Mesures. Pouvez-vous résumer ce qui a changé depuis le 1 er janvier2015 au sujet des normes européennes d'efficacité énergétique des moteurs électriques?
Régis Buchmann. Le 1 er janvier 2015 est une date importantepour les utilisateursde moteurs électriques et toutes les personnes ayant des moteurs spécifiques au sein de leurs machines et systèmes. À cette échéance, les moteurs de classe de rendement IE3 (
Mesures. A quoi peut-on s'attendre en termes d'économie d'énergie grâce à l'application de ces normes?
Régis Buchmann. Il est prévu que quelque 30 millions de moteurs industriels existants dans la seule Europe seront progressivement remplacés dans le cadre de la directive EU MEPS. Il en résultera 5,5 milliards de kilowattheures (kWh) d'électricité économisée chaque année, entraînant une réduction correspondante des émissions de dioxyde de carbone de 3,4 millions de tonnes. Pour davantage d'informations, je vous suggère de consulter le document que nous avons édité concernant les économies d'énergie qu'il est possible de réaliser grâce à ces mesures (
Mesures. Concrètement, qu'est-ce que cela change au niveau des fabricants de moteurs?
Régis Buchmann. Pour les fabricants de moteurs industriels, l'introduction de la classe de rendement IE3 obligatoire marque certainement le point de référence et pose l'idée que les moteurs seront dorénavant confectionnés avec du matériel de grande qualité uniquement. Or ce n'était pas toujours le cas. Pour les fabricants de renom, ces normes constituent une chance de montrer une vraie différenciation sur le marché dans d'autres aspects de leur offre de moteurs, comme la fiabilité, les contrats de service et le support technique. Cela implique également des changements en termes de coûts. Le passage à l'IE3 engendre un investissement plus important pour les fabricants,tandis que les processus de production ne pourront pas ou très peu être modifiés. Il y aura des coûts pour la refonte de produits, de nouveaux outils et l'utilisation accrue de matériaux plus coûteux. Mais il faut bien comprendre que cette transition va imposer des changements non seulement aux fabricants de moteurs, mais aussi aux OEM, aux fabricants de machines, aux intégrateurs et aux utilisateurs finaux, qui vont devoir prendre en compte certaines considérations afin de réussir le passage dans le nouveau monde IE3.
Mesures. Justement, comment les OEM et les fabricants de machines doivent-ils appréhender ce changement?
Régis Buchmann. Il existe des implications pour la gamme de moteurs qu'un OEM peut obtenir de son fournisseur habituel. La mise à disposition d'une gamme complète de moteurs IE3 provenant d'un seul fournisseur sera bénéfique pour les OEM, en particulier ceux qui disposent d'une présence significative en Europe. Les OEM doivent se préparer à utiliser des moteurs IE3 dans leurs machines et leurs applications et être clairs avec leurs fournisseurs sur ce qu'ils souhaitent ou non. Par exemple, dans les applications à couple constant qui ne nécessitent pas forcément de baisser la vitesse, le montage d'un moteur IE2 et un entraînement à vitesse variable peut s'avérer non rentable. Les OEM devraient également examiner comment le changement affectera leur logistique et leur chaîne d'approvisionnement. Les moteurs IE3 peuvent être plus longs et plus grands que les moteurs IE2 équivalents. Certaines refontes des gammes de produits seront indispensables en intégrant les nouvelles tailles de moteur, la hauteur d'axe ou encore les fixations. Cependant, certains fabricants commeABB, ont prouvé leur pertinence dans la conception des moteurs. Ne serait-ce que par la hauteur de l'arbre d'un moteur IE3 qui s'aligne parfaitement avec celui du moteur standard IE2. Ceci favorise un remplacement plus rapide et plus performant, tout en conservant la même structure mécanique de la machine.Ainsi, l'implantation d'un moteur IE3 est réellement efficace.
Régis Buchmann, responsable Moteurs, Générateurs & Entraînements Mécaniques d'ABB France
Mesures. La problématique est-elle différente chez les intégrateurs système?
Régis Buchmann. À présent, les intégrateurs de systèmes doivent établir une préférence en faveur des moteurs IE3 pour les applications à service élevé. De cette façon, les intégrateurs peuvent aider à assurer la pérennité de leur conception. La nouvelle réglementation va également leur permettre de se focaliser d'avantage sur la consommation d'énergie et utiliser des départs-mo-teurs.C'est le cas lorsque la vitesse est fixe, où quand la charge est constante, ou pour des applications dites basiques. Les variateurs de vitesse s'utilisent dans des applications où ils procurent une valeur ajoutée, avec notamment des objectifs d'amélioration des coûts d'exploitation et de maintenance d'un processus où une économie d'énergie peut être significative.
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Mesures. L'utilisation d'un moteur IE3 sera-t-elle rentable pour les utilisateurs finaux?
Régis Buchmann. Du point de vue des utilisateurs finaux, les moteurs IE3 se positionnent 10 à 20 % au-dessus du prix d'achat d'un moteur IE2. Mais ils offrent un retour sur investissement de ce coût supplémentaire en un peu moins de deux ans. Par exemple, avec un moteur de 200kW 4 pôles fonctionnant 8000 heures par an pour un coût en électricité de 0,1e/kWh, un moteur IE2 représenterait 169521e en coûts de fonctionnement annuels; tandis que le moteur IE3 reviendrait à 167945e, fournissant une économie de 1576e par an ou 131e par mois.La période de retour sur investissement dans ce cas précis serait bien en dessous des deux ans. Le point essentiel, c'est que c'est l'utilisateur final qui paie la facture d'électricité. Donc tout ce qui peut réduire ce poste est utile pour lui. D'ailleurs,Abb dispose déjà d'une gamme de moteurs IE4 avec encore plus d'économies à la clé. Un autre aspect important pour les utilisateurs finaux concerne la gestion de leur politique d'achat de moteurs. L'arrivée de la directive fait de 2015 le moment idéal pour revoir leur politique d'achat et de gestion des moteurs. Une réelle pertinence de ce changement de processus est avérée si cela n'a pas été envisagé au cours des trois dernières années. L'un des principaux changements relatif à la politique d'approvisionnement des utilisateurs finaux consiste à s'assurer que tous les moteurs répondent à l'exigence minimum légale de la classe de rendement IE3. Dans le passé, les moteurs IE3 n'étaient pas facilement disponibles, mais ils sont aujourd'hui beaucoup plus faciles à se procurer en cas de panne. Lorsque l'on regarde l'activité des moteurs actuellement installés, une attention particulière doit être portée à ceux qui travaillent entre 7000 et 8000 heures par an.Leurs coûts d'entretien et de maintenance sont importants, ce qui en fait des candidats idéaux pour un remplacement par des moteurs IE3.
Normes et directives de rendement applicables aux moteurs triphasés
Les normes et les directives de rendement applicables aux moteurs triphasés aident à clarifier une situation qui est devenue de plus en plus compliquée pour toutes les personnes impliquées dans la chaîne d'approvisionnement: l La norme IEC 60034-30-1 est considérée comme une base pour les futurs MEPS (standards minimums pour la performance énergétique). Elle définit le principe à adopter et harmonise globalement les classes d'efficacité énergétique pour les moteurs électriques à travers le monde. Les normes IEC évoluent rapidement et un travail actif est nécessaire pour amener le champ d'application de la norme EU MEPS (standard minimum européen pour la performance énergétique) en conformité avec IEC/EN 60034-30-1 l La directive 2005/32/CE (6 juillet 2005) du Parlement européen établit un cadre pour fixer les exigences d'écoconception à appliquer aux «produits consommateurs d'énergie». l Le règlement de la Commission 640/2009 pour l'application de la ErP (sur les produits d'énergie, anciennement EuP) –directive européenne– a été publié en juillet 2009. Il est basé sur la norme IEC 60034-30 et définit les classes d'efficacité minimales pour les moteurs basse tension (IE1, IE2, IE3) et décrit le calendrier de leur mise en œuvre. Le règlement modificatif EU4/2014 a été publié en janvier 2014. Le présent règlement a précisé la portée du règlement original EC640/2009 et fermé certaines lacunes que quelques fabricants utilisent. |
Depuis le 1 er janvier 2015, les moteurs de classe de rendement IE3 (International Energy Efficiency Class 3) sont devenus obligatoires. Chaque moteur triphasé qui fonctionne en direct sur le réseau vendu sur le marché avec une puissance nominale comprise entre 7,5 et 375 kW devra générer un rendement énergétique minimum correspondant à cette classe. Toutefois, les moteurs IE2 peuvent encore être utilisés à condition qu'ils soient associés à un contrôle électronique de la vitesse.
Mesures. Je suppose que pour faire face à ce changement dans de bonnes conditions, vous préconisez un travail en commun entre fournisseurs et utilisateurs de moteurs électriques.
Régis Buchmann. Complètement. Je tiens à faire passer ce message que toutes les parties prenantes doivent rencontrer et travailler avec les fournisseurs afin d'évaluer dans quelle mesure les réglementations vont les affecter et quelle serait alors la meilleure stratégie d'achat pour la société. La réglementation est aujourd'hui mise en place; c'est un fait. Et repousser à plus tard ces décisions stratégiques n'est pas une option. Bien que les acteurs principaux du marché possèdent déjà une gamme de moteurs IE3, beaucoup de petits fabricants utiliseront un variateur de vitesse avec un moteur IE2 pour obtenir les cotes d'efficacité requises. Travailler avec un fabricant de moteurs ou un de ses partenaires de distribution est indispensable si l'on veut réaliser le meilleur investissement possible. Les principaux fabricants veulent éviter d'être considérés comme des fournisseurs de produits basiques et souhaitent donc accompagner leurs clients dès les premières étapes des projets. L'innovation est sans fin et pour les utilisateurs finaux, le meilleur moyen d'y parvenir est d'impliquer leur constructeur en amont de l'achat d'un moteur.
Des chiffres qui donnent le tournis !
Pour convaincre du bienfait de l'amélioration de l'efficacité énergétique des moteurs électriques, ABB a compilé les résultats d'études de plusieurs organismes internationaux (4E Electric Motor Systems EMSA, The Economist, Commission européenne, International Energy Agency, NEMA, UK Departement of Energy & Climate Change, US Energy Information Administration) ainsi que ses propres estimations afin d'évaluer les économies d'énergie qui pourraient être réalisées par ce biais. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que ces chiffres donnent le vertige. Jugez plutôt: l En 2015, la consommation électrique mondiale devrait atteindre 21900 milliards de kWh et d'ici à 2050, elle devrait augmenter de 84%. l 42% de la consommation électrique mondiale concerne l'industrie, dont les 2/3 sont utilisés par les moteurs électriques qui engloutissent alors 28% de la consommation électrique mondiale. l En utilisant des technologies déjà disponibles, il est possible de réaliser des systèmes motorisés plus efficaces. Les mesures d'efficacité énergétique peuvent également réduire la consommation jusqu'à 60%. l 300 millions de moteurs électriques industriels sont actuellement installés dans le monde, chiffre qui augmente de 10% chaque année. Environ 50% de ces moteurs sont installés aux Etats-Unis, en Europe et en Chine. l 90% des moteurs installés fonctionnent en marche continue, à pleine puissance et utilisent des systèmes mécaniques pour réguler la puissance nécessaire. Cela revient à conduire avec le pied sur l'accélérateur tout en utilisant le frein pour contrôler la vitesse. l Les variateurs de fréquence (ou de vitesse) utilisent seulement la quantité d'électricité nécessaire pour alimenter les moteurs, économisant ainsi de très grandes quantités d'énergie. Ils permettent d'économiser 1718 milliards de kWh (1718TWh), soit l'énergie créée par 286 réacteurs nucléaires en un an. Un design amélioré permet également d'augmenter d'un tiers l'efficacité d'un moteur électrique. l La législation sur l'efficacité énergétique des moteurs électriques mise en place par l'UE depuis 2011 accélère l'adoption de mesures. Entre 2011 et 2020, cette législation devrait permettre d'économiser 135 milliards de kWh. En comparaison, la régulation européenne qui préconise un passage aux ampoules éco-énergétiques économisera 40 milliards de KWh. l 135 milliards de kWh représentent l'énergie nécessaire pour alimenter la ville de Los Angeles pendant deux ans ou pour faire fonctionner le train à grande vitesse allemand ICE à 300km/h pendant 1500 ans. Cela correspond également à 27000 fois l'énergie produite par le parc éolien installé au Royaume-Uni (en 2010) ou bien encore à une facture d'électricité d'un montant compris entre 12 et 17 milliards d'euros. l Le moteur d'une pompe de 150kW marchant 6 jours par semaine pendant 50 semaines coûte environ 50000€ La consommation énergétique d'un moteur électrique représente 92% de son coût total sur toute sa durée de vie. Le retour sur investissement lié aux mesures d'efficacité énergétique est généralement d'un à trois ans. l Un récent rapport commissionné par ABB et réalisé par «Economist Intelligence Unit» révèle que 60% des entreprises n'ont pas pris de mesures lors des 3 dernières années pour améliorer l'efficacité énergétique, que 46% des entreprises n'ont probablement pas de systèmes de gestion de l'énergie pour connaître et optimiser leur consommation d'électricité et que 42% des entreprises pensent qu'il n'y a pas d'intérêts financiers à de telles mesures. l Si tous les pays adoptaient une politique globale et compréhensive pour l'efficacité énergétique alors, d'ici à 2030, les économies d'énergie seraient égales à 2800TWh (par an). l Le total des économies entre aujourd'hui et 2030 serait égal à 1200 milliards d'euros, soit davantage que ce qu'il faut pour couvrir l'investissement. Cette économie est équivalente à l'électricité fournie annuellement par 466 réacteurs nucléaires, soit un peu plus que le total du parc nucléaire actuel. l Sinousmettonsenplaceleplusrapidement possible ces mesures, nous pourrions pratiquement doubler ces économies, soit 2000 milliards d'euros. C'est approximativement égal au total des dépréciations issues de la crise financière de 2008… |