U n industriel qui recherche une solution d'analyse de gaz pour contrôler son procédé ou surveiller les émissions de son installation a un peu l'embarras du choix des technologiques à sa disposition. Il existe en effet, pêle-mêle, sur le marché, des analyseurs à chimiluminescence, à infrarouge à transformée de Fourier ( FourierTransfor Infrared ou FTIR), à diode laser accordable ( Tunable Diode Laser ouTDL), à infrarouge non dispersif ( Non-Dispersive Infrared ou NDIR), à Raman, des analyseurs photo-acoustiques, des chromatographes en phase gazeuse, etc.
Il faudra désormais compter sur une autre méthode, à savoir les lasers à cascade quantique (QCL). Si elle reste, pour l'instant, cantonnée à quelques secteurs industriels bien spécifiques, la technologie QCL fait de plus en plus souvent parler d'elle. Par exemple avec le lancement de l'analyseur QCLAS par le françaisAerovia ( voir Mesures n° 833 ) en 2011 ou du système d'imagerie chimique 8700 Laser Direct Infrared (LDIR) de l'américain Agilent Technologies en octobre dernier.
D'autres acteurs se sont positionnés sur le marché, à l'instar de la jeune pousse française mirSense créée en 2015 ou de l'entité Emerson Automation Solutions du groupe américain Emerson Electric et de son compatriote Bruker, qui ont racheté respectivement le fabricant écossais d'analyseurs de gaz QCL Cascade Technologies en décembre 2014 et le spécialiste allemand des microscopes infrarouges QCL Infrarot Mikroskopie und Messtechnik (IRM2) en février 2018. Même s'il ne s'agit pas de celui des analyseurs de gaz, le mar-ché des lasers à cascade quantique passerait d'un montant de 302,9 millions de dollars en 2016 à 374,8M$ six ans plus tard, soit un taux de croissance annuel moyen (CAGR) de 3,9%, selon la société d'analyses indienne Markets & Markets.
Très peu d'industriels utilisent, pour l'instant, la technologie de lasers à cascade quantique (QCL). Les applications sont principalement l'analyse de gaz en automobile (mesure de composés azotés), en pétrochimie (mesure de SO2 ), en environnement (procédés de DeNOx), dans le médical.
GEA
Puits quantiques et effet tunnel
Qu'ont donc de particulier les analyseurs de gaz QCL pour intéresser fabricants et industriels? Un début de réponse est à chercher du côté des lasers eux-mêmes. « Découvert dans les années 1970, le laser à cascade quantique a réelle-ment été mis en œuvre vingt ans plus tard. Il s'agit donc d'une technologie récente – nous fabriquons des QCL depuis bientôt 15 ans – et dont la fabrication est complexe. C'est d'ailleurs cette complexité qui fait, pour l'instant, la rareté des fabricants », rappelle Lorraine Benitah, ingénieure commerciale Grands comptes chez Hamamatsu Photonics France.
Un laser à cascade quantique est un type de laser à semi-conducteurs émettant de l'infrarouge moyen (MIR) à l'infrarouge lointain (FIR). La région spectrale correspond aux longueurs d'onde comprises entre 3 et 12µm, où se trouvent de nombreuses raies d'absorption rotationnelles-vibrationnelles fondamentales de polluants atmosphériques tels que NO, N2 O, CO, CO2 ,NH 3 ,SO 2 et H 2 CO (formaldéhyde). « C'est la première différence avec les autres diodes laser,qui fonctionnent dans le proche infrarouge (NIR ; 1 à 2,5 µm) », précise Lorraine Benitah.
Un QCL est ainsi constitué d'un semi-conducteur possédant une structure à confinement quantique, à savoir un puits quantique. « Le confinement quantique se crée dans la structure des sous-bandes d'énergie. Un électron de haute énergie de la bande de conduction “tombe” dans un puits quantique : il y subit une relaxation entre deux sous-bandes (de la sous-bande supérieure à la sous-bande inférieure),émettant alors un photon. L'énergie du photon est équivalente à l'énergie entre ses sous-bandes », explique Sébastien Crozet, European Senior Lead Analytical France, Spain and Portugal chez Emerson Automation Solutions. Il s'agit ici d'émission par transition inter-sous-bande. Lorsque l'électron est relaxé sur la sous-bande de plus basse énergie, il traverse l'interstice entre deux puits quantiques par effet tunnel.
Compte tenu de la polarisation du composé, il se retrouve sur la sous-bande supérieure. Il peut ainsi être de nouveau relaxé pour produire un nouveau photon, et ainsi de suite. Ce principe de cascade d'énergie potentielle donne son nom au laser. « Contrairement aux diodes laser classiques, la longueur d'onde d'émission ne dépend pas directement de la bande interdite des matériaux semi-conducteurs utilisés, mais principalement de l'empilement des couches formant la zone active, à savoir la largeur du puits », précise Mathieu Carras,cofondateur et CEO de mirSense. « En contrôlant l'épaisseur de la couche de semi-conducteurs constituant le puits, il est alors possible de choisir la longueur d'onde émise », ajoute Lorraine Benitah (Hamamatsu Photonics France).
Sans rentrer dans les détails techniques de la fabrication des lasers à cascade quantique, qui sont des lasers à semiconducteurs comme ceux mis en œuvre en télécommunications, « l'ingénierie quantique et le contrôle de l'épaisseur des couches à la couche atomique près, acces-sible par les techniques d'épitaxie de production,permettent d'obtenir les niveaux d'énergie et les fonctions d'onde désirés. Le système de matériaux utilisés est le même que celui utilisé pour les diodes laser destinées aux télécommunications (GaInAs/AlInAs sur substrat InP) », ajoute Mathieu Carras (mirSense).
En plus d'être plus intenses, les pics d'absorption émis par un QCL sont également plus « pointus » que ceux obtenus avec les autres lasers. Une haute résolution permet aux pics dans des régions spectrales encombrées d'être choisis afin que plus de composés puissent être analysés.
Emerson Automation Solutions Hamamatsu mirSense
Un laser à cascade quantique (QCL) est un type de laser à semi-conducteurs émettant de l'infrarouge moyen (MIR) à l'infrarouge lointain (FIR). La région spectrale correspond aux longueurs d'onde comprises entre 3 et 12 µm, où se trouvent de nombreuses raies d'absorption rotationnelles-vibrationnelles fondamentales de polluants atmosphériques.
Hamamatsu
Des raies fondamentales plus intenses et plus fines
De par leur principe de fonctionne-ment, les QCL se distinguent également des autres diodes laser par les caractéristiques de leur faisceau. Les raies fondamentales sont, d'abord, deux à trois ordres de grandeur plus intenses que leurs harmoniques dans le proche infrarouge. « En plus de pouvoir travailler dans l'infrarouge moyen, où l'“empreinte digitale” de certaines molécules est plus caractéristique, la puissance du faisceau monochromatique permet d'aller exciter des molécules même à des concentrations très faibles », précise Nicolas Rouiller, responsable du départementApplications au sein de l'activité Automotive Test Systems (ATS) de Horiba France.
En plus d'être plus intenses, les pics d'absorption sont également plus «pointus» que ceux obtenus avec les lasers que l'on retrouve dans les autres technologies (NDIR, TDL, etc.). « Une haute résolution permet aux pics dans des régions spectrales encombrées d'être choisis afin que plus de composés puissent être analysés avec une excellente immunité aux interférences croisées », explique Sébastien Crozet (Emerson Automation Solutions). Un autre avantage des QCL réside dans leur capacité à fonctionner à température ambiante, en mode pulsé ou continu. « Avec un analyseur FTIR FTXONE ou MEXA-ONE-FT,par exemple,il faut recourir à un refroidissement pour atteindre un rapport signal/bruit suffisamment bas,les niveaux de détection étant beaucoup plus élevés à température ambiante », constate Nicolas Rouiller (Horiba France).
Même si la longueur d'onde d'un QCL est définie par l'empilement de couches semi-conductrices, il est possible de faire varier cette longueur d'onde. « La longueur d'onde d'émission peut ainsi être accordée sur une plage de 3 à 4 cm -1 par échauffement de la structure laser, en modulant le courant injecté dans le QCL DFB [pour Distributed Feedback , à rétroaction répartie, NDLR] », décrit Mathieu Carras (mirSense). « Grâce à cette impulsion de courant, de quelques microsecondes seulement, on peut balayer une portion infime du spectre et, donc, cibler une molécule donnée, sans être confronté à des problèmes d'interférences », poursuit Nicolas Rouiller (Horiba France). Emerson Automation Solutions a développé la technique Chirp. « Lorsque l'analyseur est mis sous tension, le QCL chauffe et, avec la montée en température, la longueur d'onde du laser commence à augmenter. Le laser balaie ensuite les fréquences de longueur d'onde pour détecter chaque composant recherché,avant que l'appareil ne refroidisse à sa température d'origine. Ce processus breveté de chirp du laser se produit en 1 µs, ce qui permet d'enregistrer des milliers de spectres toutes les secondes », explique Sébastien Crozet (Emerson Automation Solutions).
Horiba
Un autre avantage des QCL réside dans leur capacité à fonctionner à température ambiante. Avec un analyseur FTIR, par exemple, il faut recourir à un refroidissement pour atteindre un rapport signal/bruit suffisamment bas, les niveaux de détection étant beaucoup plus élevés à température ambiante.
Du laser à cascade quantique à l'analyseur
Malgré tous les atouts que l'on vient de voir, les lasers à cascade quantique affichent un inconvénient de taille; c'est leur coût encore très (trop) élevé. « Une diode QCL coûte entre 8000 et 10 000 euros, car il ne s'agit pas d'unités produites en grand volume », rappelle Lorraine Benitah (Hamamatsu Photonics France). L'offre du japonais s'articule autour d'une quinzaine de modèles QCL, en mode pulsé ou continu, et d'un ensemble d'accessoires (lentilles, contrôleur, refroidissement).
Mathieu Carras confirme les dires de Lorraine Benitah, en ajoutant que « pour éviter de vendre plus un problème qu'un laser, en raison de la difficulté d'intégration, nous avons choisi de développer des cartes électroniques et des solutions complètes clés en main (les lasers uniMir, multiMir et powerMir, ainsi que le spectromètre multiSense), ce qui permet notamment de faciliter l'intégration thermique et optique du laser. Nous nous sommes ainsi positionnés sur l'innovation au niveau du laser et de la chaîne de valeur, avec l'objectif de rendre l'ensemble du système, et non pas uniquement le laser, abordable. » Ce que confirme Sébastien Crozet (Emerson Automation Solutions) : « l'utilisation de ce type de lasers en instrumentation suppose un savoir-faire analytique éprouvé,qui requiert plusieurs années de R&D. Cela implique une bonne maîtrise de la technologie–l'implémentation des modules QCL avec une cellule de mesure de type Herriot et le détecteur, ainsi que le traitement du signal et la compensation en pression et tempéra-ture – et des applications ».
En plus des modèles Rosemount CT5100 (analyseur QCL/TDL, jusqu'à 12 gaz simultanément, température de l'échantillon de +20 à +190°C, versions non certifiée et certifiée avec boîtier pressurisé et purgé), Rosemount CT5400 (version rack 19 pouces) et Rosemount CT5800 (version antidéflagrante Ex d pour les applications offshore, par exemple), Emerson Automation Solutions vient de sortir sur le marché un analyseur de gaz QCL plus compact et plus économique. Le Rosemount CT4000 peut en effet mesurer jusqu'à 4 gaz simultanément, dans un format demi-rack 19 pouces seulement. Pour Ole Martin Sivertsen, Key Account ManagerTechnical Sales & Applications chez le norvégien Neo Monitors, représenté en France par Sistec et qui a lancé les premiers tests de son analyseur de gaz en ligne LaserGas Q SO2 (édition QCL) en 2014 ( voir Mesures n° 855 ), « le développement était basé sur la technologie existante, seules quelques modifications de l'électronique et de l'opto-mécanique furent nécessaires. »
Une solution multi-composants
Le groupe Horiba, lui, a commencé à installer ses premiers analyseurs de gaz QCL MEXA-1400QL-NX il y a plus de cinq ans. « Nous avons en fait développé ce modèle en collaboration avec Cascade Technologies,qui nous a apporté les QCL et les détecteurs. Il a quand même fallu concevoir le système de prélèvement et de filtration en adéquation avec les temps de réponse requis pour le NH3 ,pour être capable d'exploiter des données en dynamique », rappelle Nicolas Rouiller (Horiba France). Suite au lancement de la plateforme MEXA-ONE en 2012, le fabricant japonais a fait évoluer son analyseur MEXA1400QL-NX, pour proposer aujourd'hui deux modèles : leMEXA-ONE-QL-NX, qui peut analyser en temps réel quatre composés (NO, NO 2, N 2 OetNH 3 ), et le modèle MEXA1100-QL-N2O dédié à des faibles teneurs de N2 O.
En ce qui concerne les analyseurs de gaz QCL, il est évident qu'ils héritent des avantages des lasers à cascade quantique. « Étant donné que l'absorption est plus forte (l'intensité du faisceau est plus importante), il est possible d'atteindre une sensibilité plus basse que celle des autres types d'analyseurs. Un autre avantage des analyseurs de gaz QCL est leur temps de réponse très rapide [comparé à celui d'un analyseur FTIR ou NDIR, NDLR] », résume Ole Martin Sivertsen (Neo Monitors). Ce que confirme Mathieu Carras (mirSense), en précisant que « la limite basse de détection du multiSense se situe entre une dizaine de ppb et 1 ppm, selon le gaz et le temps de réponse (de quelques millisecondes à moins de 1s) ».
Les avantages d'un analyseur de gaz QCL ne s'arrêtent pas à ces spécifications. On peut également compter sur une excellente précision et une forte immunité aux interférences, grâce à la grande sélectivité, ainsi que de très bonnes linéarité et répétabilité de la réponse. Sébastien Crozet (Emerson Automation Solutions) cite encore un autre avantage significatif: « les lasers QCL apportent une solution multi-compo-sants,acontrario de la technologie TDL. Nos systèmes peuvent mesurer simultanément et en temps réel jusqu'à une dizaine de composants, en proche et moyen infrarouges, grâce à six modules. » Pour Mathieu Carras (mirSense), « l'approche modulaire permet de changer le laser, donc la longueur d'onde, selon le gaz, d'une manière très simple et très robuste – il n'y a pas de réalignement à faire, par exemple ».
À cela s'ajoute une large étendue de mesure disponible: l'analyseur de gaz MEXA-ONE QL-NX de Horiba, par exemple, intègre deux parcours optiques, l'un court pour les concentrations jusqu'à 2000ppm ou 5000ppm pour le NO et l'autre long pour les concentrations de l'ordre du ppm (0100 ppm pour le NO et le N2 O). « Comme les analyseurs QCL ne présentent pas de dérive,les utilisateurs peuvent s'abstenir de réaliser des recalibrations », indique Ole Martin Sivertsen (Neo Monitors). Cela nous amène à un autre avantage indéniable des analyseurs de gaz QCL.
Quelques limitations, quand même
« Leur principal avantage,comparé aux autres techniques de mesure, est la faible maintenance. On peut l'utiliser pendant des années avec seulement un contrôle de maintenance annuel.Comme il n'y a aucun contact avec les gaz à mesurer, il n'y a donc aucun risque de corrosion », poursuit Ole Martin Sivertsen. Ce que confirme Sébastien Crozet (Emerson Automation Solutions), qui ajoute que « la grande stabilité dans le temps inhérente au principe contribue, avec la faible dérive à long terme, à l'allongement des intervalles d'étalonnage.Sans oublier l'absence de pièces en mouvement, de consommables, de gaz vecteur (comparé à un chromatographe en phase gazeuse, dans une configuration à plusieurs composants) .» On peut encore citer la compacité, la robus-tesse, la faible consommation et la capacité de réaliser des mesures à «froid» ou à «chaud».
À cette liste avantageuse en termes de performances et de fonctionnalités, les analyseurs QCL pêchent, quand même, par quelques inconvénients. « Même s'ils sont considérés comme des appareils robustes, ce sont des appareils relativement sensibles aux vibrations, de par la présence de beaucoup d'optiques,et sachant aussi qu'ils sont utilisés par des opérateurs d'essais soumis à des contraintes de productivité », constate Nicolas Rouiller (Horiba France). S'ils se caractérisent notamment par leur sensibilité et leur sélectivité, les analyseurs QCL ne peuvent pas balayer sur une large bande passante à la différence des analyseurs FTIR. Les utilisateurs doivent donc impérativement connaître la longueur d'onde du composant qu'ils souhaitent quantifier.
Étant donné que l'absorption est plus forte (l'intensité du faisceau est plus importante), il est possible d'atteindre une sensibilité plus basse, avec un analyseur de gaz QCL, que celle des autres types d'analyseurs.
Neo Monitors
Signalons également que, pour mesurer plusieurs composants, il est nécessaire d'autant de modules QCL que de longueurs d'onde, ce qui augmente mécaniquement la taille de l'analyseur. « Les hydrocarbures plus lourds (C4 et au-delà) ne sont, par ailleurs, pas encore mesurables, à la différence d'autres méthodes comme les méthodes chromatographiques.De par le principe de fonctionnement – certains composés ne réagissent pas dans le MIR –, il n'est pas non plus possible de mesurer les gaz inertes, les gaz rares ou des gaz comme l'H 2 ou le Cl2 », explique Sébastien Crozet (Emerson Automation Solutions).
Marchés de l'automobile et des process NOx/SOx
Toutes les personnes interrogées se sont accordées sur le fait que la technologie des lasers à cascade quantique représente, pour l'instant, un marché de niche. « Très peu d'industriels utilisent cette technologie, et c'est principalement pour l'analyse de gaz en pétrochimie, en environnement, dans la sécurité, dans le médical (diagnostic de l'asthme,par exemple) », constate Lorraine Benitah (Hamamatsu Photonics France). « À l'origine, la demande est venue du secteur automobile pour mesurer des composés azotés, d'abord lors du développement de systèmes de posttraitement et de dépollution des moteurs Diesel (NO et NO2 ), puis lors de la réduction des émissions de NOx par ajout d'urée (NH3 ). La mesure du N2 Oest une demande des États-Unis, car il s'agit d'un gaz à effet de serre 300 fois plus fort que le CO2 »,rappelle Nicolas Rouiller (Horiba France).
Si l'automobile reste un débouché important, le secteur de l'environnement s'intéresse de plus en plus aux analyseurs QCL. « Le développement de notre analyseur QCL a fait suite à une demande de mesure du SO 2 en contrôle de process, une mesure qui n'était vraiment pas possible en MIR.Sont venus ensuite les composés NO,SO2 et CF4 .Ennous concentrant sur certaines applications, nous avons enregistré quelques gros succès, et le marché de la mesure de SO 2 (raffineries…) est devenu très important pour nous », explique Ole Martin Sivertsen (Neo Monitors). Du côté d'Emerson Automation Solutions, l'instrumentation analytique basée sur la technologie QCL se développe depuis quelques années dans l'industrie, en particulier dans toutes les applications de mesures de pureté de gaz, en plus d'être une alternative intéressante sur les mesures à l'émission, les procédés de DeNOx et de DeSOx.
Compte tenu des avantages et des quelques limitations que nous venons de voir, les fabricants de lasers à cascade quantique et/ou d'analyseurs de gaz QCL ont plusieurs pistes de développement possibles, afin d'améliorer encore un peu plus les modules et appareils déjà disponibles sur le marché. Au ni-veau des lasers proprement dits, « l'évolution est d'étendre les longueurs d'onde proposées – une dizaine de longueurs d'onde sont pour l'instant disponibles –, le but étant d'avoir autant de longueurs d'onde que de gaz à détecter.Mais nous ne pouvons développer un module QCL pour un gaz supplémentaire que s'il y a un marché derrière », explique Lorraine Benitah (Hamamatsu Photonics France).
mirSense développe des solutions complètes clés en main, ce qui permet notamment de faciliter l'intégration thermique et optique du laser. mirSense
Réduire le coût des QCL et, donc, des analyseurs
C'est là où le bât blesse, en tout cas pour l'instant. Pour justifier les coûts de développement de nouveaux modules ou de nouveaux analyseurs de gaz, il faut que le marché devienne suffisamment important. « Plus nous vendrons d'analyseurs QCL, moins ils seront chers de par l'effet de volume », résume Ole Martin Sivertsen (Neo Monitors). Ce que confirme Mathieu Carras (mirSense) : « Notre roadmap en R&D porte moins sur les performances des lasers (rendement) que sur les méthodes de fabrication et la réduction des coûts des systèmes (carte électronique, pilotage…). Nous allons vers des capteurs de plus en plus compacts et de moins en moins chers – l'objectif serait un coût unitaire de 1 euro pour les lasers. Pour démocratiser cette technologie, il ne faut pas rester sur la haute performance ».
Pour Emerson Automation Solutions, les retours d'expérience des premiers utilisateurs sont positifs. Ils sont désormais dans l'attente de nouvelles mesures et que la technologie puisse être exploitée au maximum de ses capacités, de nouveaux composants, de nouvelles impuretés, des limites de détection plus basses encore, etc. « Nous travaillons sur une version QAL1 pour les mesures à l'émission, et notamment les applications d'inciné-ration, sur une version in situ pour apporter une solution multi-composants à ces applications,sur la prochaine génération de QCL avec une modulation en fréquence,afin d'élargir les capacités de mesure, et sur les lasers DFB à large bande, permettant de choisir la longueur d'onde d'émission et, donc, de détecter de longues chaînes de carbone et dans les liquides. » D'autres travaux sont également en cours pour répondre aux exigences de l'industrie pharmaceutique ou de la chimie lourde (lasers à grandes longueurs d'onde), ou encore du gaz naturel. Le secteur de l'émission est l'un des marchés présentant le plus d'opportunités, d'autant que les directives européennes imposent, d'année en année, de mesurer des teneurs toujours plus basses. « La technologie QCL est encore récente,mais elle est en train de se démocratiser , confirme Nicolas Rouiller (Horiba France). À l'avenir, cette technologie devrait même pouvoir permettre des mesures de traces pour la qualité de l'air ambiant. » Mais il faudra du temps pour faire connaître et accepter cette nouvelle technologie, ce qui passe par la réalisation de tests pour créer des références et accumuler de l'expérience.