Mesures. Pouvez-vous nous rappeler le principe du contrôle par ultrasons multiéléments?
HenriWalaszek. Le contrôle ultrasonore multiélément consiste à utiliser un capteur constitué de plusieurs éléments piézoélectriques que l'on peut piloter de façon indépendante. La technologie multiélément n'est d'ailleurs pas réservée aux contrôles non destructifs par ultrasons. On l'utilise par exemple pour certains capteurs infrarouges, ainsi qu'en tomographie à rayons X. Les capteurs élémentaires sont différents,mais l'idée reste la même… Dans le cas du contrôle par ultrasons, il existe désormais une offre très large en capteurs multiélément. La technologie, issue du médical, est déjà disponible depuis une dizaine d'années dans le milieu industriel, et la plupart des fabricants de CND proposent désormais des solutions dans ce domaine. Il faut dire que les technologies de traitement et de numérisation ont beaucoup progressé, et les coûts ont baissé. La technologie s'est donc naturellement développée.
Mesures. En quoi la méthode est-elle si intéressante?
HenriWalaszek. En pilotant les différents capteurs élémentaires, qui sont disposés suivant une géométrie spécifique, il est possible de réaliser un“balayage électronique”de la pièce à inspecter. Concrètement, cela signifie que l'on n'a plus à déplacer ni à incliner le traducteur pour avoir une vue d'ensemble du composant. De même, l'énergie ultrasonore est focalisée à différentes profondeurs de la pièce sans aucune modification mécanique. Le balayage est donc réalisé plus rapidement.L'autre intérêt de la méthode réside dans le fait que les échos obtenus peuvent être représentés sous la forme d'une image.Le résultat est ainsi plus simple à interpréter.D'autre part,l'image facilite le dialogue entre l'opérateur et ses collègues, ou entre le prestataire et ses clients.
La technologie ultrasonore multiélément est simple et rapide à mettre en œuvre. De plus, elle fournit une image globale de la zone inspectée.
Photos CetimHenri Walaszek, expert référent contrôle non destructif au Cetim : « Les technologies multiéléments font évoluer le contrôle non destructif ».
Enfin les traducteurs multiéléments offrent un champ d'applications plus large que les modèles traditionnels. Suivant le nombre de capteurs élémentaires (de 16 à 128) et la géométrie suivant laquelle ils sont assemblés, il en existe de multiples variantes. Il suffit alors de choisir les lois de retard à l'émission et de régler correctement le capteur pour s'adapter à des pièces de formes complexes ou à des zones difficilement accessibles. On contrôle alors des pièces que l'on ne pouvait pas inspecter avec des traducteurs traditionnels, ou qui en nécessitaient un trop grand nombre.
Mesures. Quelles sont les principales applications des appareils de contrôle à ultrasons multiéléments?
HenriWalaszek. Ils sont couramment utilisés dans le contrôle de soudures, ainsi que dans la mesure d'épaisseur (pour la détection de la corrosion, par exemple). On les emploie pour détecter et dimensionner plusieurs types de défauts, tels que les délaminages ou les porosités, dans tous les matériaux habituellement contrôlés par ultrasons: l'acier, certaines sortes de fontes, des matériaux plastiques, ainsi que des composites. Dans ce dernier cas, les traducteurs multiéléments présentent un intérêt tout particulier. Lors du contrôle ultrasonore des composites, le bruit acoustique est relativement important (en raison de l'inhomogénéité du matériau). Grâce à la vue globale offerte par l'image, l'opérateur parvient plus facilement à différencier les échos ultrasonores du bruit.
Notons qu'il est toujours possible d'utiliser des traducteurs multiéléments comme des appareils classiques. On obtient alors les traditionnels C-Scan ou b-Scan (coupes parallèles ou perpendiculaires à la surface de la pièce), sans qu'il soit nécessaire de réaliser des balayages mécaniques. Enfin les ultrasons multiéléments,tout comme les appareils classiques, sont aussi utilisables avec des logiciels de simulation. Les fabricants de composants mécaniques peuvent ainsi s'assurer, au moment de la conception, que les pièces seront contrôlables.Il est possible également de préparer toutes les étapes du contrôle, afin de gagner du temps par la suite.
Mesures. Les ultrasons multiéléments peuvent-ils être utilisés en remplacement d'autres techniques de CND?
HenriWalaszek. Tout à fait. Ils peuvent notamment venir, lorsque c'est possible, en substitution de la radiographie par rayons X ou gamma. Par rapport à cette technique, les avantages sont multiples. Les images des pièces inspectées sont obtenues en temps réel (contrairement à la radiographie traditionnelle qui nécessite le développement d'un film). Il est vrai que la radiographie numérique fournit elle aussi le résultat immédia-tement, mais elle est beaucoup plus contraignante à mettre en œuvre. Elle impose en effet de se protéger des rayonnements X qui sont émis.Pour cela,il faut travailler dans une enceinte fermée et protégée, délimiter un périmètre de sécurité, etc. Compte tenu des risques liés aux méthodes ionisantes, l'ASN a d'ailleurs exigé que tout emploi de la radiographie soit désormais justifié. Cela renforce encore la nécessité de développer des méthodes alternatives. Du fait qu'elles sont basées sur un principe physique très différent, la technologie ultrasonore multiélément et la radiographie ne permettent pas de réaliser le même type d'inspection. Mais au cours des études que nous avons menées au Cetim, les ultrasons n'ont jamais été mis en défaut: jusqu'à présent, ils ont toujours permis de voir ce que l'on détectait en radiographie. bien sûr, cela n'est pas valable sur n'importe quel type de pièces. Lorsqu'il s'agit d'inspecter des éléments de formes très complexes ou des matériaux atténuant trop fortement les ondes ultrasonores, la radiographie est encore privilégiée. Son marché est donc loin de disparaître!
Avec la technologie ultrasonore multiéléments, les échos obtenus peuvent être représentés sous la forme d'une image. Celle-ci est obtenue en temps réel. Elle facilite l'interprétation des résultats.
Mesures. Le contrôle par ultrasons multiéléments est-il encore amené à évoluer dans les années qui viennent?
HenriWalaszek . Oui. Si la technologie a d'ores et déjà fait ses preuves, il reste encore de nombreux axes de développement.La tendance actuelle semble aller vers l'intégration de méthodologies de traitement du signal dans les appareils, afin d'améliorer leurs performances en termes de sensibilité et de réso-lution. Autre piste explorée, l'accroissement des cadences d'acquisition. A l'heure actuelle,celles-ci sont relativement limitées du fait de la taille des fichiers images et du volume d'informations à acquérir. Il y a donc un certain nombre de développements à réaliser pour surmonter cette limitation.
De même, si le contrôle est rapide, il nécessite malgré tout une interprétation basée sur une expertise humaine. Les cas où cette étape est automatisée sont encore très peu répandus. Toutefois il est possible que cela évolue dans les années qui viennent. L'interprétation sera probablement automatisée dans les installations qui contrôlent le même type de pièces. Enfin des travaux de normalisation sont aussi en cours. Car s'il existe des formations au contrôle par ultrasons multiéléments, la technologie ne fait pas encore l'objet de certifications.