Mesures. Depuis quelques années, les fabricants d'automatismes se sont attelés à fournir à leurs clients des solutions de sécurité intégrée, une thématique qui semble aujourd'hui constituer l'un des principaux chevaux de bataille de ces fournisseurs, comme le furent les bus de terrain, les automatismes sur base PC ou bien encore l'Ethernet industriel.Pouvezvous nous rappeler dans les grandes lignes l'historique de la sécurité fonctionnelle intégrée dans les automates?
En intégrant certaines fonctions de sécurité aux servovariateurs, il est possible de contrôler le ralentissement des axes d'une machine et de garantir une marche à vitesse réduite de cette dernière afin que des opérateurs de dépannage ou de maintenance puissent intervenir dans des conditions de sécurité optimales. Des arrêts et redémarrages de production inutiles sont ainsi évités et de on peut parler ici réaction de sécurité intelligente.
Olivier Rambaldelli. Comme dans bien d'autres domaines,la production industrielle est soumise à des exigences toujours plus strictes en matière de sécurité. Surtout depuis que l'Union européenne a édicté la Directive Machines 2006/42/CE qui a placé la sécurité fonctionnelle au cœur des principales préoccupations des fabricants de machines. L'idée de cette directive étant d'apporter un maximum de sécurité aux opérateurs pour éviter les accidents corporels mais aussi de réduire autant que faire se peut les risques de dysfonctionnement et de pannes des machines. Le tout, bien sûr, sans rogner sur la productivité de la chaîne de fabrication, ce qui, de prime abord, ne va pas forcément de pair. Cette directive a en quelque sorte agit comme un catalyseur dans le domaine des automatismes en matière de développement de nouvelles solutions de sécurité et un sacré coup de jeune a été donné dans ce domaine depuis pas loin d'une dizaine d'années. Et il est désormais loin le temps où la fonction « arrêt d'urgence» sur machine était la seule possibilité d'action de sécurité dès lors qu'un seuil d'alerte avait été dépassé, qu'une barrière de sécurité avait été franchie ou qu'un dysfonctionnement d'une machine avait été répertorié. En règle générale, les seuls équipements de sécurité disponibles à «l'époque» étaient basés sur des relais de sécurité et sur un câblage des différents éléments de sécurité. D'où le terme de sécurité câblée pour désigner cette solution qui, sur le papier en tout cas, peut s'avérer simple à mettre en œuvre et peu coûteuse. D'ailleurs, la sécurité câblée reste fort répandue dans bon nombre d'applications industrielles. Mais si l'on regarde d'un peu plus près, elle peut vite devenir ingérable et fort coûteuse pour peu que les machines à sécuriser atteignent un certain dimensionnement ou gagnent en complexité, ou que plusieurs machines d'une même chaîne de production fonctionnent de manière synchronisée les unes par rapport aux autres. En cause: la grande quantité de matériel et de câblage nécessaire à l'installation. C'est la raison pour laquelle, il y a quelques années, certains secteurs de l'industrie comme l'automobile et l'agroalimentaire ont été les premiers à mettre en œuvre des systèmes de sécurité fonctionnelle intégrée au sein d'environnements de production complexes, comme par exemple sur les chaînes d'assemblage de véhicules ou sur les lignes de convoyage et d'emballage de produits alimentaires.
Olivier Rambaldelli, ingénieur en charge du marketing chez b&R Automation Ingénieur en génie électrique diplômé de l'école des Hautes Etudes d'Ingénieur (HEI) de Lille, Olivier Rambaldelli est en charge du marketing et de la communication au sein de la filiale France de B&R Automation, après avoir été traducteur technique à la maison mère basée en Autriche. |
Mesures. Quel est le concept de base de la sécuritéintégréeetquelsensontlesavantages? Olivier Rambaldelli. Le concept de sécurité intégrée repose sur le transit des données liées à la sécurité sur le même réseau temps réel standard que les données de contrôle-commande des machines (PROFINET, POWERLINK,EtherNet/IP ,EtherCAT, SERCOS III, pour ne citer que les principaux). Ce qui implique que les différents constituants d'une solution de sécurité intégrée (automates programmables, modules d'entrées/sorties, variateurs, capteurs, etc.) échangent des informations de sécurité sur le bus de terrain standard existant. Contrairement à la sécurité câblée qui fait remonter des impulsions électriques sur un câble isolé du reste de la machine, les données de sécurité sont traitées et exploitées en réseau de la même manière que les informations liées au contrôle-commande des machines. Un automate de sécurité remplace alors les relais de sécurité, interroge en permanence les entrées/sorties de sécurité et fournit en conséquence les commandes adaptées aux actionneurs de sécurité. Une telle architecture présente un certain nombre d'avantages, à commencer par une réduction significative de la quantité de câblage utilisé. En effet, comme ils se connectent directement au réseau d'automatisme, les composants de sécurité peuvent être décentralisés et donc montés au plus près des capteurs ou actionneurs de sécurité. La réduction du câblage et des longueurs de câbles est d'autant plus significative que l'installation est de grande envergure.Le schéma page 24 résume bien l'intérêt du concept de ce point de vue. Qui plus est, qui dit moins de câblage, dit également moins de risque d'erreur de connexion lors de l'installation ou au cours des opérations de maintenance. Utilisant le même réseau que les composants d'automatismes, les solutions de sécurité s'intègrent donc pleinement aux systèmes de contrôle et d'E/S des machines. Ce haut niveau d'intégration les différencie nettement des solutions de sécurité câblées ou faisant appel à des automates de sécurité avec bus séparé et dédié, cette dernière configuration nécessitant bien souvent du personnel spécialement formé.Là encore,la sécurité intégrée s'affranchit de ce problème. Parmi ses nombreux avantages, citons également le gain de temps en termes de diagnostic, en particulier dans le cas d'une installation de grande ampleur. Le fait d'utiliser une architecture réseau facilite l'identification de l'élément qui a déclenché une action de sécurité. De plus, grâce au paramétrage automatisé via le réseau, il est beaucoup plus simple de remplacer un composant avec une sécurité basée sur un réseau industriel standard qu'avec une solution de sécurité câblée.
Exemple d'architecture de sécurité intégrée
L'un des avantages d'une architecture de sécurité intégrée réside dans une réduction significative de la quantité de câblage utilisé. En effet, comme ils se connectent directement au réseau d'automatisme, les composants de sécurité peuvent être décentralisés et donc montés au plus près des capteurs ou actionneurs de sécurité. La réduction du câblage et des longueurs de câbles est d'autant plus significative que l'installation est de grande envergure. |
Mesures. Et quel est l'apport de la sécurité intégrée en termes de productivité?
Olivier Rambaldelli. Le gain de productivité n'est pas le moindre des bienfaits de la sécurité intégrée. En effet, l'intégration de la sécurité au niveau des systèmes d'entraînement ouvre d'autres possibilités que l'arrêt pur et simple de la machine en cas de problème, qui se traduit souvent par une perte sèche importante pour l'industriel. Par exemple, en intégrant certaines fonctions de sécurité aux servovariateurs, il est possible de contrôler le ralentissement des axes d'une machine et de garantir une marche à vitesse réduite de cette dernière afin que des opérateurs de dépannage ou de maintenance puissent intervenir dans des conditions de sécurité optimales. Des arrêts et redémarrages de production inutiles sont ainsi évités et on peut parler ici de réaction de sécurité intelligente. C'est par exemple ce qu'autorisent les fonctions Safe Motion de B&R Automation qui sont intégrées aux servovariateurs ACOPOSmulti et certifiées jusqu'à SIL3. J'attire également votre attention sur le fait que la sécurité intégrée se prête bien aux architectures d'automatismes modulaires et décentralisées qui constituent une tendance de fond actuellement pour bon nombre de constructeurs de machines afin de réduire le temps de mise sur le marché (
Réduction du câblage, automatisation du contrôle des configurations, intégration du diagnostic via le réseau: tous ces éléments facilitent et sécurisent la maintenance. Il est beaucoup plus simple de remplacer un composant avec une sécurité basée sur un réseau comme POWERLINK par exemple qu'avec une sécurité câblée. La simplification de la maintenance et les nouvelles possibilités d'intervention sur des machines restant en fonctionnement contribuent bien sûr à une meilleure productivité.
Mesures. On parle également de sécurité logicielle pour désigner la sécurité intégrée dans les automatismes.
Olivier Rambaldelli. Oui car dans le cas de la sécurité intégrée, les applications et fonctions de sécurité ne sont plus implémentées par des circuits de sécurité câblés traditionnels mais via un logiciel certifié dédié. Les applications sont ainsi programmées graphiquement par voie logicielle à l'aide de blocs de fonctions. Dans une solution de sécurité intégrée, le câblage physique (c'est-à-direfilaire) est en quelque sorte remplacé par le câblage «virtuel». D'où l'appellation parfois usitée de sécurité logicielle. Dans l'architecture B&R par exemple, tous les échanges d'informations liées à la sécurité s'effectuent via le réseau d'automatismes POWERLINK et la programmation des fonctions de sécurité est réalisée à l'aide l'outil SafeDESIGNER, avec des blocs de fonction PLCopen Safety certifiés. SafeDESIGNER est inclus dans le logiciel d'automatismes Automation Studio de B&R, ce qui permet aussi de définir aisément les liens entre l'automatisme et la sécurité.
Mesures.Le marché de la sécurité intégrée est-il important? Est-il en forte évolution?
Olivier Rambaldelli. La réponse à ces deux questions est oui. Pour démontrer la conformité de leurs machines ou systèmes aux nouvelles directives 2006/42/CE, les constructeurs de machines ou intégrateurs suivent aujourd'hui une norme plus contraignante: l'EN 62061 ou l'EN ISO 13849-1. Ces normes ne se focalisent plus sur le comportement de composants individuels mais sur la sécurité fonctionnelle des machines et sur les performances requises pour chaque fonction. La mise en œuvre des fonctions de sécurité selon ces nouveaux critères les conduit à se tourner vers des solutions intégrées. Offrant un haut niveau d'intégrité fonctionnelle et des possibilités de diagnostic étendues, ces solutions simplifient la conception des circuits de sécurité selon les nouvelles normes (sans parler des avantages économiques liés à l'intégration au réseau d'automatisme, évoqués plus haut). Outre ces caractéristiques, la solution de sécurité intégrée de B&R ouvre aussi de nouvelles perspectives de compétitivité pour l'outil de production (maintenance simplifiée, Safe Robotics avec la solution B&R, etc.). Nous prévoyons donc que son champ d'application continuera de s'étendre.
Mesures. Quels débouchés sont demandeurs de sécurité intégrée en automatisme? Pourquoi?
Olivier Rambaldelli. La nouvelle directive machine et l'évolution des normes de sécurité concernent potentiellement tous types d'application industrielle. Il y a peu, nos solutions de sécurité intégrée étaient surtout mises en œuvre dans des machines et installations de grandes dimensions ou d'une certaine complexité.Tandis que les concepteurs de machines de petite taille se tournaient encore vers des solutions entièrement câblées pour des raisons de coûts. Mais avec des solutions telles que SafeLOGIC-X, ils peuvent désormais accéder à une solution de sécurité intégrée et à ses avantages moyennant un coût comparable à celui des solutions câblées.
Mesures. Concrètement, comment sont intégrées les fonctions de sécurité dans ces solutions? Cette intégration se fait-elle dans les environnements de développement des automates classiques?
Olivier Rambaldelli. L'intégration de la sécurité passe en premier lieu par un protocole de communication adapté (et certifié, bien sûr). Dans les architectures B&R, c'est le protocole openSAFETY qui assure une communication sûre au regard des normes applicables (certifié SIL3). La rapidité du réseau POWERLINK et d'openSAFETY permet de ne pas impacter les performances de l'automatisme. La programmation des fonctions de sécurité s'effectue avec l'outil de programmation certifié SafeDESIGNER offrant des blocs de fonctions certifiés PLCopen Safety. Son intégration sous forme de composant au logiciel d'automatismeAutomation Studio de B&R permet en outre de définir tous les liens entre l'automatisme classique et l'automatisme de sécurité. L'exécution des fonctions de sécurité est assurée par l'automate de sécurité SafeLOGIC (ou dans un module d'E/S X20 SafeLOGIC-X).
Mesures.Plusieurs variantes de protocoles réseaux de sécurité existent: Profisafe,CIP safety, FSOE, openSAFETY. Qu'est-ce qui les différencie?
Olivier Rambaldelli. openSAFETY est un protocole de sécurité indépendant et ouvert (la pile openSAFETY est disponible en open source). Il est conçu pour fonctionner sur n'importe quel bus de terrain ou réseau. A l'inverse, FSoE et Profisafe sont limités aux protocoles de leurs organisations d'utilisateurs respectives (pas de compatibilité avec d'autres fournisseurs). openSAFETY prend en charge la communication directe entre esclaves, ce qui permet des réactions particulièrement rapides (communication directe du capteur de sécurité à l'actionneur de sécurité). Dans d'autres protocoles, l'acheminement des messages de sécurité se fait via le maître du réseau, ce qui multiplie les temps de transmission par quatre (capteur maître SafePLC maître actionneur), et donc par 16 fois les distances d'arrêt... Mesures. La disponibilité en open source d'openSAFETY engendre-t-elle une adoption plus rapide de ce protocole de la part du marché par rapport aux réseaux de sécurité concurrents?
Olivier Rambaldelli. Globalement, force est de constater que le marché des protocoles réseaux de sécurité est en forte croissance. En effet, si ce marché est généralement assez conservateur, les nouvelles réglementations et la recherche d'optimisation des coûts liée à l'augmentation de la productivité des machines poussent dans ce sens. Donc cela profite de fait à tous les protocoles et il est encore trop tôt à ce jour pour dire si un seul protocole dominera le marché et, si c'est le cas, quel sera ce protocole.Toutefois, la stratégie d'ouverture d'openSAFETY est indéniablement un atout et porte ses fruits. Les fabricants de composants (capteurs et actionneurs de sécurité) apprécient particulièrement son ouverture sur tous les réseaux et bus de terrain. Car, pour eux, les développements de sécurité avec openSAFETY ne représentent qu'un seul et unique investissement. De plus, avec ce protocole, ils peuvent fournir leurs équipements aux fabricants de machines quels que soient le constructeur d'automatismes ou la technologie réseau de terrain utilisée.
Il est possible d'étendre la sécurité intégrée aux cinématiques robotiques. Dès lors, robots et humains peuvent travailler ensemble sans barrière de protection, sans prise de risque quant à la sécurité du personnel travaillant dans leur périmètre.
Mesures.Le besoin d'un standard global et unifié doit se faire sentir de la part de vos clients car cela permettrait de mélanger les solutions de sécurité de plusieurs fournisseurs dans une seule et même application et pourrait dynamiser encore davantage le marché de la sécurité intégrée.
Olivier Rambaldelli. Un protocole de sécurité machine-to-machine commun augmenterait en effet l'efficacité globale des lignes de production équipées de systèmes hétérogènes ou non compatibles entre eux. openSAFETY est à ce jour le meilleur candidat pour être adopté en tant que standard unifié par l'industrie car il fonctionne sur tous les bus de terrain, n'a pas de problème de licence ou de brevet et la pile logicielle openSAFETY disponible en open source est certifiée SIL3. De nombreux constructeurs de machines et utilisateurs finaux s'intéressent d'ailleurs de près à la technologie openSAFETY.
Mesures. On parle beaucoup en ce moment de robotique collaborative ou cobotique, un concept qui n'aurait pas vu le jour sans l'avènement de la sécurité intégrée des automatismes. Où en sommes-nous?
Olivier Rambaldelli. A l'instar des machines, les robots industriels ont un champ d'action de plus en plus étendu dans les lignes de production, les plus répandus étant les bras articulés avec six axes de mouvement électromécaniques. Et effectivement, il est possible d'étendre la sécurité intégrée aux cinématiques robotiques. C'est par exemple ce que B&R a réalisé en se basant sur ses fonctions Safe Motion. Dès lors, robots et humains peuvent travailler ensemble sans barrière de protection, sans prise de risque quant à la sécurité du personnel travaillant dans leur périmètre. Ce qui facilite l'intégration des robots sur les lignes de production et constitue un vecteur de compétitivité supplémentaire pour l'outil de production.
C'est un peu comme si l'humain apprivoisait le robot en travaillant avec lui presque main dans la main. Les exigences de sécurité s'appliquant aux robots industriels et systèmes robotiques évoluant dans des espaces de travail avec présence humaine sont d'ailleurs définies dans des normes: ISO 10218, parties 1 et 2. Ces normes spécifient notamment la contrainte maximale à laquelle peut être soumis le corps humain. Les limites supérieures ainsi définies assurent que les humains travaillant à proximité des robots ne sont pas exposés à un danger sérieux. En règle générale, on considère que les collisions sont sans conséquences si la force et la vitesse sont limitées de manière sûre jusqu'à 150N et 250mm/s, et s'il existe une possibilité d'arrêt automatique. Les solutions de sécurité intégrée permettent d'assurer la sécurité des personnels travaillant avec des robots en respectant ces normes. Mais nous n'en sommes pour l'heure qu'au début de la robotique collaborative.