A l'occasion de la 26 e Conférence générale des poids et mesures (CGPM), qui se tiendra à Versailles (Yvelines) du 13 au 18 novembre 2018, quatre unités du Système international d'unités (SI), à savoir l'ampère, le kelvin, le kilogramme et la mole, devraient être redéfinies. Ces dernières devraient ainsi être établies sur la base de constantes fondamentales de la physique, mais cela nécessite d'affiner au mieux les valeurs de ces constantes. Durant le mois de juillet dernier, des chercheurs du Laboratoire national de métrologie et d'essais (LNE) ont annoncé avoir obtenu des résultats remarquables sur les valeurs de la constante de Boltzmann, qui intervient dans la redéfinition du kelvin, et de la constante de Planck, pour la redéfinition du kilogramme.
Pour parvenir à de tels résultats, les équipes du LNE ont mis en œuvre un thermomètre acoustique pour déterminer la constante de Boltzmann et une balance de Kibble pour la constante de Planck. «
En ce qui concerne le kelvin, sa définition était à revoir. Depuis 1968, le Système international d'unités définit en effet le kelvin comme la fraction 1/273,16 de la température thermody-namique du point triple de l'eau qui correspond donc à 0,01 °C, soit 273,16 K. Rappelons que 0 kelvin, qui est aussi désigné « zéro absolu », corres-pond à - 273,15 °C. Mais le point triple de l'eau est un artefact qui, à mesure qu'on l'étudie, révèle ses défauts (composition isotopique, impuretés…). Le « nouveau » kelvin devrait donc bientôt être défini à partir d'une constante fon-damentale, à savoir la constante de Boltzmann, dont la valeur numérique sera figée, comme cela a été fait avec la vitesse de la lumière en 1983 pour la définition du mètre.
La balance de Kibble (ou balance du watt) du LNE contribue aux avancées significatives dans la détermination précise de la constante de Planck, sur laquelle sera fondée la nouvelle définition du kilogramme.
Améliorer l'incertitude de la constante de Boltzmann
Le « nouveau » kelvin sera alors défini comme la constante de Boltzmann (
Pour cela, l'équipe du Laboratoire commun de métrologie (LCM) LNE-Cnam (Conservatoire national des arts et métiers) a mis au point une méthode originale permettant de déduire la valeur de la constante de Boltzmann, grâce à la mesure de la vitesse du son dans un gaz rare en cavité fermée. Les chercheurs ont ainsi placé de l'hélium 4 ( 4 He) dans un résonateur quasi-sphérique d'un volume de 3 litres. Ce thermomètre acoustique est fondé sur la détermination précise des résonnances acoustiques et micro-ondes pour mesurer la vitesse du son à différentes pressions.
Cette expérience est toutefois exigeante, car tous les paramètres de l'expérience, comme la pureté du gaz, la mesure des signaux acoustiques, doivent être maîtrisés avec une grande exactitude. Ce qui n'a pas empêché l'équipe d'enregistrer un résultat record au niveau mondial. Elle est ainsi parvenue à déterminer la constante de Boltzmann avec une incertitude de 0,60 x 10 -6 . Ces travaux ont été acceptés en juin 2017 dans la revue
Intéressons-nous maintenant au « nouveau » kilogramme. Sa définition ac-tuelle est la suivante : l'étalon de l'unité de masse est un cylindre de platine iridié conservé depuis 1889 au Bureau international des poids et mesures (BIPM), à Sèvres dans les Hauts-de-Seine. Le « grand K », comme il est surnommé, est gardé en sécurité dans un caveau, sous trois cloches de verre. La masse de ce cylindre est par définition exactement égale à 1 kilogramme.
La nouvelle définition du kelvin devant être fondée sur la constante de Boltzmann, le Laboratoire commun de métrologie du LNE et du Cnam est parvenu à atteindre une incertitude relative record avec son thermomètre acoustique.
Vers un kilogramme dématérialisé
Mais cet artefact matériel présente aujourd'hui ses limites, puisqu'il n'est disponible que dans un seul lieu, et, surtout, il n'est pas stable dans le temps. Au cours des quatre comparaisons effectuées en un siècle et demi, on a en effet noté des incohérences entre la masse du « grand K » et celle de ses copies. En fait, il a perdu de sa masse, ce qui ne permet donc plus une mesure certaine des masses. Pour s'affranchir de ces limites, le kilogramme sera bientôt défini à partir de la constante de Planck (
Pour déterminer la constante de Planck, la méthode utilisée par les équipes du LNE est celle de la balance de Kibble (auparavant nommée balance du watt). Cette expérience consiste à comparer une puissance mécanique à une puissance électrique virtuelle déterminée en se référant à l'effet Josephson et à l'effet Hall quantique. Elle permet, de ce fait, de raccorder l'unité de masse, à savoir le kilogramme, à la constante de Planck. Cette expérience électromécanique aux réglages délicats suppose par ailleurs de maîtriser simultanément les grandeurs masse, accélération de la pesanteur, temps, longueur, tension et résistance à des incertitudes proches de celles de l'état de l'art.
La balance de Kibble du LNE, développée depuis 2002, a fourni récemment une valeur de la constante de Planck de 6,62607041 x 10 -34 Js, avec une incertitude relative de 5,7 x 10 -8 . Ces résultats ont, eux aussi, été publiés dans la revue