Quelles évolutions pour les métiers cadres de l'industrie et du bâtiment du futur ?

Le 25/02/2020 à 0:00
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L es concepts d’usine et de bâtiment du futur ou 4.0 sont apparus avec l’arrivée sur le marché de nouvelles technologies permises par le numérique. Ils découlent aussi d’orientations stratégiques visant à répondre à des enjeux de compétitivité des entreprises, de réindustrialisation des territoires, ou de développement de modes de production et de consommation plus sûrs et plus durables. Ils témoignent d’un véritable bouleversement pour les entreprises, comme l’ont été dans le passé l’arrivée de la mécanique ou encore la massification puis l’automatisation de la production.

La contribution apportée par l’Apec (Association pour l’emploi des cadres) au projet DEFI&Co ( voir encadré ci-dessous ) piloté par le CESI (Campus d’enseignement supérieur et de formation professionnelle) vise à mieux comprendre comment les in-novations technologiques en cours dans l’industrie et le bâtiment ont un impact sur les compétences recherchées dans ces secteurs. En 2017 et 2018, elle s’est intéressée à douze domaines d’avenir, dont elle a cherché à cerner les enjeux pour les entreprises de la construction et/ou de l’industrie (1) : le bâtiment intelligent, le BIM ( Building Information Modeling ), la performance énergétique, l’Internet des objets (IoT), le big data, la fabrication additive, le PLM ( Product Lifecycle Management ), l’intelligence artificielle (IA), la simulation numérique, la réalité virtuelle/réalité augmentée (RV/RA), la cobotique et la cybersécurité industrielle. Pour chacun de ces domaines, les opportunités en termes d’emplois cadres ont été analysées, et ceci sous plusieurs angles. Quantitatif, d’abord, avec une étude de l’évolution du nombre d’offres publiées sur le site www.apec.fr, une analyse de leur distribution géographique et sectorielle, ainsi que la caractérisation des profils recherchés. Qualitatif, ensuite, avec des échanges auprès de recruteurs pour comprendre la nature des besoins exprimés à travers leurs offres d’emploi, mais aussi pour cerner leur ressenti sur la facilité ou non de trouver des candidats répondant à ces besoins. Ces travaux ont permis de montrer que pour s’adapter aux enjeux de demain et accompagner les changements auxquels les secteurs de l’industrie et de la construction font face, les entreprises étaient en attente de compétences nouvelles. L’étude de l’Apec identifie trois changements notables dans ces secteurs.

Quid du projet DEFI&Co ?

Le projet DEFI&Co (Développer l’expertise future pour l’industrie et la construction), piloté par le CESI, a été retenu dans le cadre de l’appel à projets « Partenariats pour la formation professionnelle et l’emploi » du Programme d’investissements d’avenir. Réunissant à ce jour 34 organisations partenaires, dont l’Apec, il vise à développer en cinq ans des formations innovantes dans l’enseignement supérieur et à qualifier plus de 10 000 personnes (étudiants, apprentis, stagiaires de la formation profession-nelle) pour les emplois de demain dans les domaines de l’usine du futur et du bâtiment du futur. Ce projet permettra aussi de développer des plateformes techniques pour la recherche et la formation, doublées à terme de jumeaux numériques accessibles à distance, ainsi qu’une plateforme logicielle nationale de support aux formations, appuyée sur un cloud privé. Des salles de formation équipées de pédagogies innovantes seront également implémentées dans le cadre de ce projet.

Un décloisonnement des domaines d’activité

Pour favoriser l’implantation de nouveaux outils et de nouvelles solutions, mais aussi pour être accompagnés dans leur transformation numérique, industriels et acteurs du bâtiment se rapprochent en effet de plus en plus d’entreprises de services du numérique. Ils sollicitent également de plus en plus des cabinets d’ingénierie R&D ainsi 100 que des sociétés de conseil, pour leurs expertises dans ces domaines. Aussi, bon 80 nombre d’offres d’emploi cadres en lien avec les innovations technologiques dans 60 l’industrie et le bâtiment relèvent aujourd’hui de ces secteurs. À titre d’exemple, 40 dans le domaine de la performance énergétique, les besoins de profils cadres émis 20 par des entreprises d’ingénierie R&D sont cinq fois supérieurs à ceux des construc-teurs. Et afin de répondre au mieux aux besoins de leurs clients, leurs recherches s’orientent vers des profils d’ingénieurs qui allient savoir-faire technique, sens de l’écoute et capacité à appréhender des écosystèmes productifs et organisationnels différents.

Un rapprochement entre certains services et certains métiers sous l’effet d’une modification des processus de travail

La possibilité offerte par l’analyse des données de prédire des pannes avant même qu’elles ne se réalisent oblige à revoir l’organisation même des opérations de maintenance, avec tout ce que cela implique en termes de gestion d’équipe, de planification des activités, etc. Par ailleurs, la dissémination dans les entreprises d’une culture de la donnée ne peut plus se faire indépendamment du respect de certaines normes, et notamment de normes sécuritaires. Dans un univers technologique et réglementaire qui évolue rapidement, des exigences d’adaptabilité et de réactivité sont fortement attendues par les recruteurs pour favoriser les mises en conformité. Il en va de même de la capacité à sensibiliser chaque acteur de l’entreprise à ces nouveaux enjeux réglementaires.

L’expertise technique ne suffit plus : savoir-être et maîtrise de compétences transversales deviennent indispensables

Au-delà des compétences déjà citées, les recruteurs ont des exigences en termes d’autonomie et de capacité relationnelle. De nombreux métiers cadres impliquent aussi des compétences de gestion de projets et d’équipes pluridisciplinaires. Dans des métiers marqués par une forte empreinte de l’ingénierie informatique, la capacité à pouvoir fonctionner en mode agile et à maîtriser les méthodes de gestion de vie d’un projet est également 100 fortement valorisée. Il en est de même de la capacité à développer une vision 80systémique d’un projet. Face à ces transformations, 60 les cadres expriment davantage un besoin de formation que de craintes liées à la 40disparition d’emplois ( voir figure 1 ). Interrogés en 2018 sur la vision qu’ils avaient 20de l’impact de la révolution numérique, seuls 18 % des cadres de l’industrie et 0du bâtiment jugeaient que cela allait contribuer à détruire des emplois de cadres. Une large majorité estimait au contraire que les emplois allaient se maintenir et se transformer en même temps (47 % pour les cadres de la construction et 50 % pour ceux de l’industrie). Aussi exprimaient-ils le besoin d’être accompagnés vers cette transition, que ce soit pour apprendre à maîtriser de nouveaux outils ou pour apprendre de nouvelles méthodes de travail. Ainsi, en 2018, 57 % des cadres de l’industrie et 54 % de cadres du bâtiment prévoyaient une formation en ce sens dans les trois ans à venir.

Dans son étude, l’Apec a mis en avant douze métiers émergents liés aux conséquences de l’avènement de l’industrie du futur et du bâtiment du futur sur l’organisation du travail, les métiers et les compétences.

Zoom sur les métiers émergents

En 2019, et toujours dans le cadre de sa contribution à DEFI&Co, l’Apec a choisi de constituer un référentiel de douze fiches métiers emblématiques des évolutions de compétences dans l’industrie et le bâtiment. Il s’agit de métiers caractéristiques des évolutions technologiques, réglementaires mais aussi sociétales (nouveaux comportements des utilisateurs). Ces douze métiers émergents ont été organisés en trois grandes familles : les métiers du bâtiment du futur (BIM manager, ingénieur en efficacité énergétique), ceux de la production et de la maintenance industrielle (consultant PLM, développeur Internet des objets ou IoT, ingénieur cobotique, ingénieur en fabrication additive, ingénieur en réalité virtuelle/réalité, ingénieur en simulation numérique), et ceux de la data (ingénieur en intelligence artificielle, Chief Data Officier ou CDO, consultant en cybersécurité, architecte cybersécurité). Précisons que certains de ces douze métiers, dont cette étude précise les définitions ( voir encadré page suivante ) transversent ces trois familles. C’est le cas par exemple du développeur IoT ou de l’ingénieur en réalité virtuelle/ réalité augmentée qui sont de plus en plus mobilisés par les acteurs du bâtiment, même si, dans cette étude de l’Apec, le choix a été fait de les inclure à la sphère industrielle.

Chacune de ces familles fait l’objet d’une introduction visant à expliquer en quoi les métiers qui lui sont associés répondent aujourd’hui à de nouveaux enjeux, de nouveaux besoins pour l’industrie et le bâtiment du futur. Le recueil et l’analyse de données qualitatives et quantitatives mis en place permettent de décrire chaque métier sous forme de fiches, en prenant en compte différents aspects ( voir encadré page 24 ). Des aspects qualitatifs, tout d’abord, tels que les fonctions du métier en question, le profil recherché par les entreprises, les compétences attendues, ainsi que les évolutions possibles de ce métier. Des aspects quantitatifs, ensuite, avec le niveau de salaire proposé dans les offres d’emploi, l’évolution du nombre d’offres depuis 2016, et leur répartition géographique et sectorielle en 2018. Ces fiches métiers sont consultables à l’adresse https: //corporate.apec.fr/ home/nos-etudes/toutes-nos-etudes/ usine-du-futur-batiment-du-fut-2.html.

Les métiers du bâtiment

Dans le secteur du bâtiment, l’innovation s’incarne dans de nouveaux métiers qui, comme le BIM, bénéficient des progrès technologiques pour réduire les coûts de construction, de maintenance et de démantèlement. Elle se matérialise aussi et surtout à travers de nouvelles activités, susceptibles de concerner tout à la fois bureaux d’études, cabinets d’architectes, entreprises du BTP ou de la maîtrise de l’énergie, promoteurs, etc. Avec un objectif de division par quatre des émissions de CO2 d’ici à 2050 (2) , l’enjeu environnemental est particulièrement structurant. Dans la mesure où il représente 44 % des consommations énergétiques françaises et qu’il émet plus de 123 millions de tonnes de CO2, le secteur du bâtiment est un domaine clé dans la lutte contre le réchauffement climatique (3) . De même, avec la hausse des prix de l’énergie et d’une partie des matières premières, l’enjeu économique est prégnant pour le secteur.

Dans ce cadre, efficacité et économie peuvent se conjuguer pour permettre l’amélioration du bilan carbone des chantiers autant qu’une meilleure performance énergétique des bâtiments. Matériaux, équipements, procédés et organisation du secteur peuvent être revus pour éviter des consommations parfois coûteuses d’un point de vue économique et environnemental. Des textes règlementaires accompagnent ces mutations sociétales. À la suite de la première réglementation thermique de 1974 (RT 1974), ceux-ci imposent des normes de plus en plus strictes aux constructeurs, promoteurs et bailleurs. Les réglementations thermiques devraient se prolonger par la mise en œuvre à compter de 2020 du concept de bâtiments à énergie positive (BEPOS), c’est-à-dire de bâtiments produisant plus d’énergie (chaleur, électricité) qu’ils n’en consomment (4) . Les perspectives pour le secteur concernent la création de nouveaux logements performants sur le plan énergétique. Leur construction s’inscrit d’ailleurs parfois dans des programmes d’aménagement durable plus larges comme le développement d’écoquartiers ou de territoires intelligents. Mais dans un contexte de vieillissement du parc immobilier, elles portent aussi sur la rénovation et la maintenance d’un bâti plus ancien (5) . Dans les deux cas, il est nécessaire de tenir compte de l’obsolescence future de certaines technologies pouvant potentiellement intégrer la sphère du bâti (compteurs, capteurs, etc.). Il existe en effet, un véritable enjeu à assurer la dura-bilité de ces équipements et solutions conçus pour rendre les bâtiments économes et intelligents, et de manière plus générale, à garder la maîtrise du cycle de vie du bâti.

Les métiers de la production et de la maintenance industrielle

L’industrie du futur se dessine en suivant un jeu de contraintes relativement bien identifiées. Il s’agit en premier lieu de moderniser l’appareil de production industriel tout en répondant aux impératifs économiques et sociaux des salariés. Mais l’objectif est aussi de pouvoir adapter les modèles économiques aux technologies numériques tout en identifiant mieux les besoins clients. Il s’agit enfin de pouvoir assurer sa compétitivité dans un environnement mondialisé, tout en respectant les contraintes réglementaires et notamment environnementales. Ceci pose des questions de déploiement technologique mais aussi d’accompagnement des acteurs de l’industrie et des salariés dans cette mutation. L’enjeu n’est donc pas réductible au seul choix d’une solution technique au détriment d’une autre. Il implique au contraire une réflexion en termes de produits (biens ou services), de procédés (de production ou de distribution) mais aussi de méthodes (d’organisation comme de commercialisation) et de réglementations (environnementales, etc.).

À l’heure où la révolution technologique s’accélère et où la mondialisation dessine de nouveaux rapports de force sur le champ économique, pouvoir pérenniser des marchés et en conquérir de nouveaux représente plus que jamais un enjeu fort pour les industriels.

Optimiser les coûts de conception, de production et de maintenance via l’intégration de technologies numériques est un moyen d’y parvenir ( voir figure 2) .

Avec la simulation numérique et l’arrivée d’ordinateurs à la puissance de calcul augmentée, il est ainsi possible de raccourcir les phases de conception et de rétroconception d’un produit. Chaque phénomène testé en phase (la résistance d’un produit face à une chute, à un écoulement, à une pression, etc.) est traduit en modèle et problématique mathématique que l’ordinateur permet de résoudre, avant réajustement et prototypage.

Le PLM est un autre moyen de répondre à cet enjeu d’optimisation. Il propose une solution d’agrégation de toutes les données et processus relatifs à chaque étape de la vie d’un produit, au sein d’une plateforme collaborative. Ce faisant, il permet d’accélérer les phases de design, de prévoir et d’anticiper les chaînes de validation, mais aussi de penser à faire évoluer les produits connectés, au gré de leurs usages.

Produire sur mesure et en grande quantité des pièces de meilleure qualité ou limiter les surplus de production sont d’autres avantages offerts par les nouvelles technologies, en particulier par la fabrication additive. Qu’elles soient entièrement générées par ordinateur (réalité virtuelle) ou qu’elles intègrent des éléments virtuels dans un univers réel (réalité augmentée), les technologies d’immersion offrent également de nombreuses perspectives aux industriels. Elles peuvent être utilisées pour programmer, former ou assister les agents lors d’intervention de maintenance, mais aussi pour favoriser la prise en main de certains appareils ou environnements (cabines de pilotage d’avions ou environnements industriels à risque, par exemple).

Les 12 métiers cadres émergents identifiés par l’Apec

l BIM manager : il coordonne, sur une maquette numérique dont il est le garant, les échanges de données entre les différents acteurs impliqués dans la conception d’un bâtiment, sa mise en œuvre, voire également son démantèlement. l Ingénieur en efficacité énergétique : il a pour objectif d’optimiser la consommation d’énergie des bâtiments. Il travaille en amont sur la réalisation d’audits énergétiques, mais aussi pendant la phase de conception d’un projet en réalisant des calculs thermiques. l Ingénieur en fabrication additive : il assure la production, la réalisation et la diffusion des pièces et machines utilisant l’impression 3D. Il peut agir sur les matériaux, les procédés ou les logiciels portant sur cette méthode de fabrication. l Développeur IoT : il étudie les contraintes du hardware et les possibilités offertes par le cloud, afin de proposer et de concevoir des applications et des logiciels pour objets connectés.

l Consultant PLM : il intervient dans le cadre de la gestion du cycle de vie des produits (ou PLM). Il assure la rédaction des spécifications fonctionnelles et techniques en vue du déploiement d’une solution logicielle pour le compte d’une entreprise cliente. l Ingénieur en réalité virtuelle et/ou réalité augmentée : il conçoit et développe des programmes, des systèmes et des outils d’immersion 3D pour le compte de clients ou de services. l Ingénieur en cobotique : il assure la conception, le développement et la maintenance de cobots (bras articulés, bras robotisés, etc.) destinés, dans l’univers de la production industrielle, à décharger l’homme de tâches répétitives ou contraignantes. l Ingénieur en simulation numérique : il modélise des systèmes complexes à l’aide de logiciels. Sa mission consiste à mesurer l’impact de certains phénomènes sur les produits, et pouvoir ainsi en optimiser les performances. l Ingénieur en intelligence artificielle : il est en charge de la recherche, du développement et de la validation des outils et des méthodologies mobilisés pour la résolution de problèmes complexes par des algorithmes. l CDO (Chief Data Officer) : il assure la gouvernance et la structuration des données dans le but d’aider à la prise de décisions stratégiques. De par ses responsabilités, il possède une connaissance transversale des différents services de l’entreprise ainsi que de l’ensemble de son écosystème. l Consultant en cybersécurité : il conseille et accompagne le client sur sa problématique de sécurisation des systèmes d’information. Il analyse les besoins, les risques, participe à la définition de la politique sécurité. Il rédige les propositions techniques et commerciales. l Architecte cybersécurité : il définit et structure les choix techniques en matière de sécurité des systèmes d’information en réponse aux besoins du client et veille à leurs applications. Il produit les livrables documentaires et les spécifications nécessaires.

L’Internet des objets (IoT) offre également de nombreux atouts aux industriels. Audelà des produits connectés qui sont commercialisés, il permet aux constructeurs/ distributeurs, de prendre des mesures à distance et de détecter des défaillances en temps réel, sur des outils ou des machines. L’IoT, combiné aux avancées de l’intelligence artificielle, ouvre des champs d’applications dans les domaines de la maintenance prédictive et de l’optimisation des processus de production.

Véritables outils de performance industrielle, ces innovations peuvent aussi permettre de répondre à certaines obligations réglementaires. La traçabilité et la mise en conformité des produits, des matériaux et des processus peuvent s’en trouver facilitées, tout comme la réduction des impacts environnementaux. Il en va de même de la prise en compte et de la réduction de la pénibilité au travail, notamment favorisées par l’émergence de la cobotique.

Dans ce contexte, sensibiliser les salariés à l’arrivée de ces nouvelles technologies, à leurs usages et aux avantages qu’elles peuvent leur procurer devient un enjeu fort pour les industriels. Ceci l’est d’autant plus que ces innovations renforcent la collaboration entre individus et machines et qu’elles appellent des modes de travail différents. Pour l’employeur, cela implique donc d’agir en faveur de leur acceptabilité au sein des entreprises, mais aussi pour une montée en compétences des salariés sur des sujets techniquement pointus.

L’industrie représentant un vaste champ d’opportunités pour l’emploi, en particulier pour l’emploi cadre, les centres de formation ont de fait leur place dans cet écosystème. C’est le cas notamment des établissements du supérieur, qui sont attendus sur l’opérationnalité des cursus proposés aux salariés de demain.

Les métiers liés aux données

La question de la collecte et de la gestion des données n’est pas nouvelle, leur structuration et leur analyse sont des enjeux pour les acteurs économiques autant qu’institutionnels depuis de nombreuses décennies. Une évolution récente marque toutefois un changement en termes d’échelle : l’ère de la donnée a laissé place à celle du big data, autrement dit, de la donnée « massive ». Devenant de plus en plus performantes, les infrastructures télécoms sont au cœur de cette transformation technologique. Elles permettent en effet de couvrir un territoire de plus en plus large, de faire circuler et de pouvoir traiter des données de plus en plus rapidement. Les services numériques institutionnels et ceux des grandes entreprises contribuent égale-ment à la mise en place d’un écosystème d’innovation plus structuré, renforçant, entre autres, le partage et l’accès aux données. Aujourd’hui, tous les secteurs d’activité sont concernés par cette révolution – acteurs industriels et de la construction, tout autant que ceux des services – et doivent apprendre à jouer de cet afflux massif de données.

Le terme de rupture technologique est régulièrement employé pour désigner le passage à l’ère du big data . Cette rupture est en fait de plusieurs ordres. Quantitatif d’abord : le volume de données stocké et traité a augmenté de manière exponentielle du fait, notamment, des évolutions logicielles et matérielles ( cloud, serveurs, etc.). Qualitatif ensuite : les formats, flux et langages se diversifient, et la donnée ne concerne plus seulement une poignée d’indicateurs agrégés mais incorpore des images, des sons, du texte, etc. Il existe pour les entreprises un véritable enjeu de performance économique à maîtriser l’accès aux données (qu’il s’agisse de données internes ou externes) tant elles peuvent être créatrices de valeur. Auparavant souvent exploitées à des fins descriptives, les données le sont aujourd’hui aussi à des fins prédictives, voire prescriptives, en soutien des orientations stratégiques.

Ceci implique de savoir agréger, consolider et analyser des corpus de données de plus en plus larges dans des temps de plus en plus courts. La robustesse des infrastructures informatiques et logicielles associée à la maîtrise d’algorithmes d’analyse deviennent aussi des leviers de performance économique pour les entreprises.

L’intelligence artificielle est une incarnation de ces nouveaux usages et nouveaux enjeux. Des pans entiers de l’industrie sont potentiellement concernés par son arrivée. En effet, celle-ci peut servir à l’amélioration des processus, au perfectionnement du contrôle qualité, ou au développement de la maintenance prédictive. S’inscrivant à l’intersection des sciences cognitives, de l’informatique et des mathématiques, sa « renaissance » actuelle tient beaucoup à la conjonction de deux logiques : l’accessibilité de corpus massifs de données et la transformation du paysage matériel informatique qui a permis une augmentation considérable des capacités de traitement et d’analyse (6) . enjeu de cet afflux de data . Le règlement général sur la protection des données (RGPD), entré en vigueur en Europe depuis le 25 mai 2018, impose une responsabilisation accrue des acteurs qui traitent les données personnelles. Dans ce cadre, les logiques d’agrégation et de consolidation des données peuvent parfois entrer en contradiction avec les obligations légales. En effet, dans l’optique d’une meilleure analyse de la consommation client, d’un meilleur ciblage publicitaire ou d’une personnalisation des services proposés, les entreprises peuvent être tentées d’amasser des données en nombre toujours plus important sans déterminer à l’avance l’utilisation qui en sera faite. Or, le RGPD introduit clairement les notions de minimisation et de limitation de la durée de conservation des données personnelles. Des questions portant sur la qualité de l’anonymisation et de la sécurité se posent de manière saillante pour tous les acteurs économiques et institutionnels. Mais ici, l’enjeu n’est pas que réglementaire. Il est aussi financier et médiatique puisque le RGPD prévoit de lourdes sanctions pour quiconque passerait outre ses directives (amendes, suspension temporaire des traitements de données avec divulgation à la presse, etc.). Usine du futur : de La sécurisation des données revêt pour également une importance répondant majeure à au des regard enje de n de la multiplication des cyber-risques. Depuis plusieurs années, ceux-ci ne cessent en effet d’augmenter et de se diversifier, jusqu’à viser non plus uniquement les systèmes d’information mais aussi les systèmes de production et les objets connectés. Les exemples sont nombreux. Ainsi, en 2010, le virus Stuxtext a contaminé les programmes de contrôle d’un site nucléaire iranien via une simple clé USB. Plus récemment, en 2017, Renault, puis le géant de l’agroalimentaire Mondelez ont été contraints de mettre à l’arrêt des chaînes de production du fait d’actes malveillants visant leurs systèmes informatiques. En 2018, Saint-Gobain a subi un préjudice de 220 millions d’euros de chiffre d’affaires, suite à un virus qui a affecté ses systèmes de commande et de facturation. Et dernièrement, en 2019, Altran a été victime d’une cyberattaque de type ransomware , bloquant de manière temporaire l’accès à ses serveurs. Pour faire face à ces cyberattaques, les grandes entreprises mais aussi les PME sont amenées à développer des politiques en matière de sécurisation qui doivent être à la fois préventives, protectrices, et en mesure d’apporter des réponses en cas d’intrusion et autres incidents constatés. La maîtrise de la consommation énergétique est un autre enjeu majeur lié à l’entrée dans l’ère du big data. Dans une optique de développement durable, la question des conditions de stockage des données et de leur coût à l’environnement se pose. La climatisation et les systèmes de refroidissement des data centers sont en effet particulièrement énergivores. En 2015, la seule consommation électrique des data centers implantés en France dépassait la consommation annuelle de la ville de Lyon nouvelles technologies... (7). Dans ce contexte, des métiers et des missions spécialisés usages... se structurent progressive-uveaux x ment économiques autour de la donnée et sociétaux : certains autour de la conception des stratégies data et des infrastructures logicielles et matérielles afférentes, et d’autres autour de l’exploration, de la collecte et de l’analyse des données, ou encore autour de la sécurisation et de la protection des données. Les métiers d’architecte cyber, de consultant cyber, d’ingénieur en intelligence artificielle ou de Chief Data Officer trouvent ainsi pleinement leur place dans l’écosystème. Extraits de l’enquête de l’Apec « Usine du futur, bâtiment du futur – 12 métiers en émergence » parue en octobre 2019 Article mis en forme par Pascal Coutance

La sécurisation des données est un autre

Précisions méthodologiques

Des données quantitatives et qualitatives ont été utilisées pour établir ces fiches métier. Les premières résultent de l’extraction des offres d’emploi publiées en 2017 et 2018 sur le site www.apec.fr. Les extractions se sont faites sur la base des intitulés principaux et secondaires de chaque métier. Des recherches par mots-clés présents dans le corps de l’offre ont permis d’affiner ces extractions. N’ont été retenues, dans chaque cas, que les offres d’emploi diffusées pour des postes de cadre. Les secondes ont été recueillies grâce à la lecture approfondie d’une sélection aléatoire d’offres d’emploi correspondant à chaque métier étudié.

Une vingtaine d’interviews ont également été réalisées auprès de cadres occupant les postes concernés permettant ainsi de mieux en décrire le contenu. Il est par ailleurs important de préciser que l’angle choisi pour ce référentiel étant un angle métier, les volumes d’offres d’emploi affichés dans cette étude de l’Apec sont inférieurs à ceux énoncés dans les revues de tendances technologiques publiées par l’organisme en 2017 et 2018. En effet, les domaines d’avenir avaient été étudiés dans leur globalité, permettant d’appréhender chaque fois une diversité de métiers. À noter également que pour chaque métier décrit, les missions associées au métier et les profils recherchés peuvent varier selon le type d’entreprises qui recrute, son secteur d’activité, sa taille, etc.

Optimiser les coûts de conception, de production et de maintenance via l’intégration de technologies numériques est un moyen de pérenniser des marchés et d’en conquérir de nouveaux, ce qui représente plus que jamais un enjeu fort pour les industriels.

(1) Apec, Usine du futur, bâtiment du futur : quelles évolutions pour les métiers cadres ? Revue de tendances 2017 et 2018 (2) Loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique. (3) https: //www.ecologique-solidaire.gouv.fr/ energie-dans-batiments (4) Décret n°2016-1821 relatif aux constructions à énergie positive et haute performance environnementale sous maîtrise d’ouvrage de l’État, de ses établissements publics ou des collectivités territoriales ; Décret n°2016-711 relatif à la nature des travaux déclenchant une obligation d’exigence d’efficacité énergétique ; Décret n°2017-312 modifiant le décret n°2002-120 relatif aux caractéristiques du logement décent, etc. (5) Les dernières données de l’Insee font état de 30 millions de logements datant d’avant 1974 en France métropolitaine, dont 11 millions ont été conçus avant 1949 ( Les conditions de logement en France, édition 2017 – Données Filocom 2013). (6) L’intelligence artificielle bénéficie aussi d’une impulsion politique avec la mission confiée au mathématicien et député de l’Essonne Cédric Villani, de rédiger un rapport sur l’IA (Données Filocom 2013). (7) Union française de l’électricité, juin 2018.

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