Depuis deux,trois ans,on entend de plus en plus souvent parler d'une nouvelle énergie renouvelable, à savoir l'énergie issue de la fermentation de matières organiques, ou biogaz. C'est le cas par exemple sur la manifestation internationale des équipements, des technologies et des services de l'environnement Pollutec, dont l'édition lyonnaise va se dérouler du 2 au 5 décembre prochain, où fabricants de méthaniseurs, sociétés de prestations de services, fournisseurs de solutions de mesure, etc. représentent désormais un contingent important. Et que dire encore de la montée en puissance de salons dédiés tels que Biogaz Europe, qui se tiendra les 19 et 20 mars 2015 à Nantes (Loire-Atlantique) ou ExpoBiogaz. Sa troisième édition a par exemple rassemblé 2 824 visiteurs et 140 exposants à la mi-juin dernier à Paris, la prochaine édition étant prévue du 16 au 18 juin 2015. Comme nous le verrons plus loin, c'est un marché prometteur pour tous les acteurs et en particulier pour les fabricants et distributeurs d'instrumentation de process et de solutions analytiques. D'autant que cela peut être une bouffée d'oxygène dans un contexte économique encore difficile pour un certain nombre de sociétés… En plus de l'apparition de salons, de journées techniques (organisées par exemple par le Club Biogaz de l'ATEE) et d'autres manifestations dédiées, on assiste également à l'introduction de nouveaux appareils spécifiques. Comme les débitmètres à ultrasons Prosonic Flow B200 du suisse Endress+Hauser ( voir Mesures n° 848 ) et Optisonic 7 300 de l'allemand Krohne, l'analyseur portable GA5000 du britannique Geotech, distribué en France par Équipements scientifiques, et GIR6000 de MTL Instruments, une division du groupe britannique Cooper Industries, etc. Avant d'aller plus loin, il serait intéressant de rappeler ce que l'on entend par biogaz. « Il s'agit du résultat d'un processus de fermentation anaérobique de matières organiques. Il existe différentes sources : boues d'épuration dans le cas de stations d'épuration communales et industrielles, déchets agricoles (fumiers ou lisiers) dans les unités à la ferme,ordures ménagères dans les centres d'enfouissement techniques, effluents industriels, etc.», explique Sébastien Brossard, chef de marché Environnement & Energie chez Endress+ Hauser France.
Sick Pourlesentreprisesconvertientaubiogaz,l'unedesvalorisations possibles est la revente du biométhane à GrDF. Même si cette option est encore rare, pour diverses raisons, l'exploitant doit alors s'équiper de moyens de mesure pour s'assurer de la qualité du biométhane réinjecté dans le réseau.
Du méthane mais aussi d'autres composés
Quelle que soit la nature de la matière organique, le biogaz est une énergie renouvelable avec une très faible empreinte carbone. « La méthanisation, à savoir la production de gaz par la fermentation anaérobie de déchets animaux et végétaux,se déroule bien souvent dans un digesteur.C'est un milieu clos, dans lequel se trouvent des bactéries, afin d'optimiser le process et ainsi de récupérer le biogaz », précise Romuald Brienne, responsable marchés Pétrole et gaz et Energie chez Krohne France. Dans les centres d'enfouissement techniques (application en déclin mais encore très présente), le processus fait intervenir un drainage pour récupérer le gaz fourni, une étape qui n'est pas maîtrisée contrairement à un digesteur.
L'essentiel
Le marché du biogaz prend de plus en plus d'importance en France, aidé en cela par la réglementation et les bénéfices dont les entreprises peuvent en tirer. Comme n'importe quel autre procédé industriel, les unités de méthanisation nécessitent d'être contrôlées, surveillées et optimisées, d'où la mise en place de mesures ou d'analyseurs. La présence de H2 Setd'humidité notamment pose certaines difficultés, ce qui impose de prendre des précautions pour la mesure de débit et l'analyse de gaz, etc. C'est pour cela que des appareils développés pour le biogaz ont fait leur apparition sur le marché français, les constructeurs bénéficiant de l'expérience acquise sur d'autres pays européens. |
Le marché du biogaz, à savoir l'énergie issue de la fermentation de matières organiques, prend ces dernières années une place de plus de plus importante en France. Si le nombre d'unités de méthanisation progresse très vite – la France partait avec un retard certain face à d'autres pays européens –, les acteurs de la mesure se réjouissent également de cette opportunité.
Endress+Hauser L'une des principales innovations en débitmètre pour le biogaz est le développement de débitmètres à ultrasons capables aussi de déterminer le taux de méthane. Il existe deux modèles commercialisés sur le marché français, à savoir l'Optisonic 7300 de Krohne et le Prosonic Flow B 200 d'Endress+Hauser.
Krohne Pour David Cohen, gérant d'Engineering Mesures, distributeur en France de l'américain Fluid Components International (FCI) notamment, « le biogaz est un terme générique. En plus d'un biogaz différent selon la nature de la source,c'est également la qualité du biogaz qui entre en jeu.» Gaz prépondérant, le méthane (CH4 ) peut en effet voir sa proportion dans le biogaz varier entre 50 et 90% en volume, voire plus. D'autres espèces sont également présentes en de (très) faibles concentrations mais aussi à des teneurs loin d'être négligeables: le dioxyde de carbone (CO2 )dans une proportion de 30 à 50% en volume, le dioxygène (O2 ), le sulfure d'hydrogène (H2 S), le diazote (N2 ), l'eau, des siloxanes… « Lorsqu'il est produit, le biogaz est un gaz chaud, humide, sale, odorant, corrosif, ce qui pose un certain nombre de problèmes », rappelle d'ailleurs Daniel Guez, directeur du département Biotests & Industries d'Equipements scientifiques, distributeur en France d'Analytical Technologies Inc. (ATI), de BlueSens et de Geotech. Le biogaz doit alors subir une succession de traitements, avant de pouvoir être exploité, comme d'ailleurs le gaz naturel juste après son extraction. « Comme la matrice de gaz est particulière,ces traitements,qui englobent des opérations de condensation, de pressurisation, de filtration,de lavage,etc.,servent à réduire le taux des autres gaz (CO2 ,composés soufrés et eau), afin de disposer d'une concentration la plus élevée en bio-méthane et de répondre aux contraintes des équipements en aval », explique Stéphane Mabecque, responsable produits Process Automation chez Sick France.
Les processus de fermentation et de décomposition naturels sont utilisés dans les installations de biogaz afin de transformer le biogaz ainsi produit en électricité de la manière la plus efficace possible. Le substrat est d'abord préparé, stocké, traité si nécessaire et acheminé dans le bioréacteur. Le processus de fermentation anaérobie ayant lieu dans le digesteur, la production de biogaz constitue la deuxième étape. On trouve ensuite le traitement, le stockage et l'utilisation du gaz (BHKW pour centrale thermique en montage-bloc avec chauffage à distance) et, enfin, les résidus de la fermentation sont stockés, valorisés et utilisés, comme engrais agricole par exemple. Evidemment, un ensemble de points de mesure sont installés pour le suivi du procédé : analyse des éluats (azote total, DCO, NH4 ,métaux lourds) ,analyse du digesteur (NH4 ,acides organiques, DCO, alcalinité) et analyse du processus en ligne (valeur du pH, température, potentiel d'oxydoréduction et teneur en matière sèche) .
Source : Hach Lange Ces équipements peuvent en effet être (très) sensibles à la présence de certains contaminants (H2 S, CO2 ,siloxanes…) présents dans le biogaz. Par exemple, prenons le cas de la cogénération: il ne faut pas que le H2 S, qui est un gaz très corrosif, ait une quelconque influence néfaste sur le moteur. « En plus du fait qu'ils apportent aucune énergie, les contaminants risquent en effet aussi d'endommager ou de dégrader dans le temps des éléments du moteur. Et ces contaminants peuvent même produire d'autres composés dangereux, tels que le SO2 [dioxyde de soufre, NDLR] issu de la combustion du H2 S», ajoute Damien Quenel, ingénieur commercial chez Néréides, distributeur en France du belge Gas Engineering and Instrumentation Technologies (GEIT) Europe. N'oublions pas non plus les aspects réglementaires concernant la méthanisation, l'environnement, la sécurité ainsi que les exigences pour réinjecter le biogaz dans le réseau de gaz…
Deux technologies de débitmétrie sont préconisées pour les applications de biogaz : les débitmètres à effet Vortex, qui couvrent parfaitement les applications de gaz, et les débitmètres à ultrasons.
Höntzsch
Une valorisation « sonnante et trébuchante »
Si les entreprises sont prêtes à investir dans des unités de méthanisation, c'est que le biogaz revêt une grande valeur, tant financière qu'environnementale,pour elles. «Auparavant, beaucoup d'industriels brûlaient le gaz en torchère. Il existe maintenant différentes finalités pour le biogaz : on peut l'utiliser dans des chaudières,si l'on dispose d'une source de chaleur à proximité (ce n'est pas souvent le cas) ; des entreprises s'en servent en cogénération pour produire de la chaleur et de l'électricité ; et il est possible de revendre le méthane à GrDF [Gaz Réseau Distribution France, NDLR] en le réinjectant dans les réseaux », énumère René Moletta, membre du Comité directeur du Club Biogaz (ATEE).
En plus des gains sonnants et trébuchants qu'apporte la valorisation du biogaz (en réduisant la consommation en énergie et/ ou en le revendant), les entreprises y gagnent également au travers de laTaxe générale sur les activités polluantes (TGAP) appliquée à l'élimination et au transfert de déchets non dangereux. « Les utilisateurs de biogaz peuvent en effet être exonérés partiellement de taxe, si le biogaz fait l'objet d'une valorisation de plus de 75 %.Cela implique donc de faire des mesures et une vérification périodique, d'où la fourniture de services », explique Romuald Brienne (Krohne France). A noter que le biogaz présente un autre avan-tage comparé aux autres énergies renouvelables: « Le volume de déchets étant plus ou moins toujours le même, la production d'énergie issue du biogaz est bien plus stable que celle venant de panneaux solaires,d'éoliennes,etc.», ajoute Sébastien Brossard (Endress+Hauser France). Pour les agriculteurs, il s'agit également de disposer de revenus qui ne sont pas liés aux conditions climatiques, ce qui est une motivation supplémentaire.
Même si, depuis une vingtaine d'années, il existe en France quelques unités de méthanisation, tous les acteurs interrogés s'accordent sur le fait que le marché a réellement commencé à bouger il y a trois à cinq ans. «Mais le mouvement ne va pas forcément aussi vite que prévu pour des raisons liées à la longueur des durées d'autorisation et de validation (plusieurs années), au coût de rachat de l'énergie, etc.», avoue Sébastien Brossard (Endress+Hauser France). «A un moment donné, le marché aeffective-ment affiché un début de croissance assez rapide, suivi malheureusement par un ralentissement,du fait du report des investissements.L'attentisme général,le manque d'une réglementation bien définie et le contexte économique actuel peuvent expliquer ce report. Mais le marché va évoluer dans le bon sens et Emerson veut y être présent», ajoute Sébastien Crozet,responsable produitsAnalyse chez Emerson Process Management France.
Comme dans de nombreux autres secteurs, les Français aiment bien regarder ce qui se fait ailleurs, en particulier outre-Rhin. L'Allemagne est en effet l'un des pays européens les plus en avance dans le domaine du biogaz, avec la Grande-Bretagne, l'Italie et les Pays-Bas, cette énergie y étant très bien implantée et, ce, depuis des années. « La France est encore un peu en retard par rapport à l'Allemagne, mais la demande a explosé. De grands groupes industriels tels que Suez,Vinci et Air Liquide plus récemment s'y intéressent et investissent », constate Eric Gruter, gérant de Gruter & Marchand.
S'il manque des débitmètres certifiés pour les transactions commerciales, il est néanmoins possible d'étalonner un appareil sur un gaz d'une composition moyenne très proche de celle du biogaz du client (sans condensation). C'est ce que propose FCI pour ses débitmètres ST50/100 en délivrant un certificat NIST.
FCI
Une croissance qui dépend de la réglementation
Ce que confirme aussi René Moletta (Club Biogaz ATEE): « Créé en 1986, le Club Biogaz a réellement pris son ampleur en 2006, en même temps que le marché en France avec l'ouverture du secteur des déchets. Avant cette date, il s'agissait principalement du traitement des effluents indus-triels, via 80 digesteurs installés. Après 2006, la France s'est alignée sur le prix des énergies renouvelables et,aujourd'hui,elle prévoit même d'atteindre en 2020 une part de 23 % d'énergies renouvelables. Cela devrait se traduire par la mise en œuvre de 1 000 digesteurs à la ferme afin d'éviter le recours à des énergies fossiles pour produire de la chaleur.» Selon le site du ministère l'Agriculture (1) ,le nombre d'installations de méthanisation en France, pour une puissance électrique installée totale de près de 120MW, se répartissait fin 2012 de la manière suivante : 90 « à la ferme»,15«centralisées», 80 unités dans le secteur industriel, 60 en stations d'épuration, 10 installations de traitement des ordures ménagères, 245 centres d'enfouissement des déchets dont 90 d'entre eux valorisent le biogaz capté. Pour comparaison, l'Allemagne disposait à la même époque de près de 7000 unités de méthanisation dont plus des deux tiers étaient gérés par des agriculteurs… Cela laisse donc augurer de belles perspectives de croissance pour le marché hexagonal, si la volonté de l'Etat de miser sur le biogaz se poursuit. « Au vu des développements importants qui ont lieu cette année – 2014 marque d'ailleurs une grande évolution par rapport aux années précédentes –, nous fondons de grands espoirs sur la méthanisation à la ferme ! », affirme Christian Wasmer,respon-sable technique Instrumentation d'Elcowa. Francis-Claude Héraut, gérant de TH Industrie qui distribue l'allemand Höntzsch, soulève toutefois le point suivant: « Il est vrai que l'on parle beaucoup des unités à la ferme,et que leur nombre est bien plus grand que celui des installations de moyenne et grande tailles. Mais les toutes petites unités sont très peu instrumentées, voire pas du tout. Et s'il y a une demande, ce sera plus en analyse de gaz qu'en instrumentation.»
Quoi qu'il en soit, une unité de méthanisation reste un procédé industriel (presque) comme un autre en ce qui concerne les mesures, puisque les exploitants se doivent de respecter des réglementations, de revendre le biogaz à GrDF et/ou simplement piloter leur procédé. Et les points de mesure et d'analyse, manuelles ou en ligne si les capteurs sont suffisamment fiables, ne manquent pas… «Au niveau des intrants, on retrouve la caractérisation physico-chimique avec les mesures de potentiel méthane, de matière sèche, de teneur en métaux,etc.Dans un digesteur en fonctionnement s'ajoutent le pesage et la mesure de débit, pour surveiller que les intrants correspondent à ce qui est attendu. Dans la phase liquide du digesteur, ce sont les mesures d'alcalinité, de la concentration de la plupart des acides gras volatiles (AGV), des traces en matière sèche – l'agitation assurant l'homogénéité de la matière peut se bloquer en présence de 10 % de matière sèche –, de molécules inhibitrices, ainsi que le contrôle en ligne du pH, de la température, une surveillance visuelle à travers un hublot pour s'assurer de l'absence d'une croûte (sinon il faut agiter plus fort) », liste d'une manière non exhaustive René Moletta (Club Biogaz ATEE).
En analyse pour le biogaz, les demandes sont similaires à celles que l'on rencontre dans les autres applications industrielles. Il s'agit de mesurer le méthane (CH4 ), le dioxyde de carbone (CO2 ), le dioxygène (O2 ) et le sulfure d'hydrogène (H2 S) dans des concentrations classiques.
AP2E
Les débitmètres à ultrasons calculent le taux de CH4
Passons rapidement sur les sondes et transmetteurs de température, de pression, de niveau, de pH, etc. pour lesquels il faut surtout porter une attention particulière à la compatibilité matière. « Le H 2 Snepose pas de problème de mesure mais de qualité. Ce gaz très corrosif impose que toutes les surfaces en contact avec le biogaz (conduites, capteurs, etc.) soient en acier inoxydable 316L ou en Hastelloy C-276, même à des concentrations de l'ordre 50 ppm », indique David Cohen (Engineering Mesures). « Les cellules céramiques mises en œuvre pour la mesure de pression sont à proscrire en méthanisation en raison de la migration du sulfure d'hydrogène dans la membrane et les joints. Il est préférable d'utiliser des cellules métalliques avec membrane en acier inoxydable 316L et extrêmement bien soudée », ajoute Sébastien Brossard (Endress+Hauser France).
Certains fabricants et distributeurs proposent toute une gamme d'appareils pour l'analyse du biogaz. On retrouve des analyseurs à poste fixe, des modèles portables, mais aussi des détecteurs pour la sécurité des installations et des personnes.
Gestech Regardons maintenant de plus près la mesure de débit. Compte tenu des différentes contraintes liées au biogaz, il n'existe pas de technologie «universelle» pour cette grandeur physique. «Avec un débitmètre à tube de Pitot, le biogaz va boucher le capteur (le biogaz est un gaz sale) et n'oublions pas qu'une vitesse d'écoulement minimum (2,5 à 3 m/s) est requise » , explique Francis-Claude Héraut (TH Industrie). Comme il est également chargé de condensats, à savoir des résidus sous forme de gouttelettes (gaz humide sans condensation), il faut par ailleurs éliminer le débitmètre massique à dispersion thermique de la liste des technologies adaptées au biogaz. Et le fonctionnement d'une unité de méthanisation sous une pression très faible ne permet pas d'utiliser des débitmètres à organe déprimogène.
Mais alors quelle(s) technologie(s) est-il possible de mettre en œuvre? « Parmi les différentes technologies que nous proposons, nous en préconisons deux : les débitmètres à effetVortex,qui couvrent parfaitement les applications de gaz, et les débitmètres à ultrasons. Un débitmètre à effet Vortex compensé en pression et en température permet d'obtenir des valeurs normées », rappelle Patrick Bret, responsable produits chez Krohne France. Les débitmètres à ultrasons présentent d'autres avantages : absence d'éléments à l'intérieur de la conduite donc pas de perte de charges, insensibilité des capteurs à la condensation et à la corrosion, sondes sensibles aux (très) faibles débits par rapport à la technologie massique thermique. « Il y a moins de deux ans, Endress+Hauser et Krohne ont fait une grande avancée dans le domaine de la débitmétrie à ultrasons. Si l'on ne savait pas jusque-là mesurer un gaz dont le taux dépassait 15 %, leur nouveau modèle est capable de mesurer un débit et,grâce à la vitesse de propagation du son, de déterminer le taux de méthane », explique David Cohen (Engineering Mesures).
Même si la réinjection du biométhane dans le réseau de GrDF est encore très rare, les différents acteurs signalent qu'il n'y a actuellement pas sur le marché de débitmètres certifiés pour les transactions commerciales, parce qu'aucune norme n'existe. « Il se pose là un problème très sérieux et pas encore clarifié : comment faire pour prouver aux Diren [Directions régionales de l'environnement, NDLR] ,l'organisme qui subventionne les entreprises valorisant le biogaz, que 75 % ou plus de ce dernier produit est bien utilisé d'une manière énergétiquement acceptable,sans instruments conformes aux transactions commerciales ? », s'interroge David Cohen (Engineering Mesures).Afin d'éviter que les Diren acceptent tel cas et refuse tel autre, les fournisseurs essaient, dans la mesure du possible, de communiquer le maximum d'informations aux Diren.
« La différence se fait sur la mesure de H2 S»
A côté des débitmètres et autres transmetteurs en sortie de digesteurs se trouvent par ailleurs des analyseurs de gaz en ligne, afin de s'assurer de la qualité du biogaz avant et après les différentes opérations de traitement. « Les demandes en analyse de biogaz sont similaires à celles que l'on rencontre dans les autres applications industrielles. Il s'agit de mesurer le méthane, le CO2 ,leO 2 et le H2 Sdans des concentrations classiques, avec des appareils à poste fixe, parfois certifiés, pour les procédés mais aussi des versions portables (plus détecteur que mesureur). Nous proposons des analyseurs fixes sans certification, qui n'est souvent pas nécessaire, pour réduire les coûts. En général, tous les fabricants savent mesurer les trois premiers gaz, la différence se faisant surtout sur celle du H2 S», explique Damien Quenel (Néréides). La teneur en sulfure d'hydrogène dépend vraiment du site, à savoir le type de substrat, la réinjection du bio-méthane dans le réseau de GrDF (obligation d'une très haute qualité, d'où l'utilisation d'un chromatographe en phase gazeuse).
En général, tous les fabricants d'analyseurs savent mesurer le méthane, le CO2 et le O2 .Ladifférence se fait surtout sur la mesure du sulfure d'hydrogène (H2 S), qui est un gaz corrosif et impose donc de nombreuses précautions…
GEIT « La concentration en H2 Speut en effet descendre très bas (moins de 200 ppm) pour protéger le moteur de cogénération ou la torche, voire dépasser allègrement les 10 000 ppm », indique Benoît Carret, chargé d'affaires pour l'Est de la France chez Elcowa. Il faut évidemment, là encore, bien penser à la compatibilité matière. « Faire attention à la compatibilité des matériaux de la cellule de mesure du H 2 Sest une chose, mais veiller à ce que l'ensemble de l'analyseur soit conçu pour résister à ce gaz corrosif en est une autre. Il peut très bien se retrouver dans les autres cellules de mesure, les raccords, etc.», ajoute Sébastien Crozet (Emerson Process Management France). Et, parfois même, la faisabilité de la solution d'analyse peut être remise en question, en raison de la combinaison de plusieurs contraintes (notamment une forte présence d'humide qui peut poser des problèmes de condensation).
« Les composés à mesurer étant dans le domaine du classique,la difficulté est la concentration des gaz en jeu. Il faut donc aussi disposer de l'analyseur capable de traiter les interférents ! » , confirme Stéphane Mabecque (Sick France).Ce qui fait dire à Eric Gruter (Gruter & Marchand): « Des fabricants d'instruments se sont intéressés au marché de l'analyse du biogaz, compte tenu du nombre croissant de demandes. Mais certains s'y sont lancés comme sur le secteur du traitement des fumées, sans forcément disposer des compétences ad hoc, d'où des désillusions.» En plus de ces mesures en continu, il ne faut pas oublier que certains paramètres requièrent des mesures plus poussées, tels les siloxanes, d'où le recours à des prélèvements et des analyseurs périodiques en laboratoire.
Revenons à la mesure des principaux gaz composant le biogaz. « Pour assurer le suivi continu des quatre paramètres clés, différentes technologies de mesure sont mises en œuvre : une méthode infrarouge pour le CH4 et le CO2 sur une étendue de mesure de 0-100 % et des cellules électrochimiques pour le O2 (0-20 %) et le H2 S(0-50 à 0-10 000 ppm) » , explique Daniel Guez (Equipements scientifiques). « On trouve bien plus souvent des analyseurs NDIR [infrarouges non dispersifs, NDLR] à double faisceau que des modèles laser pour la mesure du méthane », précise Damien Quenel (Néréides). Et Christian Wasmer (Elcowa) d'ajouter encore: « En ce qui concerne la mesure de O 2 ,ilest possible d'utiliser une cellule paramagnétique et, pour la mesure de H2 S, deux canaux sont bien souvent pratiques pour suivre les teneurs en sortie du méthaniseur et après le passage dans le filtre à charbons actifs (unité de désulfurisation).»
Une maintenance réduite à une fois l'an
D'aucuns diront que les cellules électrochimiques présentent un point faible, qui peut être rédhibitoire en présence de fortes teneurs. « Les cellules électrochimiques affichent de bons résultats en laboratoire,mais elles imposent un remplacement au moins deux à trois fois par an. Avec notre technologie laser OFCEAS [ Optical Feedback Cavity Enhanced Absorption Spectroscopy, NDLR] couplée à un travail en basse pression (moins de 100 mbar) – avec des débits 25 à 30 fois plus petits, la durée de vie des filtres et des autres accessoires est grandement accrue –, la mise en place d'une maintenance préventive n'est nécessaire que seulement une fois l'an,voire tous les deux ans », affirme Lucien Lonigro, directeur R&D pour la technologie amont d'AP2E.
Bien souvent par manque de compétences des utilisateurs notamment, les fabricants doivent concevoir des analyseurs de biogaz dont la maintenance est très simple et réduite au maximum (une fois l'an). Le BioBasic, par exemple, repose sur un brevet unique permettant de fournir des cellules ne nécessitant pas de réétalonnage périodique obligatoire.
Fresenius Un analyseur de biogaz met en œuvre plusieurs technologies de mesure : une méthode infrarouge non dispersive (NDIR) ou laser pour le méthane et le CO2, une cellule électrochimique ou paramagnétique pour le O2 et une cellule électrochimique pour le H2 S.
Ados Emerson Process Management a opté pour une autre réponse, à savoir une cellule électrochimique qui a besoin de dioxygène et d'un peu d'humidité. « En la régénérant avec de l'air un peu humide via un système et une routine automatisés,la cellule ne dérivait plus dans le temps, voire ne meure plus prématurément, comme avant. Nous obtenons ainsi une durée de vie plus longue et donc une maintenance réduite » , indique Sébastien Crozet. Si la tendance se fait de plus en plus forte ces dernières années dans l'in-strie, le manque de connaissance de la part des personnels est tout particulièrement prégnant sur le marché du biogaz. « Il y a effectivement une très grande baisse des compétences, et nous sommes désormais face à des personnes qui ne connaissent rien à l'instrumentation », constate malheureusement Francis-Claude Héraut (TH Industrie). « Mais le métier des agriculteurs est de faire pousser des vaches », rappelle Romuald Brienne (Krohne France). C'est ainsi que les fabricants ont développé des appareils dédiés aux applications de biogaz les plus autonomes possibles. Ce qui se traduit par une maintenance réduite au maximum mais aussi par des solutions clés en main et d'autres fonctionnalités. « Les utilisateurs de nos analyseurs peuvent suivre à distance leur unité de méthanisation, en ayant toutes les informations pertinentes sur leur smartphone par exemple. S'ils constatent l'augmentation du taux de H 2 O, c'est fort probable que le sécheur soit tombé en panne », explique Frédéric Lembert, Pdg d'AP2E. Les entreprises ayant fait le choix du biogaz, que ce soit les utilisateurs finaux, les fabricants de méthaniseurs, etc., ont à leur disposition
les moyens de me-sure et d'analyse nécessaires à leurs besoins, même si le marché est dominé par des fabricants allemands (AP2E est l'exception qui confirme la règle).
Ce sont surtout les moyennes et grosses unités de méthanisation qui sont les installations les plus instrumentées. Mais la croissance du marché se fait surtout grâce à la multiplication des unités à la ferme, ce qui s'accompagne d'une sensibilisation aiguë des exploitants aux aspects de mesure.
Emerson Process Management Plus généralement, il reste encore quelques progrès à faire en France, notamment avec un nombre plus important de constructeurs nationaux de digesteurs et des différents périphériques. « Nous essayons de développer une filière française du biogaz et ainsi de ne plus dépendre des technologies et des fabricants allemands » , indique René Moletta (Club BiogazATEE). «A l'avenir, si la France suit le chemin de l'Allemagne, nous aurons une multiplication des usines de méthanisation » , espère Daniel Guez (Equipements scientifiques).Tous es acteurs ont de bons espoirs que l'État français se rende compte de l'importance des énergies renouvelables pour l'environnement…
(1) http: //agriculture.gouv.fr/Volet-methanisationQuestions#6
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