émissions polluantes).

Jean Poulleau. Revenons sur l'exigence de mettre en œuvre les meilleures techniques disponibles (MTD) en termes de process de fonctionnement de l'installation, mais aussi de traitement des effluents rejetés. Les MTD proposées dans les documents sectoriels des BREFs ont été sélectionnées pour avoir un coût acceptable, et ne pas mettre non plus en péril économiquement la filière. Les valeurs limites d'émission (VLE) réglementaires associées ont été abaissées, ce qui doit poser le problème de l'adaptation des méthodes de mesurage actuelles vis-à-vis de ces nouvelles limites. Dispose-t-on d'une “qualité” suffisante pour réaliser les mesurages à des valeurs limites très faibles, avec des incertitudes raisonnables?

L'Ineris s'est aperçu que, même accrédités, les laboratoires pouvaient délivrer des résultats assez dispersés. C'est la raison pour laquelle la réalisation d'essais interlaboratoires fut initiée dès 1997, avec un premier banc générant des effluents réels. Il y a deux ans, un nouveau banc fort de douze places alimenté par trois chaudières, dont l'une à biomasse, a été mis en service en remplacement du banc existant afin de mener en parallèle des campagnes d'essais.

Ineris

Mesures. Est-ce que les aspects de mesurage ont été pris en compte en amont lors de l'élaboration de la directive IED? En d'autres termes,les méthodes de mesurage disponibles permettent-elles la réalisation des mesurages exigés?

Jean Poulleau. Je ne connais pas le degré de concertation qui a présidé au choix des méthodes de mesurage et des valeurs limites réglementaires. Il apparaît nécessaire, aujourd'hui où nous avons un bon retour d'expérience sur la fidélité des méthodes que l'on utilise, de définir un ratio minimal entre laVLE et leurs limites de quantification. Dans le domaine de l'air, depuis trois, quatre ans, nous avions fixé, via l'arrêté relatif à l'agrément des laboratoires, l'exigence d'utiliser des méthodes dont les limites de quantification étaient inférieures au dixième de laVLE réglementaire s'appliquant au site à caractériser. Pour atteindre cet objectif, avec les méthodes manuelles, il est possible d'allonger le temps de prélèvement ou de choisir quand elle est citée dans la norme une méthode analytique plus performante. Cependant ceci n'est pas toujours possible et l'allongement des prélèvements sur site à plusieurs heures peut conduire à un coût de prestations, de contrôle réglementaire forcément plus élevé. Pour les méthodes automatiques, chaque analyseur a une limite de quantification figée. Nous sommes actuellement, au niveau de la commission Afnor X43B en charge des mesurages à l'émission, en train d'évaluer les capacités des méthodes de référence existantes, vis-à-vis de ce critère et des VLE les plus faibles imposées par la nouvelle directive. Il apparaît qu'il sera difficile d'atteindre les objectifs avec certaines méthodes, voire impossible comme pour le cas du mesurage de particules. Il faut alors se tourner vers des méthodes émergentes, si possible automatiques, qui pourront demain se substituer à celles auxquelles on se réfère actuellement.

Bénédicte Lepot-Gallery. Pour les rejets liquides, les valeurs limites d'émissions réglementaires associées ne sont généralement pas très basses (de l'ordre du milligramme ou du dixième de microgramme par litre), ces valeurs sont généralement atteignables.La prin-cipale difficulté serait plutôt liée à la matrice. Selon le secteur d'activité concerné (effluent d'abattoir ou effluent de l'industrie du verre), les interférents présents seront plus ou moins nombreux et perturberont plus ou moins l'analyse. Il faudrait donc adapter la méthode au secteur d'activité.

Ingénieur en génie analytique

Ineris

Ingénieur en génie analytique du Cnam (Conservatoire national des arts et des métiers), Bénédicte Lepot-Gallery travaille au sein de l'unité Chimie, métrologie, essais de la Direction des risques chroniques de l'Ineris. Elle est coordinatrice de campagnes de comparaison interlaboratoires (CIL) analytiques sur les substances problématiques de la Directive-cadre sur l'eau (depuis 2003) et d'essais collaboratifs sur les opérations de prélèvement d'eau dans le cadre des programmes de surveillance des masses d'eau (depuis 2007). Bénédicte Lepot-Gallery est également présidente de la commissionT91E “Qualité des Eaux-Echantillonnage et conservation” à l'Afnor depuis 2009.

Ineris

Ingénieur de l'Ecole nationale supérieure des Mines de Douai, Jean Poulleau est responsable de l'unité Sources et émissions à la Direction des risques chroniques de l'Ineris. Il organise des essais interlaboratoires de mesures à l'émission au niveau français et européen permettant l'agrément des organismes de contrôle en France. Evaluateur technique pour le Cofrac et formateur, il réalise des études de comparaison de techniques de mesurage et participe à la validation de méthodes. Il pilote des équipes chargées de réaliser des campagnes de mesure pour les bilans thermiques, matières et environnementaux ainsi que pour les études d'impact. Jean Poulleau est par ailleurs animateur de la commission X43B de l'Afnor sur les mesurages de polluants sur les sources fixes et anime également les groupes de travail de normalisation européen du CEN auTC 264. Il est membre pilote de l'Acime délivrant la marque NF Instrumentation pour l'environnement et animateur scientifique du programme Primequal (Recherche interorganismes pour une meilleure qualité de l'air à l'échelle locale) pour le compte du MEDDE ou ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie.

Jean Poulleau. Nous nous sommes par ailleurs attachés au problème des composés pour lesquels lesVLE ne portaient pas sur un composé individuel mais sur une famille de composés. C'est le cas notamment des métaux lourds, des dioxines et furanes, des HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques). Nous allons proposer au ministère de modifier l'arrêté afin d'imposer des exigences permettant d'atteindre des niveaux de qualité de mesurage satisfaisant.Dans le cas des composés, nous voulons atteindre le critère des 10% sur la somme des métaux, des dioxines ou des HAP. Avec dix composés individuels, ce serait le dixième des exigences qui s'applique à la somme, soit une limite de quantification pour chaque composé de 1% de la VLE dans la plupart du temps.

Mesures.Vous parlez de techniques de mesurage émergentes, mais est-ce qu'elles seront disponibles sur le marché dès que les laboratoires de contrôle en auront besoin?

Jean Poulleau. Effectivement, nous voyons ces deux dernières années l'émergence de méthodes qui semblent très prometteuses en termes de performances. Ce sont notamment les méthodes à diode laser qui sont extrêmement spécifiques grâce à l'émission d'une lumière monochromatique précise au centième d'Angström près. Il sera ainsi possible de caler l'analyseur sur la raie d'absorption spécifique d'un composé d'où une excellente spécificité (absence totale d'interférence). Chaque diode laser ne permet donc d'analyser qu'un seul composé, ou éventuellement deux en faisant varier sa tension d'alimentation pour chercher un autre pic à proximité du premier. Le coût de telles techniques est encore assez important, sans compter qu'elles doivent être mises en œuvre avec un dispositif de prélèvement et de conditionnement compatible avec des gaz chauds, poussiéreux, humides, etc. Dans le domaine de l'analyse des métaux lourds, où les exigences sont très fortes, les laboratoires de contrôle se voient désormais contraints la plupart du temps à utiliser des ICP-MS [spectrométrie de masse couplée à un plasma inductif, NDR] pour faire les analyses des échantillons prélevés sur site. Sans améliorations des étapes de préparation en amont (prétraitement, linéarisation…) pour gagner en sensibilité et atteindre les limites de quantification désirées, les méthodes ICP “optique” [spectrométrie d'émission optique, NDR] classiques risquent petit à petit d'être abandonnées.

Mesures. Quelle est la situation dans les rejets liquides?

Bénédicte Lepot-Gallery. Dans le domaine de l'eau, la façon de procéder est légèrement différente. Les installations classées soumises à l'arrêté du 2 février 1998, réalisent généralement leur autosurveillance par des méthodes manuelles. Il existe peu de mesurages en continu en ligne, hormis pour le pH, la conductivité et quelques autres paramètres (COT, DCO, azote, phosphore, etc.). L'exploitant doit donc s'assurer que son installation ne rejette pas de polluants dans l'eau et le contrôle des rejets se fait via des prélè-vements à une fréquence définie dans son arrêté préfectoral. L'arrêté préfectoral liste également les substances à surveiller et bien sûr les valeurs limites seuils à respecter. Les substances qui figurent généralement dans les arrêtés sont des polluants dits “clas-siques”: lademande chimique en oxygène (DCO) et la demande biologique en oxygène (DBO), qui sont deux indices sur la présence de matière organique dans les rejets, les éléments basés sur le phosphore ou l'azote ainsi que quelques métaux voire les HAP, Tous ces paramètres étant connus depuis très longtemps, les méthodes de mesurage le sont elles aussi et leur mise en œuvre est maîtrisée.Afin d'aider à la mise en œuvre des objectifs fixés par la loi sur l'eau et les autres directives européennes [la directive 76/464/CEE du 4 mai 1976 et la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000, aussi appelée Directive-cadre sur l'eau ou DCE, NDR], un inventaire national au niveau des rejets des installations classées a été commandité par le ministère de l'environnement. Il s'agit de l'action nationale de recherche de substances dangereuses dans les rejets des installations classées communément appelée “RSDE 1”. Cette première campagne exploratoire a été engagée entre 2002 et 2007. Environ 3000 établissements volontaires (sur simple déclaration auprès des Dreal, anciennement les Drire) et aidés financièrement par les agences de l'eau, etc. ont réalisé une campagne de mesurage selon des prescriptions portant sur les opérations de prélèvement et d'analyse établies au niveau national. Les analyses ont porté sur 106 substances, parmi lesquelles on retrouve 33 substances de la Directive-cadre sur l'eau et un certain nombre d'autres substances de la directive de 1976 (substances identifiées par le passé lors des inventaires réalisés localement en France). A l'issue de cette première campagne exploratoire, des listes restreintes de substances pour vingt-trois secteurs d'activité (chimie, traitement de surface…) ont pu être définies, passant ainsi des 106 substances du départ à des listes de dix à vingt substances. Ont été retenues les substances les plus pertinentes pour chaque secteur d'activité, au regard de la quantité retrouvée et au regard des procédés de fabrication. La deuxième phase du RSDE a pu être initiée. Première différence avec la campagne exploratoire RSDE 1, la deuxième n'est plus basée sur le volontariat.Tous les exploitants doivent réaliser six campagnes de mesurage, et non plus une unique mesure, pour rechercher les dix à vingt substances de la liste correspondant à leur secteur d'activité.

Mesures.Pourquoi ces substances n'étaient-elles pas déjà contrôlées auparavant?

Bénédicte Lepot-Gallery. Certaines substances ont pu être contrôlées localement si, lors de l'élaboration ou de la révision de l'arrêté préfectoral de l'installation, cessubstances ont été identifiées comme pouvant être présentes dans les procédés de fabrication ou dans les matières premières utilisées. Toutefois, il faut souligner qu'il est difficile de connaître tous les constituants entrant dans la composition des réactifs ou des produits d'entretien mis en œuvre… même si leurs teneurs sont de l'ordre de 1%, les composés peuvent se retrouver dans les rejets. L'objectif de cette deuxième campagne exploratoire “RSDE 2” est d'identifier les substances dont on ignorait à ce jour la présence dans les rejets, et de savoir également si elles sont retrouvées dans les secteurs d'activité. Si oui, alors elles viendront compléter les substances classiques dans les arrêtés préfectoraux. Il y a eu des surprises, mais, en général, les résultats obtenus sont bien corrélés avec chaque secteur d'activité. L'Ineris organise justement une conférence lors de Pollutec sur les premiers résultats puisque nous sommes chargés de traiter les données du RSDE 2. Une fois les nouvelles substances intégrées dans les arrêtés préfectoraux, les exploitants devront ensuite mettre en place une surveillance pérenne, à un rythme de quatre fois par an, et, en même temps, rechercher l'origine de la pollution en vue d'engager les moyens pour la réduire. Les établissements seront aidés financièrement par les agences de l'eau.

La deuxième phase du RSDE a démarré et elle n'est plus basée sur le volontariat. “ Bénédicte Lepot-Gallery

Si une substance est spécifique à un secteur d'activité, il ne sera pas forcément demandé à chaque exploitant d'identifier son origine; un travail sera engagé au niveau national. Le basculement de la surveillance initiale à la surveillance pérenne est en train de se faire, toutes les régions n'avançant pas au même rythme. S'ils ont recours pour le moment à des laboratoires de contrôle accrédités externes, les exploitants auront peut-êtreinté-rêt à investir en interne dans des méthodes d'analyse, dans le cas où la surveillance deviendrait pérenne.

Dans le but de réaliser un inventaire national au niveau des rejets des installations classées, une action nationale de recherche de substances dangereuses, communément appelée “RSDE”, a été lancée depuis 2002. La première campagne exploratoire qui s'est terminée en 2007 a abouti à la définition de listes de dix à vingt substances les plus pertinentes pour 23 secteurs d'activité. Une deuxième phase, qui n'est plus basée sur le volontariat, vient d'être lancée.

Endress+Hauser

Mesures. Dans le domaine des émissions atmosphériques, il existe depuis 2004 la norme NF EN 14181 concernant les appareils de mesurage en continu utilisés pour l'autosurveillance. Existe-t-il un équivalent pour les rejets liquides?

Jean Poulleau. L'application de la norme NF EN 14181 a constitué un changement de philosophie assez radical sur la manière de concevoir les contrôles réglementaires pour les industriels et les laboratoires de contrôle. Les interventions de contrôle ponctuel, réalisées jusqu'alors une ou deux fois par an, sont un sondage et n'ont pas l'ambition d'être une photographie des émissions annuelles d'une installation du fait de leur faible représentativité temporelle. Un contrôle annuel, basé sur l'étalonnage, par comparaison avec des méthodes de référence, des appareils automatiques chargés de l'autosurveillance du site, permet de s'assurer que ceux-ci vont générer des données fiables pour les données d'émission mensuelles et annuelles rendues aux autorités.

Ainsi, l'autosurveillance est bien maîtrisée et les inventaires gagnent en fiabilité pour les incinérateurs de déchets et les grandes installations de combustion pour lesquels la mise en œuvre de la norme NF EN 14181 impose l'achat de matériels certifiés avec des niveaux d'incertitude en adéquation avec les VLE. La certification d'un instrument de mesurage est prononcée sur la base d'une évaluation de deux appareils pris au hasard sur la ligne de production (essais des appareils avec leur ligne de prélèvement, réalisés en laboratoire et sur site), et sur la base d'un audit initial du constructeur.A cela s'ajoutent un audit de son organisation tous les trois ans au minimum et, éventuellement, de nouveaux tests ponctuels en cas d'évolutions jugées majeures du produit.

Bénédicte Lepot-Gallery. C'est ce que nous souhaitons mettre en place dans le domaine de l'eau. Comme la loi sur l'eau a été introduite plus tard que celle concernant l'air, nous commençons seulement depuis 2011 à nous intéresser à la certification des appareillages au niveau du comité technique TC 230 du CEN [Comité européen de normalisation, NDR], en reproduisant ce qui a été fait pour les émissions atmosphériques.Actuellement, nous sommes en train de définir les types de paramètre de travail et les exigences à imposer. Une première norme devrait sortir à la fin de l'année 2013. Elle concernera les caractéristiques pour évaluer et certifier les échantillonneurs automatiques. Ce sont les outils les plus utilisés actuellement. En parallèle, les mêmes réflexions sont initiées sur les analyseurs en ligne tels que les COTmètres, les DCOmètres, les turbidimètres, le mesurage d'azote en ligne et les analyseurs portatifs. Une publication normative est attendue pour 2014-2015.

Les émissions diffuses deviennent prépondérantes

Mesures . Dans l'inventaire national alimenté par les déclarations mensuelles et annuelles des exploitants d'installation classée, on trouve les notions d'émissions canalisées et diffuses. Pouvez-vous nous expliquer la différence?

Jean Poulleau. Dans les années passées, nous nous sommes surtout intéressés aux émissions canalisées, et les efforts engagés par les industriels sur ce point ont aujourd'hui porté leurs fruits. Puisque la caractérisation des émissions canalisées est désormais bien traitée et la part de ces émissions a été limitée, celle des émissions fugitives (des fuites plus sporadiques et moins maîtrisées que les émissions diffuses) devient prépondérante pour quelques types d'activités comme le recyclage ou le traitement des eaux. Il convient donc de ne pas les sous-estimer.

Malheureusement les méthodes pour les quantifier sont mal définies et délicates ou onéreuses à mettre en place… justement parce qu'il n'y a pas de sections de mesurage où l'on puisse installer un appareil et faire des mesurages bien homogènes et représentatifs.

En l'absence de méthodes normalisées et validées plusieurs techniques quelquefois complémentaires peuvent être mises en œuvre dont le choix sera fait selon la configuration de l'installation et l'objectif des mesurages. Ces techniques commencent à être décrites dans des fascicules de documentation de l'Afnor. Nous ne disposons cependant pas encore d'informations sur les incertitudes, la répétabilité et la reproductibilité de ce genre de méthodes. Nous sommes dans une phase intéressante de définition, de comparaison des avantages et inconvénients de l'un par rapport aux autres.

Mesures. Pouvez-vous nous donner un exemple?

Jean Poulleau. Sur les sites pétrochimiques qui émettent des COV [composés organiques volatiles, NDR], nous pouvons mettre en œuvre un système de mesurage installé sur un véhicule circulant au périmètre d'une activité, qui analyse le spectre infrarouge issu du soleil, affecté par l'absorption des composés présents sur le site (système Solar Occultation Flux ). On peut ainsi identifier les zones les plus émettrices du site avant d'y pénétrer et affiner la localisation des zones d'émissions diffuses les plus importantes pour les traiter. Les émissions diffuses sont un domaine dans lequel d'énormes progrès sont à faire pour qualifier la qualité des mesures.

Mesures . Il n'existe pas de normes, de réglementations qui imposent l'analyse des émissions diffuses…

Jean Poulleau. Si, deux normes sont sorties au niveau du comité technique TC 264 du CEN [Comité européen de normalisation, NDR], mais sans être validées. Et il n'y a pas non plus d'essais interlaboratoires. Au niveau de l'Afnor, nous avons quand même édité des fascicules de documentation sur les méthodes que l'on peut utiliser dans la caractérisation des émissions diffuses en pétrochimie. On recense six ou sept méthodes possibles, avec les avantages et inconvénients de chacune. On ne part donc pas de rien…

Mesures. L'Ineris est donc en train de se doter des installations et des moyens nécessaires pour réaliser ces évaluations…

Bénédicte Lepot-Gallery. Ce n'est pas prévu… nous allons plutôt collaborer avec le pôle de l'eau Alsace-Lorraine Hydreos dans le cadre de la plate-forme technologique Hydroref.

Jean Poulleau. Cette activité s'est fortement contractée en raison de la forte implication de la concurrence allemande et anglaise et d'une réglementation qui leur est favorable. Aujourd'hui, les constructeurs français certifient leurs analyseurs à l'étranger et cette certification, par le biais des reconnaissances mutuelles, est reconnue dans toute l'Europe. Dans le cadre du dispositif qui vise à délivrer les agréments aux laboratoires de contrôle accrédités, nous nous sommes aperçus que, même accrédités, les laboratoires pouvaient délivrer des résultats assez dispersés. Il est vrai que les mesurages à l'émission sont délicats à réaliser.C'est la raison pour laquelle l'Ineris s'est lancé dès 1997 dans la réalisation d'essais interlaboratoires, avec un premier banc générant des effluents réels et permettant à plusieurs laboratoires en parallèle de mener des campagnes d'essais pour être agréés. Il y a deux ans, un nouveau banc fort de douze places alimenté par trois chaudières, dont l'une à biomasse, a été mis en service en remplacement du banc existant [ voir Mesures n° 829 ]. La participation à ces essais étant placée dans un processus d'amélioration continue des pratiques, à la suite des essais, les laboratoires de contrôle doivent mettre en place un plan d'actions s'il est prouvé que leurs résultats présentent des écarts de justesse ou des défauts de répétabilité. Les comparaisons interlaboratoires sont un point incontournable pour l'obtention des agréments pour les laboratoires.

La directive IED réunit en un seul texte sept directives distinctes existantes, dont la directive IPPC. “ Jean Poulleau

Bénédicte Lepot-Gallery. Dans le domaine de l'eau, la situation est particulière. Pour répondre aux besoins des installations classées pour la protection de l'environnement, les laboratoires de contrôle ont l'obligation d'être agréés [arrêté du 27 octobre 2011]. L'agrément s'appuie sur l'accréditation –ils sont déjà accrédités par le Cofrac sur le référentiel NF EN ISO/CEI 17025 – pour un paramètre dans une matrice donnée. Cette “couche supplémentaire” impose en plus aux laboratoires, par rapport au Cofrac, de respecter des performances analytiques en termes de limite de quantification, d'incertitude. Ces exigences complémentaires sont définies dans l'arrêté du 27 octobre 2011. Cet arrêté, portant sur les modalités d'agrément des laboratoires effectuant des analyses dans le domaine de l'eau et des milieux aquatiques au titre du code de l'environnement, précise également pour la première fois que l'analyse devra être réalisée sur un échantillon prélevé sous accréditation par un organisme accrédité selon la norme NF EN ISO/CEI 17025 pour l'échantillonnage sur le type de prélèvement approprié. Il faut savoir que les opérations de prélèvement d'eau ont été “un peu oubliées” au détriment des opérations d'analyses, pour lesquelles des normes, des contrôles d'assurance qualité, etc. sont imposées. Dans le domaine des opérations de prélèvement, une multitude de guides existent mais parfois ils sont incohérents et incomplets Depuis 2007, l'Ineris dans le cadre de notre programme de soutien auprès du ministère et de l'Onema [Office national de l'eau et de milieux aquatiques, NDR], travaille sur l'amélioration des pratiques de prélèvement, ce qui se traduit par l'organisation d'essais collaboratifs sur divers types d'eau (cours d'eau, plan d'eau, eau de rejet). Ces essais ponctuels consistent à évaluer les pratiques des préleveurs sur le terrain, à estimer la variabilité et les incertitudes des opérations de prélèvement par rapport à celles de l'analyse, afin de compléter les guides existants avec des données plus justes et plus fiables. Sans exigence réglementaire jusqu'à la parution de l'arrêté du 27 octobre 2011, les organismes de prélèvement n'allaient pas s'engager dans une démarche d'accréditation, démarche représentant un coût non négligeable. C'est pour cette raison que l'Ineris et Aquaref [Laboratoire national de référence pour la surveillance des milieux aquatiques, NDR] ont travaillé à l'harmonisation des pratiques et à l'élaboration de formation répondant au programme de surveillance de la DCE. Si, à ce jour, aucune réglementation n'impose la réalisation d'essais interlaboratoires pour l'ensemble de la chaîne de mesurage (prélèvement + analyse), toutefois les laboratoires de contrôle doivent réglemen-tairement participer à des essais interlabora-toires analytiques.

Mesures. La situation était-elle aussi préoccupante que vous le dites au niveau du prélèvement pour vous être focalisés sur cette étape?

Bénédicte Lepot-Gallery. Il y avait vraiment un manque au niveau du prélèvement. Ce manque est en train de se combler avec l'exigence de l'accréditation pour les opérations de prélèvements. De plus, avec Aquaref et l'Onema, nous créons actuellement un référentiel de formation, nommé “Opérations de prélèvements dans le cadre du programme de surveillance des masses d'eau en France”, couvrant aussi bien les cours d'eau, plans d'eau, eaux de rejets, eaux souterraines et basé sur les retours observés lors des essais collaboratifs. Ces formations, axées essentiellement sur la mise en situation réelle sur le terrain et élaborées sur ce référentiel, permettront d'éduquer une population assez hétéroclite en termes de compétence, entre les bureaux d'études, les laboratoires de contrôle ayant une équipe en charge des prélèvements et les personnes de la police de l'eau.

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