L es concepts d’usine et de bâtiment du futur ou 4.0 sont apparus avec l’arrivée sur le marché de nouvelles technologies permises par le numérique. Ils découlent aussi d’orientations stratégiques visant à répondre à des enjeux de compétitivité des entreprises, de réindustrialisation des territoires, ou de développement de modes de production et de consommation plus sûrs et plus durables. Ils témoignent d’un véritable bouleversement pour les entreprises, comme l’ont été dans le passé l’arrivée de la mécanique ou encore la massification puis l’automatisation de la production.
La contribution apportée par l’Apec (Association pour l’emploi des cadres) au projet DEFI&Co (
Quid du projet DEFI&Co ?
Le projet DEFI&Co (Développer l’expertise future pour l’industrie et la construction), piloté par le CESI, a été retenu dans le cadre de l’appel à projets « Partenariats pour la formation professionnelle et l’emploi » du Programme d’investissements d’avenir. Réunissant à ce jour 34 organisations partenaires, dont l’Apec, il vise à développer en cinq ans des formations innovantes dans l’enseignement supérieur et à qualifier plus de 10 000 personnes (étudiants, apprentis, stagiaires de la formation profession-nelle) pour les emplois de demain dans les domaines de l’usine du futur et du bâtiment du futur. Ce projet permettra aussi de développer des plateformes techniques pour la recherche et la formation, doublées à terme de jumeaux numériques accessibles à distance, ainsi qu’une plateforme logicielle nationale de support aux formations, appuyée sur un cloud privé. Des salles de formation équipées de pédagogies innovantes seront également implémentées dans le cadre de ce projet. |
Un décloisonnement des domaines d’activité
Pour favoriser l’implantation de nouveaux outils et de nouvelles solutions, mais aussi pour être accompagnés dans leur transformation numérique, industriels et acteurs du bâtiment se rapprochent en effet de plus en plus d’entreprises de services du numérique. Ils sollicitent également de plus en plus des cabinets d’ingénierie R&D ainsi 100 que des sociétés de conseil, pour leurs expertises dans ces domaines. Aussi, bon 80 nombre d’offres d’emploi cadres en lien avec les innovations technologiques dans 60 l’industrie et le bâtiment relèvent aujourd’hui de ces secteurs. À titre d’exemple, 40 dans le domaine de la performance énergétique, les besoins de profils cadres émis 20 par des entreprises d’ingénierie R&D sont cinq fois supérieurs à ceux des construc-teurs. Et afin de répondre au mieux aux besoins de leurs clients, leurs recherches s’orientent vers des profils d’ingénieurs qui allient savoir-faire technique, sens de l’écoute et capacité à appréhender des écosystèmes productifs et organisationnels différents.
Un rapprochement entre certains services et certains métiers sous l’effet d’une modification des processus de travail
La possibilité offerte par l’analyse des données de prédire des pannes avant même qu’elles ne se réalisent oblige à revoir l’organisation même des opérations de maintenance, avec tout ce que cela implique en termes de gestion d’équipe, de planification des activités, etc. Par ailleurs, la dissémination dans les entreprises d’une culture de la donnée ne peut plus se faire indépendamment du respect de certaines normes, et notamment de normes sécuritaires. Dans un univers technologique et réglementaire qui évolue rapidement, des exigences d’adaptabilité et de réactivité sont fortement attendues par les recruteurs pour favoriser les mises en conformité. Il en va de même de la capacité à sensibiliser chaque acteur de l’entreprise à ces nouveaux enjeux réglementaires.
L’expertise technique ne suffit plus : savoir-être et maîtrise de compétences transversales deviennent indispensables
Au-delà des compétences déjà citées, les recruteurs ont des exigences en termes d’autonomie et de capacité relationnelle. De nombreux métiers cadres impliquent aussi des compétences de gestion de projets et d’équipes pluridisciplinaires. Dans des métiers marqués par une forte empreinte de l’ingénierie informatique, la capacité à pouvoir fonctionner en mode agile et à maîtriser les méthodes de gestion de vie d’un projet est également 100 fortement valorisée. Il en est de même de la capacité à développer une vision 80systémique d’un projet. Face à ces transformations, 60 les cadres expriment davantage un besoin de formation que de craintes liées à la 40disparition d’emplois (
Dans son étude, l’Apec a mis en avant douze métiers émergents liés aux conséquences de l’avènement de l’industrie du futur et du bâtiment du futur sur l’organisation du travail, les métiers et les compétences.
Zoom sur les métiers émergents
En 2019, et toujours dans le cadre de sa contribution à DEFI&Co, l’Apec a choisi de constituer un référentiel de douze fiches métiers emblématiques des évolutions de compétences dans l’industrie et le bâtiment. Il s’agit de métiers caractéristiques des évolutions technologiques, réglementaires mais aussi sociétales (nouveaux comportements des utilisateurs). Ces douze métiers émergents ont été organisés en trois grandes familles : les métiers du bâtiment du futur (BIM manager, ingénieur en efficacité énergétique), ceux de la production et de la maintenance industrielle (consultant PLM, développeur Internet des objets ou IoT, ingénieur cobotique, ingénieur en fabrication additive, ingénieur en réalité virtuelle/réalité, ingénieur en simulation numérique), et ceux de la
Chacune de ces familles fait l’objet d’une introduction visant à expliquer en quoi les métiers qui lui sont associés répondent aujourd’hui à de nouveaux enjeux, de nouveaux besoins pour l’industrie et le bâtiment du futur. Le recueil et l’analyse de données qualitatives et quantitatives mis en place permettent de décrire chaque métier sous forme de fiches, en prenant en compte différents aspects (
Les métiers du bâtiment
Dans le secteur du bâtiment, l’innovation s’incarne dans de nouveaux métiers qui, comme le BIM, bénéficient des progrès technologiques pour réduire les coûts de construction, de maintenance et de démantèlement. Elle se matérialise aussi et surtout à travers de nouvelles activités, susceptibles de concerner tout à la fois bureaux d’études, cabinets d’architectes, entreprises du BTP ou de la maîtrise de l’énergie, promoteurs, etc. Avec un objectif de division par quatre des émissions de CO2 d’ici à 2050 (2) , l’enjeu environnemental est particulièrement structurant. Dans la mesure où il représente 44 % des consommations énergétiques françaises et qu’il émet plus de 123 millions de tonnes de CO2, le secteur du bâtiment est un domaine clé dans la lutte contre le réchauffement climatique (3) . De même, avec la hausse des prix de l’énergie et d’une partie des matières premières, l’enjeu économique est prégnant pour le secteur.
Dans ce cadre, efficacité et économie peuvent se conjuguer pour permettre l’amélioration du bilan carbone des chantiers autant qu’une meilleure performance énergétique des bâtiments. Matériaux, équipements, procédés et organisation du secteur peuvent être revus pour éviter des consommations parfois coûteuses d’un point de vue économique et environnemental. Des textes règlementaires accompagnent ces mutations sociétales. À la suite de la première réglementation thermique de 1974 (RT 1974), ceux-ci imposent des normes de plus en plus strictes aux constructeurs, promoteurs et bailleurs. Les réglementations thermiques devraient se prolonger par la mise en œuvre à compter de 2020 du concept de bâtiments à énergie positive (BEPOS), c’est-à-dire de bâtiments produisant plus d’énergie (chaleur, électricité) qu’ils n’en consomment (4) . Les perspectives pour le secteur concernent la création de nouveaux logements performants sur le plan énergétique. Leur construction s’inscrit d’ailleurs parfois dans des programmes d’aménagement durable plus larges comme le développement d’écoquartiers ou de territoires intelligents. Mais dans un contexte de vieillissement du parc immobilier, elles portent aussi sur la rénovation et la maintenance d’un bâti plus ancien (5) . Dans les deux cas, il est nécessaire de tenir compte de l’obsolescence future de certaines technologies pouvant potentiellement intégrer la sphère du bâti (compteurs, capteurs, etc.). Il existe en effet, un véritable enjeu à assurer la dura-bilité de ces équipements et solutions conçus pour rendre les bâtiments économes et intelligents, et de manière plus générale, à garder la maîtrise du cycle de vie du bâti.
Les métiers de la production et de la maintenance industrielle
L’industrie du futur se dessine en suivant un jeu de contraintes relativement bien identifiées. Il s’agit en premier lieu de moderniser l’appareil de production industriel tout en répondant aux impératifs économiques et sociaux des salariés. Mais l’objectif est aussi de pouvoir adapter les modèles économiques aux technologies numériques tout en identifiant mieux les besoins clients. Il s’agit enfin de pouvoir assurer sa compétitivité dans un environnement mondialisé, tout en respectant les contraintes réglementaires et notamment environnementales. Ceci pose des questions de déploiement technologique mais aussi d’accompagnement des acteurs de l’industrie et des salariés dans cette mutation. L’enjeu n’est donc pas réductible au seul choix d’une solution technique au détriment d’une autre. Il implique au contraire une réflexion en termes de produits (biens ou services), de procédés (de production ou de distribution) mais aussi de méthodes (d’organisation comme de commercialisation) et de réglementations (environnementales, etc.).
À l’heure où la révolution technologique s’accélère et où la mondialisation dessine de nouveaux rapports de force sur le champ économique, pouvoir pérenniser des marchés et en conquérir de nouveaux représente plus que jamais un enjeu fort pour les industriels.
Optimiser les coûts de conception, de production et de maintenance via l’intégration de technologies numériques est un moyen d’y parvenir (
Avec la simulation numérique et l’arrivée d’ordinateurs à la puissance de calcul augmentée, il est ainsi possible de raccourcir les phases de conception et de rétroconception d’un produit. Chaque phénomène testé en phase (la résistance d’un produit face à une chute, à un écoulement, à une pression, etc.) est traduit en modèle et problématique mathématique que l’ordinateur permet de résoudre, avant réajustement et prototypage.
Le PLM est un autre moyen de répondre à cet enjeu d’optimisation. Il propose une solution d’agrégation de toutes les données et processus relatifs à chaque étape de la vie d’un produit, au sein d’une plateforme collaborative. Ce faisant, il permet d’accélérer les phases de design, de prévoir et d’anticiper les chaînes de validation, mais aussi de penser à faire évoluer les produits connectés, au gré de leurs usages.
Produire sur mesure et en grande quantité des pièces de meilleure qualité ou limiter les surplus de production sont d’autres avantages offerts par les nouvelles technologies, en particulier par la fabrication additive. Qu’elles soient entièrement générées par ordinateur (réalité virtuelle) ou qu’elles intègrent des éléments virtuels dans un univers réel (réalité augmentée), les technologies d’immersion offrent également de nombreuses perspectives aux industriels. Elles peuvent être utilisées pour programmer, former ou assister les agents lors d’intervention de maintenance, mais aussi pour favoriser la prise en main de certains appareils ou environnements (cabines de pilotage d’avions ou environnements industriels à risque, par exemple).
Les 12 métiers cadres émergents identifiés par l’Apec
l BIM manager : il coordonne, sur une maquette numérique dont il est le garant, les échanges de données entre les différents acteurs impliqués dans la conception d’un bâtiment, sa mise en œuvre, voire également son démantèlement. l Ingénieur en efficacité énergétique : il a pour objectif d’optimiser la consommation d’énergie des bâtiments. Il travaille en amont sur la réalisation d’audits énergétiques, mais aussi pendant la phase de conception d’un projet en réalisant des calculs thermiques. l Ingénieur en fabrication additive : il assure la production, la réalisation et la diffusion des pièces et machines utilisant l’impression 3D. Il peut agir sur les matériaux, les procédés ou les logiciels portant sur cette méthode de fabrication. l Développeur IoT : il étudie les contraintes du hardware et les possibilités offertes par le cloud, afin de proposer et de concevoir des applications et des logiciels pour objets connectés. l Consultant PLM : il intervient dans le cadre de la gestion du cycle de vie des produits (ou PLM). Il assure la rédaction des spécifications fonctionnelles et techniques en vue du déploiement d’une solution logicielle pour le compte d’une entreprise cliente. l Ingénieur en réalité virtuelle et/ou réalité augmentée : il conçoit et développe des programmes, des systèmes et des outils d’immersion 3D pour le compte de clients ou de services. l Ingénieur en cobotique : il assure la conception, le développement et la maintenance de cobots (bras articulés, bras robotisés, etc.) destinés, dans l’univers de la production industrielle, à décharger l’homme de tâches répétitives ou contraignantes. l Ingénieur en simulation numérique : il modélise des systèmes complexes à l’aide de logiciels. Sa mission consiste à mesurer l’impact de certains phénomènes sur les produits, et pouvoir ainsi en optimiser les performances. l Ingénieur en intelligence artificielle : il est en charge de la recherche, du développement et de la validation des outils et des méthodologies mobilisés pour la résolution de problèmes complexes par des algorithmes. l CDO (Chief Data Officer) : il assure la gouvernance et la structuration des données dans le but d’aider à la prise de décisions stratégiques. De par ses responsabilités, il possède une connaissance transversale des différents services de l’entreprise ainsi que de l’ensemble de son écosystème. l Consultant en cybersécurité : il conseille et accompagne le client sur sa problématique de sécurisation des systèmes d’information. Il analyse les besoins, les risques, participe à la définition de la politique sécurité. Il rédige les propositions techniques et commerciales. l Architecte cybersécurité : il définit et structure les choix techniques en matière de sécurité des systèmes d’information en réponse aux besoins du client et veille à leurs applications. Il produit les livrables documentaires et les spécifications nécessaires. |
L’Internet des objets (IoT) offre également de nombreux atouts aux industriels. Audelà des produits connectés qui sont commercialisés, il permet aux constructeurs/ distributeurs, de prendre des mesures à distance et de détecter des défaillances en temps réel, sur des outils ou des machines. L’IoT, combiné aux avancées de l’intelligence artificielle, ouvre des champs d’applications dans les domaines de la maintenance prédictive et de l’optimisation des processus de production.
Véritables outils de performance industrielle, ces innovations peuvent aussi permettre de répondre à certaines obligations réglementaires. La traçabilité et la mise en conformité des produits, des matériaux et des processus peuvent s’en trouver facilitées, tout comme la réduction des impacts environnementaux. Il en va de même de la prise en compte et de la réduction de la pénibilité au travail, notamment favorisées par l’émergence de la cobotique.
Dans ce contexte, sensibiliser les salariés à l’arrivée de ces nouvelles technologies, à leurs usages et aux avantages qu’elles peuvent leur procurer devient un enjeu fort pour les industriels. Ceci l’est d’autant plus que ces innovations renforcent la collaboration entre individus et machines et qu’elles appellent des modes de travail différents. Pour l’employeur, cela implique donc d’agir en faveur de leur acceptabilité au sein des entreprises, mais aussi pour une montée en compétences des salariés sur des sujets techniquement pointus.
L’industrie représentant un vaste champ d’opportunités pour l’emploi, en particulier pour l’emploi cadre, les centres de formation ont de fait leur place dans cet écosystème. C’est le cas notamment des établissements du supérieur, qui sont attendus sur l’opérationnalité des cursus proposés aux salariés de demain.
Les métiers liés aux données
La question de la collecte et de la gestion des données n’est pas nouvelle, leur structuration et leur analyse sont des enjeux pour les acteurs économiques autant qu’institutionnels depuis de nombreuses décennies. Une évolution récente marque toutefois un changement en termes d’échelle : l’ère de la donnée a laissé place à celle du
Le terme de rupture technologique est régulièrement employé pour désigner le passage à l’ère du
Ceci implique de savoir agréger, consolider et analyser des corpus de données de plus en plus larges dans des temps de plus en plus courts. La robustesse des infrastructures informatiques et logicielles associée à la maîtrise d’algorithmes d’analyse deviennent aussi des leviers de performance économique pour les entreprises.
L’intelligence artificielle est une incarnation de ces nouveaux usages et nouveaux enjeux. Des pans entiers de l’industrie sont potentiellement concernés par son arrivée. En effet, celle-ci peut servir à l’amélioration des processus, au perfectionnement du contrôle qualité, ou au développement de la maintenance prédictive. S’inscrivant à l’intersection des sciences cognitives, de l’informatique et des mathématiques, sa « renaissance » actuelle tient beaucoup à la conjonction de deux logiques : l’accessibilité de corpus massifs de données et la transformation du paysage matériel informatique qui a permis une augmentation considérable des capacités de traitement et d’analyse (6) . enjeu de cet afflux de
La sécurisation des données est un autre
Précisions méthodologiques
Des données quantitatives et qualitatives ont été utilisées pour établir ces fiches métier. Les premières résultent de l’extraction des offres d’emploi publiées en 2017 et 2018 sur le site www.apec.fr. Les extractions se sont faites sur la base des intitulés principaux et secondaires de chaque métier. Des recherches par mots-clés présents dans le corps de l’offre ont permis d’affiner ces extractions. N’ont été retenues, dans chaque cas, que les offres d’emploi diffusées pour des postes de cadre. Les secondes ont été recueillies grâce à la lecture approfondie d’une sélection aléatoire d’offres d’emploi correspondant à chaque métier étudié. Une vingtaine d’interviews ont également été réalisées auprès de cadres occupant les postes concernés permettant ainsi de mieux en décrire le contenu. Il est par ailleurs important de préciser que l’angle choisi pour ce référentiel étant un angle métier, les volumes d’offres d’emploi affichés dans cette étude de l’Apec sont inférieurs à ceux énoncés dans les revues de tendances technologiques publiées par l’organisme en 2017 et 2018. En effet, les domaines d’avenir avaient été étudiés dans leur globalité, permettant d’appréhender chaque fois une diversité de métiers. À noter également que pour chaque métier décrit, les missions associées au métier et les profils recherchés peuvent varier selon le type d’entreprises qui recrute, son secteur d’activité, sa taille, etc. |
Optimiser les coûts de conception, de production et de maintenance via l’intégration de technologies numériques est un moyen de pérenniser des marchés et d’en conquérir de nouveaux, ce qui représente plus que jamais un enjeu fort pour les industriels.