Les analyseurs de réseau vectoriels

Le 30/03/2019 à 13:30

Le déploiement de la 5 e génération des normes de communications mobiles (5G) et l'importance croissante des radars automobiles pour les véhicules autonomes, pour ne prendre que ces deux exemples, n'auraient pu devenir une réalité sans le développement de nouveaux composants RF et hyperfréquences, et donc leur caractérisation et leur validation en conception et leur contrôle en production. Parmi l'éventail des instruments de mesure à la disposition des ingénieurs, il en est un conçu précisément pour ce type d'applications, à savoir l'analyseur de réseau vec-toriel ( Vector Network Analyzer ou VNA). « C'est un instrument capable de caractériser les paramètres d'un réseau électrique, et donc l'efficacité maximale et la distorsion minimale entre deux points, en mesurant leur effet sur l'amplitude et la phase des signaux de test par un balayage en fréquence et en puissance », rappelle Giovanni D'Amore, Marketing Brand Manager RF & Microwave Products chez Keysight Technologies EMEA and Indian.

Réservés jusque-là àdes experts dans l'industrie aéronautique et de la défense et la recherche en caractérisation des matériaux, les analyseurs de réseau vectoriels se sont démocratisés depuis ces dernières années, pour répondre aux exigences de secteurs comme les objets connectés, l'enseignement, etc.

Keysight Technologies

« La raison première d'utiliser un analyseur de réseau vectoriel est de mesurer les paramètres S et des fréquences de résonance, lors de la conception de circuits d'impédances sur des circuits imprimés afin d'optimiser les transmissions, par exemple. On utiliser aussi un tel instrument dans la pré-conformité de liens numériques, en complément d'un oscilloscope numérique pour la partie temporelle », ajoute Pierre Dupont, Application Engineer chezTektronix France.

Mais l'utilisation de la grande majorité des analyseurs de réseau vectoriels ne se cantonne pas à ces industries.« En France, les utilisateurs les plus importants sont ceux de l'aéronautique et de la défense, de par la présence de grands groupes et de nombreux sous-traitants », précise Philippe Seurre, responsable produits chez Rohde & Schwarz France. « À côté des mesures sur les composants passifs (câbles, filtres, duplexeurs, isolateurs, etc.) et les composants actifs,tels que les amplificateurs, la caractérisation des matériaux représente un autre débouché traditionnel pour les analyseurs de réseau vectoriels. Ces dernières années, ils sont même mis en œuvre pour détecter les changements dans le corps humain », constate José María Pindado Buendía, RF & µW Field Application Engineer chez Anritsu.

Les modules USB se multiplient

Le fonctionnement de base d'un analyseur de réseau vectoriel est d'émettre un signal sur un système, puis de mesurer les ondes réfléchies et transmises sur chacun des ports dudit système. Les informations d'amplitude et de phase issues des paramètres S permettent de déterminer bien d'autres paramètres.

Rohde & Schwarz

Quant à Mark Ashcroft, RF Business Development Manager chez Pico Technology, il voit « dans les marchés de l'enseignement et la caractérisation des matériaux et de leurs propriétés diélectriques une opportunité de forte croissance, comme les secteurs de la chimie, de l'agriculture et de s mines au travers de radars pour la mesure de niveau dans les silos ou de radars à pénétration de sol. » Pour ces débouchés plus récents, auxquels il faut ajouter le marché en explosion des objets connectés (IoT), les traditionnels analyseurs de réseau vectoriels, des appareils de table parfois très onéreux et au fonctionnement complexe réservé à des experts des RF et hyperfréquences, ne sont absolument pas adaptés.

C'est ainsi que sont apparus ces dernières années une ribambelle d'analyseurs de réseau vectoriels au format plus compact, se présentant pour l'essentiel sous la forme d'un boîtier connecté à un PC via une interface USB. « En proposant des modèles au plus juste prix et de surcroît portables, les clients potentiels ne sont plus frustrés », affirme Mark Ashcroft. Giovanni D'Amore (Keysight Technologies EMEA and Indian) ne dit pas le contraire: « Nous avons l'offre en analyseurs de réseau vectoriels la plus large du marché, avec aussi bien des modèles de table (très) haut de gamme et milieu de gamme,des modèles USB et des ressources PXI Express, ainsi que des appareils portables.Quel que soit leur format, tous les modèles reposent sur une plateforme logicielle identique et une plateforme matérielle très proche. Les utilisateurs n'ont alors plus qu'à choisir le facteur de forme le mieux adapté à leur application ».

Ne surtout pas oublier la calibration

Ce qui distingue les analyseurs de réseau vectoriels des autres instruments de mesure électronique, ce sont les kits de calibration. « Il ne s'agit pas de l'étalonnage fait en sortie d'usine et à vérifier régulièrement, mais bien d'une calibration de l'appareil par l'intermédiaire de kits,avant chaque mesure », rappelle Pierre Dupont, Application Engineer chez Tektronix France. Si cette opération est si importante, c'est qu'elle représente un moyen rentable d'améliorer les performances du système de test dans son ensemble, à savoir l'analyseur de réseau vectoriel lui-même, ainsi que les câbles de test, les adaptateurs, les montages et/ou les sondes qui se trouvent entre l'appareil et le DUT, en minimisant les erreurs systématiques. Il existe des dispositifs mécaniques passifs, comme les étalons SOLT ( Short, Open,Load,and Thru ), et des impédances connues commutées électroniquement.

« L'étalonnage est probablement l'une des tâches les plus difficiles lorsqu'on utilise un analyseur de réseau vectoriel.Selon le type de mesure,l'interface et la gamme de fréquence, différents algorithmes peuvent être utilisés », indique José María Pindado Buendía, RF & µW Field Application Engineer chez Anritsu.

Dans le passé, les performances dépendaient beaucoup du facteur de forme, mais cela n'est plus vrai, en particulier pour les analyseurs de réseau vectoriels USB. À l'instar des oscilloscopes numériques, des systèmes d'acquisition de données et d'autres types d'instruments de mesure, d'aucuns pourraient trop facilement associer «modules USB» à «appareils d'entrée de gamme». Mais il n'en est rien pour les analyseurs de réseau vectoriels. Certains modèles du japonaisAnritsu, des américains Copper Mountain Technologies, Keysight Technologies etTektronix ( voir Mesures n°896 ) et du britannique Pico Technology –les deux derniers et le slovène Red Pitaya ( voir Mesures n°903 ) ne sont d'ailleurs présents sur le marché que depuis 2017 ou 2018– rivalisent sans problème avec les appareils de table de la même catégorie des mêmes Anritsu et Keysight Technologies, ainsi que de l'allemand Rohde & Schwarz, le «BigThree» du segment de marché.

« Nous ne prétendons pas venir concurrencer les modèles haut de gamme, mais plutôt viser les applications IoT, qui fonctionnent dans les bandes libres jusqu'à 5 GHz. Ces utilisateurs sous-traitaient jusque-là à des experts ces mesures-là,par méconnaissance souvent.Mais les performances de notre TTR500 ne se font pas au rabais : grâce à un Asic propriétaire, elles sont identiques à celles des modèles milieu de gamme de table, pour un prix environ 2,5 fois inférieur. Et comme on utilise un PC externe pour l'interface utilisateur et le post-traitement, on s'affranchit des problèmes d'obsolescence du PC », constate Pierre Dupont (Tektronix France).

Obtenir les paramètres S et bien d'autres valeurs

« Malgré l'avènement du facteur de forme USB, ou en général de modèles plus économiques, l'utilisation d'un analyseur de réseau vectoriel est encore bien souvent restreinte au laboratoire. Une application telle que les IoT peut changer cette tendance, mais nous n'en sommes pas encore là.Aussi,pour un analyseur de réseau vectoriel,les spécifications techniques sont toujours aussi essentielles, et le prix reste directement corrélé à celles-ci », précise toutefois Giovanni D'Amore (Keysight Technologies).Il faut néanmoins relever que l'offre en analyseurs de réseau vectoriels se compose surtout de modules USB et de table. Le nombre d'appareils portables et de cartes au format PCI ou PXI Express est très, très limité, ce qui est suffisamment rare pour le souligner. À noter que nous n'avons pris en compte ni les analyseurs de câbles et d'antennes, une catégorie assez courante parmi les appareils portables, ni les instruments de table multifonctions. Intéressons-nous maintenant au fonctionnement d'un analyseur de réseau vectoriel, pour déterminer ensuite les principales spécifications contribuant au choix d'un tel instrument de mesure. « Le fonctionnement de base d'un analyseur de réseau vectoriel est d'émettre un signal sur un système,puis de mesurer les ondes réfléchies et transmises sur chacun des ports dudit système », résume Philippe Seurre (Rohde & Schwarz France). « La mesure de ces différentes ondes permet de déterminer les paramètres S [S pour Scattering , NDLR] d'un dipôle ou d'un multipôle, actif ou passif. Pour cela, un analyseur de réseau vectoriel mesure le module et la phase sur une bande de fréquence donnée grâce à un balayage entre la fréquence de départ et la fréquence d'arrivée », explique Éric Douziech, technicien Méthodes chezTrescal.

Mais la caractérisation de la perfor-mance RF et hyperfréquence d'un composant peut se faire de plusieurs façons différentes: « Des informations d'amplitude et de phase issues de la matrice de diffusion, plus connue sous l'appellation de paramètres S, on peut également déterminer les paramètres, tels que le coefficient de réflexion, le ROS, le retard de groupe,etc. », poursuit José María Pindado Buendía (Anritsu). Les ingénieurs peuvent encore obtenir le point de compression –au lieu d'un balayage de fréquence, un balayage en puissance permettrait d'extraire les caractéristiques linéaires ou non linéaires de certains dispositifs– et d'autres paramètres, comme le comportement non linéaire (mesures IMD), les mesures NF, le comportement impulsionnel, les mesuresTD, etc.

« Il est important de mesurer à la fois l'ampleur et la phase des composantes pour plusieurs raisons : caractériser entièrement un réseau linéaire et assurer une transmission sans distorsion, concevoir des réseaux d'adaptation efficaces via des modèles précis, corriger les erreurs vectorielles grâce à un modèle d'erreur, améliorer le haut niveau de précision – même pour les mesures scalaires (perte de retour), etc. », liste Giovanni D'Amore (Keysight Technologies EMEA and Indian).

Une architecture commune, avec des variantes

Même si tous les modèles reposent sur une architecture matérielle commune, un analyseur de réseau vectoriel haut de gamme peut fonctionner jusqu'à des fréquences de 1 THz via des modules externes, afficher une dynamique du système jusqu'à 140 dB à 1 GHz et un bruit de trace très faible.

Anritsu

Les performances de certains analyseurs de réseau vectoriels au format USB (ici le TTR500 de Tektronix) ne se font pas au rabais. Elles sont bien souvent identiques à celles des modèles milieu de gamme de table, pour un prix environ 2,5 fois inférieur.

Tektronix

Pour ce qui est de l'architecture matérielle d'un analyseur de réseau vectoriel, on retrouve grosso modo les mêmes principaux éléments, quel que soit le modèle. « Il s'agit d'une ou plusieurs sources RF, de dispositifs de séparation (du signal incident du signal réfléchi ; les coupleurs) et de récepteurs. Ces derniers convertissent ensuite les signaux reçus en fréquences intermédiaires (FI) fixes, qui seront numérisées pour un traitement du signal par une carte processeur afin de visualiser les résultats sur un écran »,décrit Éric Douziech (Trescal). Mais certains analyseurs de réseau vectoriels, notamment les modèles haut de gamme, peuvent différer, principalement dans la manière d'appréhender les fréquences plus élevées, où des processus non linéaires sont nécessaires pour convertir les fréquences. Les sources RF sont basées soit sur des oscillateurs commandés en tension à boucle ouverte (VCO), soit sur des sources synthétisées, plus chères mais aux performances meilleures. Le bruit de phase excessif desVCO dégrade en effet considérablement la précision lors de la mesure de composants à bande étroite sur de petites plages de fréquences.

On distingue deux types de systèmes de division du signal: les premiers pour mesurer une partie du signal incident, afin de fournir une référence pour le calcul du rapport, et les seconds pour séparer les ondes incidentes et réfléchies à l'entrée du DUT. Dans le premier cas, il peut s'agir de séparateurs, qui sont généralement résistifs, non directionnels et pouvant être à très large bande. Ou alors il peut s'agir de coupleurs directionnels. Ils se distinguent par une très faible perte d'insertion (par le chemin principal), de bonnes isolation et directivité, et ce jusqu'aux hyperfréquences, mais pas en dessous de 40MHz environ.

Pour les diviseurs mis en œuvre pour séparer signaux incidents et réfléchis, ce sont des coupleurs qui sont privilégiés pour leur «directionnalité», leur faible perte et une isolation inverse élevée. Mais, à cause de la difficulté de fabriquer des coupleurs vraiment à large bande, on utilise souvent plutôt des ponts. Leur avantage est de fonctionner en courant continu, leur inconvénient réside dans des pertes accrues, réduisant alors la puissance de signal fournie au DUT.Au niveau de la conversion de la fréquence RF à la FI, l'intégration d'un seul oscillateur libre (OL) oblige de positionner ce dernier à la fréquence RF puis à la FI, à chaque mesure, ce qui a des répercussions sur la précision de mesure.

Une autre différence réside dans le nombre de récepteurs. « Dans les modèles d'entrée de gamme,source et diviseur de signal sont souvent couplés à un récepteur physique et à un système de commutation pour basculer entre les deux ports. Dans les modèles de gammes supérieures, chaque port dispose de deux récepteurs physiques, l'un de référence et l'autre de mesure. Cela se complique avec les systèmes multiports comme le ZNBT », précise Philippe Seurre (Rohde & Schwarz France). Comme il y a un nombre limité de récepteurs physiques, une matrice de commutation est en effet ajoutée pour adresser toutes les voies de référence et de mesure.

Toujours évaluer avant d'acheter

La fiche technique d'un analyseur de réseau vectoriel recèle une foultitude de valeurs, ce qui ne facilite pas la recherche d'informations. Il ne faut donc jamais faire son choix sur le papier, le meilleur comportement étant d'évaluer l'appareil avant de l'acheter, même pour un modèle USB.

Pico Technology

Au-delà de son fonctionnement, il est encore plus pertinent, pour un futur acquéreur, de savoir à quelles spécifications il faut s'intéresser avant d'acheter un analyseur de réseau vectoriel. Pour Paul Laizier, responsableAntenneThales Alenia Space chezTrescal, « les caractéristiques principales sont la bande de fréquence, le nombre de ports, la dynamique de mesure, le nombre de sources, la portabilité, la variété des applications de mesure intégrées, la possi-bilité d'évolution, etc., tout cela dépendant forcément de l'application prévue ». On peut encore citer la précision et la stabilité de mesure, le bruit de trace, la vitesse de balayage –important en production–, la puissance en sortie, le type d'inter-face,etc.

Le premier critère à prendre en compte est évidemment les fréquences minimale et maximale auxquelles l'utilisateur va travailler. « Après il n'y a pas vraiment de caractéristiques qui sortent du lot, c'est l'application qui dictera les choix , affirme Philippe Seurre (Rohde & Schwarz France). Par exemple, une grande dynamique sera nécessaire pour tester des filtres, mais 40 dB suffisent pour des tests de CEM sur des câbles. Ou si l'on cherche à mesurer un facteur de bruit, il sera préférable de s'orienter vers une machine haut de gamme. » Pour José María Pindado Buendía (Anritsu), « la directivité brute pourrait également être considérée comme une spécification clé,car elle affecte directement les mesures de réflexion en introduisant certaines erreurs.Bien que la calibration [voir encadré page 41] élimine les erreurs inhérentes aux composants de l'instrument, il est toujours préférable de choisir les meilleures performances matérielles comme point de départ. » Lorsque l'on regarde dans le détail la fiche technique d'un analyseur de réseau vectoriel, on s'aperçoit très vite de la foultitude de valeurs qu'elle renferme, ce qui ne facilite pas la recherche d'informations. Dans le tableau de cet article, toutes les valeurs sont des mesures spécifiées et données à la fréquence de 1 GHz, sauf mention contraire (mesures typiques ou à la fréquence maximale, par exemple). Ce qui fait dire Mark Ashcroft (Pico Technology) qu'« il ne faut jamais choisir un analyseur de réseau vectoriel sur le papier, mais que le meilleur comportement est d'évaluer l'appareil avant de l'acheter ».

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