«Sans exemples, on ne peut pas s'identifier»

Le 09/07/2019 à 14:00
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Mesures. Pouvez-vous nous dire ce qui a motivé votre engagement pour la place des femmes dans le milieu professionnel?

Aline Aubertin. Je n'ai pas trouvé ma voie facilement, je n'imaginais pas forcément qu'une femme pouvait travailler dans le milieu de l'industrie. Personne dans mon entourage ne venait de ce monde. J'aurais donc aimé rencontrer des femmes qui auraient pu me parler de leur métier, lorsque j'étais lycéenne. Si l'on n'a pas d'exemples, on ne peut pas s'identifier. Lorsque j'étais en école d'ingénieurs en chimie, il y avait encore peu de femmes, je me suis donc sentie un peu seule dans l'association des anciens étudiants. L'association Femmes Ingénieurs m'a permis de rencontrer des personnes dans la même situation que moi.

Mesures. Cette association a justement pour but de donner des exemples aux jeunes femmes…

Aline Aubertin. Oui, nous assurons la promotion des métiers d'ingénieures, notamment à travers des interventions auprès des lycéennes, pour leur montrer que des carrières intéressantes et bien payées leur sont accessibles. Nous observons ainsi qu'elles ont besoin de se projeter vers un métier concret, tandis que les garçons s'orientent plus facilement vers des formations qu'ils jugent intéressantes sans avoir un débouché précis en tête. Certaines branches comme la chimie ont évolué vers plus de mixité, mais l'idée que les études d'ingénieur sont réservées aux garçons est toujours bien présente. Ces stéréotypes se mettent en place très tôt, dès la petite enfance. D'autres associations, comme La Main à la pâte, prennent ce problème plus en amont, via la promotion des sciences auprès des enfants.

Mesures. Quelles sont les autres actions que vous menez avec Femmes Ingénieurs?

AlineAubertin. L'association mène des actions de lobbying de manière générale. Nous collaborons beaucoup avec les pouvoirs publics, nous communi-quons nos prises de positions. Nous avons par exemple profité du grand débat national pour discuter de la place des femmes dans les métiers scienti-fiques. Nos conclusions ont été com-muniquées auprès de plusieurs ministères, dont celui de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, avec qui nous avons des liens proches et réguliers. Nous nous engageons également dans le cadre du Global Summit of Women, que l'on appelle parfois le «Davos des femmes». Ainsi, cette année, la délégation française comptera six ingénieures, dont la gagnante du Prix de l'ingénieuse de la CDEFI (Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs). Pour nous, c'est très important d'être représentées dans ce type d'événements. Cela montre que les ingénieures s'impliquent aussi dans l'économie.

Mesures. Les entreprises prennent-elles conscience des enjeux liés à la mixité? Aline Aubertin. Oui, elles cherchent à féminiser leurs équipes, car beaucoup de chiffres démontrent que, plus les équipes sont mixtes, plus elles sont performantes et innovantes.Des entreprises comme Sopra Steria, General Electric (GE), Nexter ou RTE sont venues vers nous, car elles étaient intéressées par nos actions et avaient besoin d'aide dans cette démarche. Avec Orange, par exemple, nous menons une action depuis 2009 qui consiste à proposer à des lycéennes de passer une journée avec une femme ingénieure sur un site de l'entreprise. Chez GE, nous avons mis en place un réseau de femmes, ouvert à nos clientes. Nous observons que, dans le milieu de la santé, beaucoup de formations relatives aux compétences de soignantes sont proposées, mais il existe peu d'offres pour développer leur capacité à diriger, à convaincre ou à communiquer. Il y avait donc un intérêt pour cela de la part de nos clientes, en plus du besoin de se retrouver parfois entre elles, car elles évoluent dans un milieu très masculin.

Mesures. Certains secteurs ont-ils du retard à rattraper?

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Les équipes mixtes sont plus performantes et innovantes. ” Aline Aubertin, directrice des achats chez GE Healthcare

Aline Aubertin. Dans le domaine du numérique, le nombre de femmes a tendance à régresser, ce qui est dramatique. D'une part, parce que c'est un bassin d'emplois énorme. Mais aussi parce que, notre monde étant de plus en plus numérique, il pourrait ainsi être de moins en moins adapté aux femmes, si cette tendance se développe sans composantes féminines. Pour exemple, une entreprise ayant développé un logiciel de pilotage vocal pour hélicoptères a dû repousser le lancement de son système, ayant réalisé au dernier moment qu'il ne reconnaissait pas les voix féminines. Les femmes doivent donc être partie prenante de ce monde, ce qui passe par le fait de mettre en avant des modèles. Par exemple, l'initiative Femmes@numérique, dans laquelle nous sommes impliquées, va dans ce sens.

Son parcours

Ingénieure formée à l'École supérieure de chimie physique électronique de Lyon, Aline Aubertin a exercé diverses fonctions, liées notamment au développement d'activités et au marketing. Elle a travaillé pour Pall Life Sciences et Thermo Fischer Scientific, avant de rejoindre General Electric (GE) Healthcare en 2007. Elle y est aujourd'hui directrice des achats. Elle est investie depuis plus de 20 ans au sein de l'association Femmes Ingénieurs, dont elle est actuellement présidente.

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