Mesures. Aujourd'hui, certains fournisseurs d'équipements intègrent dans leurs produits des algorithmes de maintenance. En quoi cela consiste-t-il et quel en est l'intérêt ?
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Philippe Bolliet. Effectivement, on intègre déjà des algorithmes de maintenance dans certains équipements industriels. Aujourd'hui, je dirais presque que la maintenance 4.0 est induite dans certains équipements que l'on met à disposition des industriels, chez Mitsubishi Electric. Les industriels ont en effet une attente en termes de fonctions de diagnostic déjà embarquées dans les équipements car ce qu'ils recherchent, ce sont des informations pertinentes. Pour eux, la question est de savoir comment agir au plus tôt sur un équipement avant qu'il ne tombe en panne, comment mieux planifier l'utilisation d'une machine, comment faire un retour sur investissement de manière induite en planifiant au bon moment des tâches de maintenance ou des prestations de tiers ou même un remplacement de produit. Cela parce que les usages changent avec des lignes de production de plus en plus flexibles afin de répondre au plus près à la demande des clients. Du coup, prévoir une maintenance devient de plus en plus compliqué aussi pour les équipes. Chez Mitsubishi, on peut prévoir une main-tenance en se basant sur le diagnostic de vibrations, de défauts, qui peuvent avoir des effets rapides sur nos équipements, et remonter de manière native ces défauts. De la même manière, en robotique, on peut regarder des aspects critiques d'un équipement, par exemple des tensions de courroie, des niveaux de graissage, des durées de fonctionne-ment d'axe, etc. Un robot, c'est un équipement doté d'une mécanique assez précise et pour mieux prévenir sa maintenance, on a la capacité, en temps réel et en natif, de regarder ces paramètres, de surveiller également les niveaux de charge de chacun des axes d'un robot pour s'assurer qu'il fonctionne normalement, mais surtout pour anticiper les défaillances. C'est en cela que ces outils, qui sont mis à disposition de manière standard, permettent de répondre à cette problématique de maintenance. Avec la connexion d'un afficheur classique, l'opérateur peut déjà regarder ces paramètres en permanence sur un robot pour prévoir sa maintenance. La possibilité de connexion de ces équipements directement sur un système d'information est elle aussi native sur les produits Mitsubishi Electric. On peut ainsi remonter tous ces paramètres de manière ouverte et standard vers le système d'information, vers la couche supérieure. C'est à nous, industriels, de mettre en place ces fonctionnalités dans les équipements pour aider les utilisateurs à optimiser leurs coûts opérationnels au quotidien.
De gauche à droite, Pascal Coutance (Mesures), Philippe Bolliet (Mitsubishi Electric), Jérôme Desmoulières (Emerson), Peter Livaudais (Senseye) et Youssef Miloudi (Carl Software).
Peter Livaudais. Ceci est effectivement très intéressant. Car il y a deux points de vue de l'industriel, celui qui fournit les machines, et celui qui les utilise dans ses usines, car ils ont des enjeux différents. Pour les fournisseurs de machines, il y a en effet la possibilité de fournir des services, en plus de la four-niture des équipements. L'usage et le service deviennent un avantage concurrentiel. Pour donner quelques ordres de grandeur, avec de la maintenance conditionnelle et prévisionnelle, on peut tout à fait atteindre des retours sur investissement de 3, 10 voire parfois 20 pour l'année, ce qui est conséquent.
Mesures. Quelle est la première étape pour faire de la maintenance 4.0 ?
Youssef Miloudi. La première question à se poser, c'est «
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Mesures. Plaçons-nous maintenant, si vous le voulez bien, du point de vue des personnels de maintenance. Qu'est-ce que la maintenance 4.0 va changer pour eux, pour leur métier ?
Philippe Bolliet. L'idée n'est pas de révolutionner le métier de l'industriel qui vit avec ses actifs qui, bien souvent, ont nécessité de gros investissements. Mais ce qui est sûr, c'est qu'aucun industriel ne vous dira qu'il va changer toute sa ligne de production sauf, bien sûr, s'il s'agit de construire une nouvelle usine. Mais ce qui va changer pour lui, c'est la migration vers de nouvelles technologies de manière la plus simple possible. Et c'est en cela qu'un fournisseur comme Mitsubishi a un rôle à jouer pour aider l'industriel dans cet objectif de migration souple vers de nouveaux équipements, sans impact trop important d'un point de vue logiciel et, bien évidemment, financier, pour qu'il bénéficie de cette technologie et qu'il puisse l'utiliser immédiatement. L'industriel aura alors accès à de nouveaux paramètres à surveiller nativement dans ces produits, soit de manière connectée, soit de manière induite dans des équipements ou des machines. Il faudra qu'il puisse adresser certains critères dont il n'avait pas connaissance auparavant et qui peuvent s'avérer très importants. Il y aura donc un traitement différent de l'information, de manière beaucoup plus spontanée.
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Peter Livaudais. Cette transformation, c'est ce qui permet d'aller plus loin car on est déjà allé jusqu'au bout dans beaucoup d'industries du lean, dont la version vertueuse consiste, en gros, à faire avec moins. On est allé au bout de cette démarche-là. Donc, il faut d'autres outils, d'autres façons de faire pour continuer à optimiser la manière de produire.
Mesures. À quoi s'attendre dans les années à venir en termes d'évolution de la maintenance ?
Jérôme Desmoulières. Il y aura clairement une évolution des métiers car les process vont changer. Dans la troisième révolution industrielle, on a connu l'automatisation et les boucles fermées de contrôle de façon à automatiser complètement les procédés. Donc, le métier de rondier, le métier d'opérateur de terrain a changé, voire disparu. Aujourd'hui, on est dans une phase où il n'y aura pas forcément de disparition d'emplois, mais des changements de fonctions. En maintenance, par exemple, nt on peut : MES_919_IFM.pdf;Page s'attendre à avoir des boucles : 1; fermées de fiabilité, en complément des boucles fermées de contrôle. Par exemple, des capteurs, associés à des algorithmes, pourront détecter un début de vibration dans un moteur ou une pompe en fonctionnement et cela donnera lieu à une alerte pour avertir que le moteur ou la pompe possède un roulement qui commence à faiblir et qu'il va falloir le remplacer. Donc, au lieu que ce soit un technicien de maintenance, qui, par son expérience et la connaissance de la machine, saura qu'il faut remplacer le roulement rien qu'en entendant le bruit de la machine, cette information arrivera, via des modules software, sous la forme d'une alerte qui sera présentée à la bonne personne pour que cette dernière puisse valider l'action à mener et à planifier. L'opérateur de maintenance aura juste à appuyer sur un bouton ou à utiliser l'écran tactile de son smartphone professionnel pour lancer une action dans un ERP. Et comme la liste des pièces sera connue, l'approvisionnement en pièces pourra s'opérer rmat : (208.28 de manière automatique. x 153.28 Il mm); restera tout de même des décisions humaines à un moment donné, par exemple pour valider l'achat des pièces et la maintenance au prochain arrêt. Mais on peut imaginer, dans une dizaine d'années, des systèmes à base d'intelligence artificielle qui pourraient le faire de manière automatique. Pour moi, la maintenance 4.0, c'est vraiment ça, c'est-à-dire fermer la boucle de fiabilité, automatiser ces process qui étaient des process papier auparavant. Donc, en ce sens, les métiers vont bien évidemment changer car il n'y aura plus forcément besoin d'une expertise, qui pourra être apportée par les algorithmes. Globalement, il y aura un besoin de mieux travailler ensemble, donc cela va nécessiter une adaptation des équipes et des organisations.
Youssef Miloudi. Dans l'idée des changements des fonctions et des métiers, dans le cas que j'ai donné tout à l'heure des systèmes de convoyage complexes, l'opérateur de maintenance allait faire des tournées pour inspecter les différents aque éléments : composite;Date critiques du système. : 26. A Donc, ces actions-là disparaîtront petit à petit avec l'évolution de la mainte-nance 4.0. Mais remplacer l'humain par l'intelligence artificielle n'est pas simple car l'humain a la faculté de rapidement percevoir et identifier un problème. L'intervention humaine sera surtout liée à la mise en place d'une boucle de fiabilité et à l'explication des causes de tel ou tel événement. Grâce à cette explication, on pourra par exemple décider de changer de fournisseur de systèmes de roulement. Là-dessus, la maintenance a toujours eu une expertise très forte, mais elle a rarement eu le temps de l'appliquer. L'équipe de maintenance deviendra en fait un moyen de production grâce à l'apport d'une expertise méthode et production.
Jérôme Desmoulières. Pour rebondir sur ce qui vient d'être dit, pour arriver à ces boucles fermées de fiabilité, il faut qu'il y ait des capteurs – souvent il y en a déjà, mais on peut en rajouter de nouveaux en fonction du cas d'usage. Il faut ensuite envoyer l'information au niveau de la couche supérieure puis la traiter, car ce n'est pas forcément fait dans le niveau bas, en
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Peter Livaudais. Si on veut faire de la prospective, on peut dire que le futur est déjà là, mais qu'il n'est pas distribué de manière égale. Il y a de l'intelligence artificielle et des technologies qui sont déjà opérationnelles. On parle beaucoup de temps réel, mais il faut voir qu'il y a deux boucles distinctes, la première qui est une boucle de régulation, et la seconde qui est une boucle de fiabilité. Mais les temporalités ne sont pas du tout les mêmes. Pour la boucle de régulation, on peut schématiser cela par l'arrêt d'urgence. Pour la maintenance prédictive, c'est la commande d'une pièce car, dans trois mois, je sais qu'il faut la changer. Et si on se place dans le domaine de la mesure et de la métrologie, qui est le cœur de votre revue, je pense que l'on va vers une meilleure discipline dans la maîtrise de la donnée. On parle beaucoup en ce moment de Datalake, donc de soi-disant lacs de données, mais en fait, ce sont plutôt des « Data marécages » en l'état actuel des choses ! Nous avons regardé certains modes de défaillance d'une machine récemment chez un client. Nous avons déterminé quinze mesures de dimensions importantes que l'on devait récupérer dans ce fameux Datalake. Sur ces quinze mesures, il s'avère que seulement sept mesures étaient exploitables. Sauf qu'au final, on s'est rendu compte que ces sept mesures étaient parasitées par trop du bruit. Donc, il faut vraiment aller vers une meilleure analyse, une meilleure compréhension des données et, j'espère, une meilleure démystification de la donnée.