L es inégalités entre les femmes et les hommes traversent toute notre société. Dans le milieu professionnel, à l'échelle mondiale, les femmes ne représentent que 39% de l'ensemble des travailleurs, selon l'étude Women Matter de 2017, réalisée par la société de conseil McKinsey (1) .Cette inégalité est d'autant plus importante lorsque l'on considère les places les plus élevées dans la hiérarchie.Ainsi, en étudiant les grandes entreprises des pays du G20, McKinsey compte 12% de femmes parmi les membres des comités exécutifs (14% en France) et 17% dans les conseils d'administration (39% pour la France).
L'industrie se féminise, mais certaines branches, comme la chimie, sont plus mixtes que d'autres. Plus un milieu est masculin, plus il peut être difficile pour les femmes d'y trouver leur place.
Bien sûr, cette situation n'épargne pas le milieu de l'industrie. Mais il est difficile d'en brosser un portrait général, tant les disparités sont importantes entre les secteurs, et selon les postes. Une étude de 2019 du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation recense par exemple le pourcentage de femmes travaillant dans la recherche et développement pour l'industrie (2) .Elle en compte environ 60% dans l'industrie pharmaceutique, près de 50 % dans l'industrie chimique, mais moins de 15% dans l'industrie automobile. Les chiffres de l'enseignement profession-nel nous renseignent également sur ces différences: 14% de filles s'orientent vers les formations liées au milieu de la production, comme le montre une étude de 2017 du secrétariat d'État chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes (3) .
Mais au sein de ce milieu, elles représentent 90% des effectifs dans les formations menant aux secteurs de l'habillement, du textile et le travail du cuir, 58% pour la métallurgie et seulement 2% en mécanique, électricité et électro-nique.Dans les IUT, on compte 7% de jeunes femmes en spécialité Génie électrique et informatique industrielle (GEII), contre 64,5% en Génie biologique.Les études d'ingénieurs montrent des écarts du même type: on retrouve 58,6% de jeunes femmes dans les filières «chimie, génie des procédés et sciences de la vie». En revanche, malgré son importance croissante à tous les niveaux de la société, l'informatique est le secteur qui les attire le moins, avec 16,4% d'effectifs féminins (4) .
Sexisme, inégalités salariales et précarité
En plus des disparités d'effectifs, les femmes subissent d'autres inégalités dans le milieu professionnel. Elles connaissent une plus grande précarité: 9,3% d'entre elles sont en effet en situation de sous-emploi (elles souhaiteraient travailler plus), contre 3,6% des hommes, selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee)(5) .Ilnote également que les femmes gagnent en moyenne environ 18% de moins que les hommes à temps de travail égal. À ces difficultés s'ajoute le sexisme ordinaire, présent dans le secteur industriel comme ailleurs. «
Pire, dans une étude de l'Institut français d'opinion publique (Ifop) réalisée pour le Défenseur des droits en 2014, 58% des femmes actives interrogées estimaient que travailler dans un univers à dominante masculine expose plus particulièrement les femmes au harcèlement sexuel (6) .Une enquête menée par l'association Femmes Ingénieurs met en évidence ce problème au sein des écoles d'ingénieurs (7) .Elle relève que 63% des étudiantes disent «
De nombreuses actions sont menées auprès des lycéennes, afin de leur faire rencontrer des femmes menant des carrières dans l'industrie, et contredire ainsi les stéréotypes.
Changer l'image de l'industrie
Beaucoup d'entreprises industrielles souhaitent une plus grande mixité de leurs effectifs, convaincues par les avantages de compter dans leurs rangs des profils diversifiés, mais aussi par les gains de productivité démontrés. À partir de l'analyse de 300 entreprises du monde entier, McKinsey relève par exemple une «
Cependant, pour les industries qui souhaitent recruter, les candidates féminines ne sont pas toujours au rendez-vous. En effet, le secteur étant perçu comme très masculin, les femmes s'y dirigent moins que les hommes. Partant de ce constat, différentes structures se mobilisent pour changer cette image et faire connaître aux femmes les opportunités de carrières dans le milieu de l'industrie. Les associations Femmes Ingénieurs ou Elles bougent, par exemple, mènent des actions auprès des lycéennes: elles sont invitées à rencontrer des femmes qui témoignent de leur parcours, ou à visiter des entreprises. Ces associations travaillent avec des sociétés prêtes à s'investir pour mettre en avant leurs talents féminins. «
Il faut donc faire reculer les stéréotypes associés aux métiers de l'industrie. Faute d'exemples de femmes y faisant carrière, les jeunes filles ont en effet plus de difficultés à s'y projeter, comme en témoigne Aline Aubertin (
La voie de la reconversion professionnelle
Mais les études supérieures ne sont pas la seule porte d'entrée vers les métiers de l'industrie. Des emplois moins qualifiés sont aussi ouverts aux femmes. Certaines structures visent donc à élargir le champ des options professionnelles des femmes éloignées de l'emploi, en leur faisant découvrir des métiers techniques. C'est le cas du Corif (Conseil, recherche, ingénierie et formation pour l'égalité femmes-hommes), une association des Hauts-de-France, qui travaille pour cela notamment avec l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa). «
Répondre aux idées reçues
Faut-il agir en faveur de la place des femmes dans l'industrie? Cela ne va pas de soi pour tout le monde. Beaucoup d'hommes –mais aussi certaines femmes– pensent que mettre en application des mesures en faveur de la mixité seraient injustes, et que les compétences suffisent pour faire progresser sa carrière professionnelle. Pourtant, beaucoup de biais interfèrent avec cette égalité de traitement supposée. Mais comment en convaincre ses interlocuteurs? L'association Femmes Ingénieurs s'est posé la question et a conçu une brochure destinée à répondre aux idées reçues de façon argumentée, chiffrée, et parfois avec humour (https: // bit.ly/2MdDp4r). |
Veiller à l'inclusion des femmes
Bien sûr, il ne s'agit pas de faire peser la responsabilité de la mixité sur les femmes elles-mêmes. Si celles-ci se portent trop peu candidates pour les emplois industriels, c'est que les entreprises ont des efforts à faire. Là aussi, des structures comme le Corif sont là pour faire avancer les choses. «
Lorsque les entreprises parviennent à recruter des femmes, elles doivent ensuite les aider à prendre leur place. «
Les entreprises ont aussi la responsabilité de proposer des perspectives d'évolution de carrière équitables. Si les femmes n'ont pas moins d'ambition que les hommes, elles sont en revanche moins confiantes qu'eux sur leur possibilité d'accéder à des fonctions de management (1) .Moins susceptibles de se mettre en avant, les femmes sont moins spontanément considérées comme des candidates potentielles lorsque des promotions se présentent. Un management en faveur de la mixité devrait donc prendre en compte ces biais, comme l'explique Isabelle Valentin Bianco (
Les progrès observables en termes de mixité dans l'industrie ne doivent donc pas laisser penser que tous les problèmes sont réglés. De nombreux indicateurs mettent en évidence le chemin qu'il reste à parcourir. Et la prise de conscience des problèmes est la pre-mière étape pour progresser!