L'essentiel
Dans les applications mettant en œuvre de hautes températures ou celles où une mesure en contact est impossible, les solutions infrarouges sans contact sont la solution. Si la sidérurgie et la verrerie sont des marchés historiques, d'autres secteurs industriels s'y intéressent de plus en plus aujourd'hui. A côté des pyromètres à poste fixe et des scanners, les caméras thermographiques deviennent une alternative intéressante. De par le principe de mesure, les utilisateurs doivent vraiment se poser les bonnes questions afin de sélectionner la solution la mieux adaptée àleurs applications. |
Dans les applications industrielles, quelles qu'elles soient d'ailleurs (sidérurgie et métallurgie, agroalimentaire, pétrole et gaz, pharmaceutique, manufacturier…), la grandeur physique la plus souvent surveillée et contrôlée reste la température (voir Mesures n° 835) . On pense évidemment à la multitude de Pt100, de thermocouples et d'autres types de sondes de température installés dans des procédés, montés sur des engins de terrain, etc. Mais la mesure detempérature va bien au-delà de ces applications en « contact » ; il faut également prendre en compte les mesures réalisées à distance, ou sans contact, par l'intermédiaire de pyromètres, de caméras thermographiques. Comme ces appareils existent en versions portables et à poste fixe, avec des applications bien différentes dans un cas et dans l'autre, nous nous intéresserons dans cet article aux systèmes de mesure de la température sans contact à poste fixe uniquement.
D'aucuns pourraient s'interroger sur l'intérêt de mettre en œuvre des mesures de température sans contact. Imaginez simplement un haut-fourneau, à savoir un four à combustion interne servant à la fabrication de la fonte à partir du minerai de fer. Les températures en jeu peuvent allègrement atteindre les +1 500 °C, voire monter jusqu'à +2000°C. Essayez de connaître la température qui règne au cœur du four au moyen de thermocouples qu'il faudrait coller puis raccorder… La même question se pose pour s'assurer de la bonne température au cours des différentes étapes de la fabrication de tôles ou de verre par laminage. Ce ne sont là que deux exemples typiques des pyromètres à poste fixe industriels, où l'on reconnaît les secteurs historiques de la sidérurgie et la verrerie.
Comme on le verra plus loin, ce marché de niche, comparé à celui de la mesuredetempérature globale, affiche une certaine effervescence. En plus de l'introduction de nombreuses nouvelles séries et/ou modèles supplémentaires –on ne compte pas moins d'une dizaine de produits ces deux,trois der-nières années–,le secteur s'est surtout distingué par le rythme effréné des acquisitions et créations de sociétés.Remontons par exemple en août 2002: c'est le mois où le conglomé-rataméricain Danaher a racheté son compatriote Raytek pour un montant de 75 millions de dollars (M$).Cinq ans plus tard,c'est au tour d'Ircon de rejoindre Raytek au sein du groupe américain Fluke (racheté par Danaher en 2003 pour un montant de 625M$).
Un marché français en légère progression
Entre-temps, le fabricant allemand Optris a vu le jour en 2003 et l'américain LumaSense Technologies a lui aussi étoffé considérablement son portefeuille.
Depuis 2005, la société a en effet mis la main sur Impac Infrared, Mikron Infrared en 2007 pour un montant de 65M$, puis sur Opsens en septembre 2010 et enfin, en 2011, sur le californien InfraredVision Technology Corporation (ITC) en mars auprès de L-3 Communications, et sur le louisianais Reliability Point en novembre. Enfin, le groupe américain Ametek a racheté en juin 2006 à 3i le britannique Land Instruments, et le groupe français Asgard a repris en mai 2010 le milanais Eurotron, dont l'offre est venue compléter celle d'AOIP. «A la suite des différentes fusions de sociétés sont apparus de nouveaux acteurs. Mais de nombreux fabricants de pyromètres à poste fixe ne sont toutefois pas présents en France» , souligne Pierre Maguérès, directeur marketing d'AOIP. Pour chercher des raisons qui expliqueraient ce qui aiguise l'appétit de tous ces acteurs, intéressons-nous aux résultats d'une étude publiée fin juin par le cabinet d'analyses texan MarketsandMarkets.
Dans la panoplie des technologies de mesure de température, les industriels ont à leur disposition la méthode de mesure infrarouge sans contact. Les applications visées sont surtout celles mettant en œuvre de hautes températures ou alors celles où il est impossible d'installer des thermocouples ou d'autres capteurs de température.
ifm electronic D Cette étude, intitulée « Thermocouples and High End Optical Pyrometer Market », estime que le marché mondial des pyromètres optiques atteindrait 238,7M$ en 2020, soit un taux de croissance annuel moyen (CAGR) de 13,81% entre 2014 et 2020. Pour le cabinet d'analyses,les marchés des thermocouples et pyromètres optiques haut de gamme représentent un grand potentiel dans de nombreuses applications et dans toutes les zones géographiques (l'Amérique du Nord et l'Europe étant les plus grands marchés et l'Asie-Pacifique la région avec la plus forte croissance). Si celui des thermocouples est stable, le marché des pyromètres a un potentiel bien plus grand, grâce à la demande en automatisation continue des procédés industriels. L'importance accrue des aspects de sécurité et de qualité dans les autres secteurs est également à l'origine de la croissance des pyromètres, et aussi de thermocouples. MarketsandMarkets a par ailleurs relevé que le développement de nouveaux produits est devenu la principale stratégie de croissance pour les grands acteurs d'un marché très attractif pour de nouveaux entrants.
Si l'on se concentre sur le marché français, la plupart des personnes s'accordent sur le point suivant: «Le marché des pyromètres à poste fixe est en légère croissance,même si la conjoncture n'est actuellement pas très bonne en France, constateAlain Nicouleau, directeur des ventes régional chez Ircon et Raytek. Comme la durée de vie de ce type d'appareils est de l'ordre de dix ans voire quinze ou vingt ans, il s'agit principalement d'un marché de renouvellement. La croissance se fait également grâce à quelques niches plus “modernes”.» Pour Luc Lagorce, directeur des ventes grand Sud Europe d'Optris, «c'est un marché en croissance pour une raison simple : il y a douze ans, la société n'existait pas. Et nous ne prenons pas vraiment de parts de marché à nos concurrents du fait de l'augmentation de la taille du marché (applications émergentes, comme la fibre de carbone et autres nouvelles technologies,où le besoin de pyromètres à poste fixe n'existait pas jusque-là)».
Grâce aux mesures de température sans contact, les industriels peuvent mieux maîtriser leurs procédés et in fine le niveau de qualité des produits, sans compter l'obtention d'un gain de productivité et de substantielles économies énergétiques.
Process Sensors Une autre raison avancée par Luc Lagorce pour cette pénétration du marché tient dans l'introduction par sa société d'une offre de pyromètres à poste fixe plus économiques, ce qui s'inscrit logiquement dans un contexte où les prix deviennent un critère (très) important. «Il s'agit par ailleurs d'un marché, certes relativement stable, mais très parcellaire. Certains fabricants sont plutôt orientés vers des produits économiques pour les“basses”températures,d'autres vers les secteurs du plastique, de l'énergie, etc. Et d'autres encore,comme Land Instruments,sont surtout présents sur la verrerie et la sidérurgie,notamment les constructeurs d'équipements,avec des appareils à très forte valeur ajoutée (des solutions techniques et non de simples produits)», constate Philippe Kerbois, directeur des ventes de la division Land Instruments d'Ametek France. L'une de ses craintes concernant la stagnation du marché est la baisse des prix avec de surcroît des constructeurs qui font tout et n'importe quoi. Le marché mondial est surtout tiré par les utilisateurs finaux chinois présents dans l'acier et le verre, qui investissent beaucoup. Mais c'est l'arbre qui cache la forêt…
Ce sont depuis très longtemps les secteurs de la sidérurgie et de la verrerie qui mettent en œuvre des pyromètres à poste fixe. Mais d'autres marchés s'y intéressent de plus en plus, comme celui de l'agroalimentaire…
Heitronics
«Les caméras thermiques se démocratisent »
Le marché de la mesure de température sans contact a par ailleurs connu une autre évolu-tion significative. Même si quelques fabricants en proposent depuis des années,on voit de plus en plus de caméras thermographiques installées à demeure sur les sites industriels… mais uniquement dans certains secteurs ou pour des applications bien précises. «Nous constatons une migration vers les caméras thermiques, qu'elles soient portables ou à poste fixe. Ce sont en effet des solutions qui se sont pérennisées et démocratisées au détriment des pyromètres», avance Pierre Maguérès (AOIP). Ce basculement de marché trouve une explication dans la croissance du marché des caméras, qui a notamment permis de réduire les coûts des matrices et donc de pouvoir proposer des modèles à poste fixe. «On peut faire le parallèle avec ce qui s'est passé dans le monde du PC: les personnes possédaient auparavant un seul PC chez eux et,maintenant,chacun dispose de plusieurs appareils (PC, tablette, smartphone…), d'où l'apparition d'usages différents» ,indique Luc Lagorce (Optris). A l'appui de ce constat, on peut citer l'en-quête, publiée mi-juillet 2014 par le cabinet d'analyses new-yorkaisTransparency Market Research et qui porte sur le marché mondial de l'imagerie thermique.Entre 2012 et 2019, il devrait passer de 3,1925 milliards à 6,0988 milliards de dollars, soit un CAGR de 9,76% entre 2013 et 2019. Cette croissance est tirée par l'émergence de nouvelles applications et la pénétration en hausse des caméras thermiques dans l'industriel, pour la surveillance des procédés de fabrication et la recherche de points chauds dans les installations mécaniques et électriques, et le com-merce.A noter dans cette étude que les applications de surveillance et de sécurité et celles de suivi et de maintenance, des applications jugées prometteuses,représentaient toutes les deux 44,7% du chiffre d'affaires en 2012.
« En plus du suivi de procédés, tels le laminage de plaques dans une aciérie, les poches de coulée pour contrôler qu'elles ne se percent pas en fonderie, qui sont des applications assez spécifiques et complexes à mettre en œuvre,les applications des caméras thermiques sont également la surveillance de sécurité incendie à proximité d'un four d'incinération, sur un centre d'enfouissement, en fait partout où des matières auto-inflammables sont stockées », explique Jérôme Toullelan, directeur technique et responsable automation et formation de France Infra Rouge, représentant en France de l'américain Flir Systems pour ces secteurs.
Pour Thierry Lorioux, gérant de Mesure, Process-Control (MPC), distributeur en France du japonais Chino, « les caméras de thermographie n'ont pas remplacé en grand nombre les pyromètres à poste fixe sur les procédés de l'industrie lourde. Ce sont principalement des caméras portables que l'on retrouve, les écrans et les domaines spectraux d'analyse (8 à 14 µm) ne se prêtant pas facilement à une utilisation à demeure dans les conditions d'exploitation industrielle. Le stockage des données et la retransmission d'un signal standard, fiable et reproductible, sont un second écueil à cette technologie. Les pyromètres en technologie 2 fils constituent, à mon avis, une bien meilleure réponse en agroalimentaire, par exemple ».
Pyromètre monochromatique ou bichromatique ?
Entrons maintenant un peu plus dans les aspects techniques des pyromètres à poste fixe. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec la mesure de température sans contact, rappelons que le principe de fonctionnement est le suivant : un capteur infrarouge détecte l'énergie émise par un objet et concentre cette énergie sur un ou plusieurs capteurs photosensibles. Le détecteur convertit ensuite l'énergie infrarouge en un signal électrique, lui-même transformé en une valeur de température selon une courbe d'étalonnage et le réglage de l'émissivité (voir Mesures n° 742) . « C'est ce qui se passe avec un pyromètre monochromatique, c'est-à-dire fonctionnant à une seule longueur d'onde. Dans le cas d'un pyromètre bichromatique (deux longueurs d'onde distinctes), l'appareil mesure le rapport des deux énergies correspondant à chaque longueur d'onde puis détermine l'équivalent de la température de l'objet (surface moyenne) », explique Alain Nicouleau (Ircon et Raytek).
Parmi les avantages, un pyromètre bichromatique permet de s'affranchir des phénomènes que l'utilisateur ne maîtrise pas ou peu, tels que l'émissivité e, la présence de salissures, la réduction du champ de visée, etc., sans pour autant être plus précis. « Les deux principaux ajouts d'un pyromètre bichromatique sont les mesures sur de petites cibles et à travers un hublot dont les caractéristiques fluctuent dans le temps (altération ou dégradation d'un transfert optique). Il n'est en effet pas obligé que la cible remplisse intégralement le champ optique de la source émise, contrairement à un pyromètre monochromatique », ajouteThierry Lorioux (MPC). C'est ainsi que l'on arrive parfois à des résultats aberrants, que ce soit avec des appareils à poste fixe et surtout portables, lorsque le rapport entre la distance à la cible «D» et le diamètre de la cible «d» est au moins égal à 2: 1.Pour prendre une analogie routière, c'est comme si l'on cherchait à mesurer la température du trait blanc (cible avec une température chaude) d'un panneau «Sens interdit» alors que l'appareil fait la moyenne des températures sur toute la surface du panneau (la cible chaude et l'environnement proche dont la température est bien plus faible).
Domaine spectral selon le type d'application
Source : Heitronics (Leruste & Cie) |
Land Instruments a par exemple développé pour les systèmes 5 SPOT (voir Mesures n°863) un mode auto-adaptatif, à savoir des algorithmes spécifiques permettant de réaliser, sur certaines applications, la mesure de la température et celle de l'émissivité dans le même appareil. «Tout cela ne sert pas à grandchose pour les fabricants de fours car ces derniers ont développé leurs propres algorithmes, fruits de dizaines d'années d'expérience,et non ceux du fabricant de pyromètres. Comme ils maîtrisent parfaitement leur process, la meilleure solution pour eux reste la pyrométrie monochromatique », fait néanmoins remarquer Philippe Kerbois (Land Instruments). En règle générale, il est difficile de mesurer les «basses» températures, à savoir en dessous de +500°C, même si on peut descendre jusqu'à - 50°C avec un modèle monochromatique.
« Les utilisateurs ont l'impression que les modèles bichromatiques sont la panacée car ils permettent de s'affranchir de l'émissivité.Mais,à y regarder de plus près, on se rend compte que cette méthode pose des problèmes au niveau du calcul d'erreur », affirme Thierry Lorioux (MPC). Le facteur (l2 - l1) est certes lié aux deux longueurs d'onde mais il se trouve au dénominateur. On comprend donc aisément que ce facteur sera d'autant plus pénalisant pour l'incertitude et la précision de mesures que l'écart sera faible. « Même si les mesures de température sans contact sont tributaires de l'émissivité, par bonheur, les industriels s'intéressent plus à la reproductibilité de la mesure qu'à sa justesse. D'autant qu'un pyromètre voit aussi l'énergie,la luminescence,issue des parois,de la sole, de la voûte,du réfractaire du four,l'ensemble venant s'ajouter alors à l'énergie de la cible », poursuit-il. Un dernier point à préciser concernant les spécifications techniques d'un pyromètre : selon la loi de Planck, qui dit haute température dit longueur d'onde courte, 1 µm ou moins c'est-à-dire le très proche infrarouge (voir tableau page 45) . On a ainsi toujours intérêt à travailler aux longueurs d'onde les plus courtes avec un pyromètre monochromatique.
Il existe une grande variété de pyromètres à poste fixe, de par leur taille (qui tend à se réduire), leurs performances, la présence d'une visée laser intégrée, d'un afficheur intégré ou déporté, la conformité à des agréments (IP65, IP69K, Atex, IECEx, sécurité intrinsèque, etc.).
Optex Calex Electronics Land Instruments LumaSenseTechnologies Optris
Mesures ponctuelles, de profils ou images 2D ?
Lorsqu'un utilisateur veut connaître la température d'une cible fixe d'une taille de quelques millimètres (mesure ponctuelle) dans le but bien souvent de réguler le procédé, un pyromètre à poste fixe, qu'il soit mono, bi ou même multichromatique, est la solution la plus évidente. «Avec un produit qui défile (du verre, un matériau sur bande…), un scanner permet de balayer un même point à une certaine fréquence (150 Hz par exemple), d'obtenir une image thermique XY, voire en 3D, et ainsi de déterminer les points chauds », explique Alain Nicouleau (Ircon et Raytek). En revanche, même s'il permet de se substituer à deux ou trois pyromètres pour mesurer le profil entier d'un produit (une bande de plusieurs mètres de large ou un pare-brise, depuis sa sortie d'un four jusqu'à la trempe, par exemple), un scanner reste bien plus cher qu'un pyromètre (jusqu'à cinq fois plus), ce qui explique le nombre sans commune mesure de pyromètres installés comparé à celui de scanners.
Horib a Williamson
Sans aller jusqu'à dire que les scanners sont plutôt tombés en désuétude, il faut avouer que la grande majorité des fournisseurs ont surtout parlé de caméras thermographiques. « Contrairement à un pyromètre, chaque pixel de la matrice d'une caméra représente autant de points de mesure différents. Il suffit de sélectionner les points et/ou les zones voulues pour déterminer la température », explique Jérôme Toullelan (France Infra Rouge). Une caméra permet ainsi d'obtenir le profil de température de bandes et, par la même occasion, des informations de planéité. « Les utilisateurs peuvent alors suivre l'étape de refroidissement pour améliorer la planéité et in fine le niveau de qualité des produits », ajoute Philippe Kerbois (Land Instruments). Ce que confirme Alain Nicouleau (Ircon et Raytek) d'une manière plus générale : « L'industriel peut non seulement améliorer la qualité de ses produits, mais aussi réaliser un gain de productivité et de substantielles économies énergétiques (si on évite de chauffer un four à outrance).» Mais toutes les caméras thermographiques ne se valent pas lorsqu'il faut répondre aux contraintes des applications de mesure de température sur des fours industriels ou de sécurité incendie. « On retrouve des modèles dotés de détecteurs, des technologies et des objectifs identiques à ceux des autres caméras du marché. Mais ils n'intègrent pas d'écran, donc ni fonctions ni configuration locales.Ils prennent seuls leur décision, d'où la présence d'une intelligence, d'une sortie numérique et/ou d'un serveur » , rappelle Jérôme Toullelan (France Infra Rouge). Philippe Kerbois (Land Instruments) relève toutefois la différence de prix entre caméras et pyromètres. « C'est le budget du client qui est souvent la limite. Le prix d'un pyromètre est en effet de l'ordre de 4 000 euros (une solution monopoint suffisante dans un four) ; celui d'une caméra peut atteindre 30 000 euros.»
Pour Luc Lagorce (Optris), cette situation évolue : « Nous proposons maintenant des caméras dont le prix débute vers 2 000 euros (celui d'un pyromètre) et qui fournissent ainsi beaucoup plus d'informations pour le même prix. Il s'agit d'un coût raisonnable et accepté par les clients, d'où la différence entre les courbes de vente des pyromètres (qui descendent) et celles des caméras (qui montent) qui tend à se réduire.C'est ce qui explique aussi que nous avons beaucoup investi ces dernières années car notre offre actuelle n'existait pas il y a encore deux ans.» En parallèle de la réduction des prix, les fabricants ont notamment porté leur attention sur la compacité, à l'image des pyromètres CSmicro et de s caméras PI d'Optris, du pyromètre MI3 de Raytrek.
L'association de fibres optiques à un pyromètre à poste fixe apporte plusieurs atouts : déporter l'électronique pour l'éloigner de hautes températures ambiantes, s'affranchir des contraintes d'un endroit exigu, difficile ou impossible d'accès, etc.
Keller MSR
Vers des appareils plus compacts et plus «intelligents »
« Nous proposions depuis plus de dix ans la gamme OW5xxx de capteurs infrarouges pour la sidérurgie, fabriquée par notre filiale suédoise.Même si ces appareils ont évolué ces dernières années, ils restent toutefois lourds et très volumineux. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes orientés vers des capteurs compacts,en lançant en 2013 les modèlesTW7xxxx, pour remplacer les OW, et cette année la série TW2xxx. Il s'agissait également de développer des produits plus techniques,de grande précision (0,3 % ou 4 K) et coûtant moitié moins cher que les produits concurrents », rappelle Edil Alvarez, chef produits chez ifm electronic France. La compacité, comme la fiabilité et la robustesse, peut être un avantage indéniable dans des applications de robotique, un exemple d'ouverture parmi d'autres vers les marchés OEM permise par la baisse des prix. Autre évolution technique constatée ces dernières années, les pyromètres à poste fixe deviennent plus «intelligents». « S'il n'y a pas de réelles évolutions du point de vue technologique, nous sommes partis sur des solutions de communication. Que ce soit pour une utilisation déportée, pour pouvoir se connecter à un PC portable ou encore pour la mise en réseau de plusieurs pyromètres à poste fixe,avec visualisation centralisée sur un indicateur », annonce Pierre Maguérès (AOIP). Les utilisateurs ont ainsi à leur disposition des sorties analogiques 4-20 mA, 0-10V, des interfaces RS-485 (protocole Modbus) ou USB, voire Ethernet, Profibus DP ou Profinet dans quelques rares appareils. Alain Nicouleau (Ircon et Raytek) a identifié d'autres évolutions: « Les clients nous demandent de plus en plus souvent des pyromètres polyvalents, en termes de grandes étendues de mesure, de longueurs d'onde courtes, de visée laser et de vidéos (surtout dans le nucléaire) intégrées, etc. Ces deux fonctionnalités assurent à l'utilisateur de couvrir parfaitement la cible, qui peut être un fil de quelques millimètres de diamètre, ou d'avoir une image d'une cible en mouvement. Et n'oublions pas les fibres optiques qui sont aussi bien appréciées en sidérurgie pour déporter l'électronique de la tête de mesure à une distance de 6 à 22 mètres.»
Micro-Epsilon
Grâce notamment à la réduction du prix des matrices, les caméras thermographiques à poste fixe deviennent désormais des solutions qui se sont pérennisées et démocratisées au détriment des pyromètres… dans certaines applications.
Flir Systems Compte tenu de ce que l'on vient de voir, la mesure infrarouge de température sans contact impose aux utilisateurs de prendre de nombreuses précautions. « La première question à se poser est de savoir si l'application se trouve dans un endroit exigu, difficile ou impossible d'accès (ou pour contourner un obstacle), ou s'il n'y a pas moyen de refroidir la tête de mesure. Si c'est le cas,la fibre optique s'impose.Sinon,le choix du pyromètre à poste fixe dépend évidemment de la température à mesurer », explique Edil Alvarez (ifm electronic France). On trouve sur le marché des modèles dont l'étendue de mesure commence à - 50°C et d'autres qui peuvent monter jusqu'à +2 500 °C, +3 000 °C, voire +3 500 °C… Rappelons que, plus la température à contrôler est élevée, plus la longueur d'onde doit être petite (1 µm voire 0,7 µm) pour une précision accrue.
Si le matériau ne s'y prête pas, aucune solution n'est possible
Et, assez souvent, l'application peut se révéler plus compliquée qu'elle ne paraît : « Mesurer la température d'un liquide dans une bouteille est l'exemple type de l'application piège du contenu/contenant.Il faut bien sélectionner la longueur d'onde correspondant au contenu et non celle du contenant », ajoute-t-il. Ou encore il faut réaliser la mesure de température à travers un hublot, un modèle bichromatique est alors mieux adapté… La cible, c'est-à-dire l'objet ou le produit dont on veut connaître la température, joue en effet un rôle très important dans la sélection des spécifications d'un pyromètre à poste fixe. « Il s'agit aussi bien du matériau de la cible – la mesure sur de l'acier inoxydable est très difficile en raison notamment des multiples réflexions –, de ses dimensions, de sa distance avec le pyromètre. Nous soumettons à nos clients un questionnaire qui permet dès le début de confirmer la faisabilité, ou non, de la solution, d'orienter vers un pyromètre portable ou à poste fixe et enfin d'identifier ce que veut faire l'utilisateur de la mesure : veut-il la visualiser, lui appliquer un traitement temps réel ou a posteriori,etc.? », explique Pierre Maguérès (AOIP).
En ce qui concerne la distance entre la cible et le pyromètre à poste fixe, il faut veiller à la valeur donnée par le fabricant pour le ratio entre la distance à la cible et son diamètre(ou cône de visée). Par exemple, une optique 2: 1 permet d'obtenir un diamètre de 60mm à une distance de 120mm, et il existe des optiques de 15: 1, 30: 1, 100: 1, 200: 1… et également des optiques créant des cônes non linéaires. «Il faut donc jongler avec la technologie, les lentilles et s'obliger à une certaine précision d'installation pour satisfaire aux exigences de qualité de la mesure et donc du produit.Mais il existe diverses fonctionnalités,telles que la visée laser, la caméra vidéo,qui aident les utilisateurs dans la réussite de nombreux réglages préalables à effectuer », poursuit-il. N'oublions pas que, avec un pyromètre monochromatique, une bonne mesure n'est possible que si le champ optique remplit entièrement la cible.
Les pyromètres à poste fixe deviennent plus « intelligents » et cela se traduit, entre autres, par l'ajout de communication pour une utilisation déportée, pour pouvoir se connecter à un PC portable ou encore pour la mise en réseau de plusieurs pyromètres à poste fixe.
Raytek En plus des différentes fonctionnalités disponibles dans les pyromètres à poste fixe, les fabricants proposent également une panoplie d'accessoires pour répondre au plus grand nombre d'applications possibles. « On trouve des accessoires pour refroidir le capteur,pour le soufflage des particules en suspension, pour orienter le rayonnement infrarouge, pour contourner la difficulté de connaître l'émissivité de l'objet», indique EdilAlvarez (ifm electronic France). Il existe des abaques pour régler de manière très précise l'émissivité, si l'on connaît la température de la cible. Dans le cas contraire, les utilisateurs disposent d'astuces comme des étiquettes (thermo-éléments) à émissivité connue collées sur la cible ou encore des capteurs de température (mesure en contact). Pour Jérôme Toullelan (France Infra Rouge), « le problème d'une caméra thermique est la présence d'une focale fixe, d'où l'obligation d'installer plusieurs caméras afin de disposer d'objectifs différents.Etnesous-esti-mons pas non plus la conformité à la réglementation Atex [Atmosphères explosibles] et à d'autres certifications, ainsi que le choix d'un bon prestataire – nous commençons d'ailleurs à voir arriver sur le marché des caméras chinoises qui ne sont pas adaptées à la surveillance incendie ».
Des projets pour l'étalonnage aux très hautes températures
Un dernier critère à prendre en compte lors de l'achat d'un pyromètre infrarouge est son étalonnage. Si certains modèles intègrent un système d'autodiagnostic, ce sont des appareils de mesure comme les autres qui doivent être vérifiés et étalonnés régulièrement. Raytek propose par exemple, en plus de la surveillance des températures interne et externe du pyromètre, un système d'étalonnage interne qui envoie un courant, identifie une éventuelle dérive, la corrige ou alerte l'opérateur.Tout se fait en quelques secondes et l'appareil gèle la dernière valeur durant le cycle d'étalonnage/ vérification pour ne pas perturber le procédé. «Un appareil bien entretenu ne dérive normalement pas ou très peu dans le temps. La première question que nous posons au client est plutôt: est-ce que le pyromètre a été utilisé correctement ? », constate Luc Lagorce (Optris).
Parmi les bonnes questions à se poser lors de l'achat d'un pyromètre à poste fixe, celle des moyens d'étalonnage, qu'il ne faut pas sous-estimer, en particulier dans les très hautes températures (au-delà de +2 000 °C).
Eurotron Quelques fabricants disposent de leur propre laboratoire d'étalonnage, et les utilisateurs peuvent aussi se tourner vers le Laboratoire national de métrologie et d'essais (LNE) en France pour faire étalonner leurs appareils. «Si l'offre en pyromètres à poste fixe répond aux besoins industriels même dans les hautes températures, c'est plus compliqué de trouver des moyens d'étalonnage jusqu'à +2 500 °C, sans devoir recourir à des solutions spécifiques » , indique Thierry Lorioux (MPC). Ce que confirme Philippe Kerbois (Land Instruments) : « Notre laboratoire britannique est capable de réaliser des vérifications jusqu'à une température de +1650°C.Au-delà, il n'existe pas d'outils ad hoc… mais nous ne sommes plus vraiment dans le domaine de la pyrométrie industrielle standard.»
Il existe en fait des projets de recherche européens en métrologie ( European Metrology Research Programme ou EMRP), tels que le High Temperature Metrology for Industrial Applications (HiTeMS). Initié en 2011 et réunissant quinze partenaires européens, il a pour objectif de développer un ensemble de méthodes et techniques de mesure dans les hautes températures. «Les mesures de températures supérieures à +1 000 °C et jusqu'à +2 500 ou +3 000 °C sont certes vitales pour de nombreux industriels (aéronautique, applications de sûreté dans les centrales nucléaires, fabrication de matériaux réfractaires,par exemple),mais très difficiles à mettre en œuvre. Et il est primordial d'améliorer l'efficacité de ces procédés et donc les mesures des hautes températures, afin de limiter la consommation d'énergie et la pollution », résumait Graham Machin, professeur au NPL et coordinateur du projet, lors d'un workshop organisé en 2013 à l'occasion de la 16 e édition du Congrès international de métrologie (CIM; voir Mesures n°860) .
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