Parmi les prestations proposées par les fabricants, citons les formations intra-entreprise ou inter-entreprises, le forum d'entraide pour les instrumentistes www.instrumexpert.com, les événements tels que Petits Dèj' de l'instrum', etc.
Vega Ces dernières années, les fabricants d'instrumentation de process mettent en avant, plus souvent, leur offre respective en prestations d'étalonnage ou en formation, par exemple, en parallèle du lancement de nouveaux produits. S'il est évident de s'intéresser aux spécifications et aux coûts d'un transmetteur de pression, d'une platine d'analyses physico-chimiques ou encore d'un débitmètre à effet Coriolis lors de son achat, pour s'assurer qu'ils répondent aux exigences et au budget de l'industriel, les services revêtent aussi une grande importance, les entreprises n'ayant plus forcément en interne l'expertise nécessaire.
Lorsque l'on parle de services liés à l'instrumentation de process, on entend par là plusieurs activités différentes. « Le service, c'est avant tout amener aux clients le conseil, le support, la compétence dont ils ont besoin pour utiliser au mieux leurs instruments de mesure, avec la meilleure fiabilité, et donc pour obtenir une mesure juste, ou alors des informations quand la mesure n'est plus conforme », explique Christian Knecht, responsable marketing Industries chez Endress+Hauser France.Tous les fabricants interrogés proposent en effet des services qui peuvent se ranger dans quatre grandes catégories. On trouve ainsi les prestations liées à la mise en service, à la maintenance et la réparation, aux contrôles périodiques et l'étalonnage, ainsi qu'à la formation.
« Notre offre de services regroupe des prestations basiques, telles que la mise en service ou le dépannage, et des prestations comme la préconisation technique dans le cas d'applications particulières (commande conditionnelle), en support des ingénieurs technico-commerciaux, les essais technologiques en débit et en niveau pour optimiser un process, ou des vérifications et des contrôles sur site,qui sont de plus en plus demandés,en complément des étalonnages dans notre usine de Romans-sur-Isère », explique Patrick Bret, responsable Services chez Krohne France. « Les services se gèrent dans le cycle de vie du produit, en commençant par le support au niveau du cahier des charges. Lorsque la demande n'est pas assez précise, nous devons questionner le client, pour l'aider à définir les bons paramètres », insiste Christian Moison, directeur des opérations au sein de la LBU Measurement & Analytics d'ABB France.
Le service, c'est amener aux industriels le conseil, le support, la compétence dont ils ont besoin pour utiliser au mieux leurs instruments de mesure, avec la meilleure fiabilité, et donc pour obtenir une mesure juste, ou alors des informations quand la mesure n'est plus conforme.
Endress+Hauser
De la préconisation aux formations
Pour Fabrice Martin, responsable des opérations et du traitement des commandes chez Yokogawa France, « nous pouvons proposer de nombreux services, mais, en instrumentation, ils s'articulent surtout autour de la mise en service ( commission-ning ), de la maintenance et de l'étalonnage. Ces services accompagnent en fait la vente de nos produits. » Christophe Bonnefoi, chef de produits Débitmétrie et Sales Specialist chez Siemens France, ajoute que « la plus grande partie des prestations de vérification concerne les débitmètres. » Fabrice Martin (Yokogawa France) indique toutefois que « les appareils ne sont plus aussi souvent réparés qu'avant. Une fois la durée de vie atteinte, le choix entre réparation et achat d'un appareil neuf est très discuté, et les industriels s'orientent désormais plutôt vers le second choix, d'autant qu'un appareil réparé ne présente pas la même garantie qu'un modèle neuf ».
Christian Wendling, responsable du service clients chezVegaTechnique, remarque toutefois que « nous ne faisons pas autant de contrôles périodiques ou annuels et de recalibrages que cela. C'est lié au fait que les transmetteurs de niveau radar, l'un de nos cœurs de métier avec la mesure de pression, ne dérivent pas.Cela peut nous être demandé pour les sites classés Seveso. » Parmi les autres prestations proposées, le fabricant allemand cite également le site Internet www.instrumexpert.com (le forum d'entraide pour les instrumentistes) et les événements tels que Petits Dèj' de l'instrum' –ces séminaires techniques d'une demi-journée sont organisés toute l'année dans une multitude de villes et fêteront leurs 10 ans en 2019. « En plus de la préconisation avant l'achat d'un matériel,qui est le premier service proposé aux clients, le délai de fabrication et de livraison est un autre service non négligeable. Certains clients y regardent en effet de près, surtout quand ils sont dans l'urgence. C'est pour cela que plus de 80 % de nos capteurs sont livrés sous cinq jours », poursuit Christian Wendling.
En ce qui concerne la dernière catégorie de services, les fabricants d'instrumentation de process proposent deux types de formation. « Les clients ont le choix entre des formations internes (ou intra-entreprises), réalisées chez eux et adaptées au plus près de leurs besoins,avec les technologies et les matériels qu'ils utilisent,et des formations externes (ou inter-entreprises),qui sont organisées dans nos sites.Il existe différents niveaux de formation, de la simple découverte du matériel jusqu'aux formations très avancées pour les techniciens », explique Patrick Bret (Krohne France), dont la société est d'ailleurs reconnue organisme de formation, comme la majorité des autres constructeurs. À noter que les forma-tions interentreprises, organisées à des dates définies à l'avance, affichent un programme plus figé et moins spécifique que celui des formations internes et ne peuvent bien souvent accueillir que six personnes au maximum par session de formation.
À côté des services conventionnels, Emerson Automation Solutions a mis en place des services relatifs aux arrêts d'unités pour les équipements de terrain. Ces services s'articulent autour de la préparation de l'arrêt, de la supervision de l'arrêt et des contrats de services.
Emerson Automation Solutions
Des activités en forte croissance
« En complément de tous ces services conventionnels, nous avons mis en place des services relatifs aux arrêts d'unités pour les équipe-ments de terrain , explique Jérôme Desmoulières,Services & Solutions Sales Manager chez Emerson Automation Solutions France. Ces services s'articulent autour de trois grandes familles : la préparation de l'arrêt, avec des prestations d'audit et de conseil, des relevés sur site numérisés via le développement d'outils dédiés, la définition et le ciblage des travaux à faire,la gestion du cycle de vie et de l'obsolescence, l'information sur les nouvelles technologies limitant les frais de maintenance ; la supervision de l'arrêt dans le cadre de nos domaines d'expertise (encadre-ment de travaux, suivi des plannings et des délais, gestion des imprévus, coordination des sociétés intervenantes,vérification et validation des travaux effectués, validation documentaire et retours) ; et les contrats de services. » Le groupe américain a en effet développé il y a plus de cinq ans, d'abord pour les vannes et désormais pour la mesure, les vannes et soupapes, ainsi que les systèmes de contrôle, ce type de contrats de services, qui intègrent la maintenance préventive, la hotline, la migration des systèmes et la gestion du cycle de vie des équipements, les services connectés.
Au vu de l'éventail des services proposés, on pourrait s'attendre à ce que le chiffre d'affaires réalisé par chaque constructeur sur ce segment de marché soit significatif. Il n'en est rien, la part des services ne représentant que quelques pourcents seulement des ventes en instrumentation de process. « Ce n'est pas un centre de profits pour nous, il s'agit d'être à l'équilibre par rapport aux coûts que l'activité engendre », indique Christian Wendling (Vega Technique). « Mais les services peuvent faire la différence entre deux fabricants proposant des transmetteurs très proches. C'est pour cela que tout le monde se dirige vers cette activité », observe Fabrice Martin (Yokogawa France).
La majorité des personnes interviewées s'accordent toutefois sur la (très) forte progression que connaît leur activité de services ces dernières années. « Notre activité de services a doublé en dix ans, même si elle reste encore très faible », affirme Patrick Bret (Krohne France). Christian Moison (ABB France) fait remarquer qu'« il manque, dans tous ces chiffres, la part des services réalisés par les clients.Nous avions estimé en 2006 que cela représentait 75 % du marché.Si la tendance était à l'externalisation pour dénicher des gains supplémentaires, certains industriels font aujourd'hui marche arrière en réintégrant cette activité ».
Des demandes de services surtout pour les débitmètres
Si les services (mise en service, maintenance, étalonnage, formation) sont disponibles pour toute l'instrumentation de process, on constate toutefois quelques différences selon le type d'appareils de terrain. « Pour les capteurs classiques et basiques (pour la température ou la pression,par exemple),il est rare qu'un client final demande une mise en service. C'est lui-même,ou son intégrateur,qui arrivera à le faire.D'autant que,les capteurs étant sur étagère,il pourra utiliser des modèles de différents fabricants », constate Fabrice Martin, responsable des opérations et du traitement des commandes chez Yokogawa France. « Nous avons fait un gros effort sur la personnalisation de configuration des transmetteurs,ce qui leur permet d'arriver prêt à l'emploi chez le client », ajoute Christian Knecht, responsable marketing Industries chez Endress+Hauser France. Patrick Bret, responsable Services chez Krohne France, confirme les propos de Fabrice Martin, en ajoutant que « s'il peut exister une demande de mise en service pour les solutions d'analyse de chlore libre ou de matières en suspension (MES),ce sont les points de mesure plus complexes (débitmètres, transmetteurs de niveau radar,sonde de température dans un doigt de gant,etc.) qui requièrent une assistance ». Ou encore avec une mesure de P, de pH avec une électrode spécifique, avec un chromatographe en phase gazeuse ou sur des applications particulières. Comme le précise Christophe Bonnefoi, chef de produits Débitmétrie et Sales Specialist chez Siemens France, « la plus forte demande [relative] de services pour les débitmètres s'explique par des applications bien plus de réglementées,à l'instar des transactions commerciales ». Il y a par ailleurs un autre facteur qui entre en ligne de compte dans le choix d'une mise en service, ou non. « Ramener à la valeur marchande d'un transmetteur (de l'ordre de 1000 euros),on ne peut pas dépêcher un technicien sur place,et les utilisateurs veulent du Plug & Play.En analyse liquide et gaz,le prix des systèmes est plus élevé,il y a encore moins de personnels experts chez les clients et ces derniers,qui ne veulent pas prendre de risques,font appel au constructeur », explique Christian Moison, directeur des opérations au sein de la LBU Measurement & Analytics d'ABB France. |
Une perte des compétences chez les clients
La faible part des services n'empêche toutefois pas les fabricants d'instrumentation de process de faire évoluer leur offre de services pour répondre à l'évo-lution des demandes de leurs clients. Avant de poursuivre, il faut rappeler certaines grandes tendances auxquelles est confrontée l'industrie en général, tendances ayant des conséquences sur ce que recherchent les industriels en matière de services. Parmi les défis, on trouve notamment la perte des compétences et du savoir-faire en matière de mesure et d'analyse. Sur le marché des services,les industriels ont un problème important lié à la pyramide des âges, ce qui se traduit par une perte du savoir-faire basé sur l'expérience. Ils se tournent alors vers les constructeurs. « On se rend compte que le métier premier des clients finaux est de produire (des yaourts, du gaz,des produits chimiques) et que la connaissance de leurs instruments et de leur parc se perd », rappelle Christian Knecht (Endress+Hauser France). Jérôme Desmoulières (Emerson Automation Solutions France) poursuit en ajoutant qu'« il y a également un turnover des équipes dans certaines industries et un effet générationnel. Les jeunes générations n'hésitent plus à changer de société, voire de métier. Les entre-prises doivent donc recourir à des demandes pour de longues durées, afin de remplacer un technicien parti ou alors répondre à une augmentation de la charge de travail ».
Pour la majorité des constructeurs d'instrumentation de process, leur activité de services connaît une (très) forte progression ces dernières années. Krohne a d'ailleurs vu son activité doubler en dix ans, même si elle reste encore très faible.
Krohne Pour tous ces facteurs, tous les acteurs constatent une progression de la demande en termes de formation. Christophe Bonnefoi (Siemens France), Fabrice Martin (Yokogawa France) et Christian Wendling (Vega Technique) pointent une autre raison, qui s'inscrit dans la tendance de ré-internalisation dans certaines entreprises. « Il s'agit de permettre aux clients de devenir plus autonomes, pour être en mesure de réaliser les premières expertises techniques en maintenance », précise Christophe Bonnefoi. Pour Patrick Bret (Krohne France), « notre catalogue de formations s'étoffe d'année en année,avec une spécialisation dans des métiers, comme ce que l'on fait déjà pour le secteur du nucléaire.C'est avec un service applicatif (formation, contrats de maintenance) que nous arriverons à créer encore de la croissance ».
De plus en plus de services réalisés à distance
Un autre point commun dans l'évolution des services est le rôle joué par les nouvelles technologies, rôle qui se traduit par plusieurs formes. « Le marché doit s'orienter vers plus de connexions entre le client final et le constructeur aux moyens des nouvelles technologies, d'où la recherche de nouvelles approches de services assurant l'interface à distance entre les équipes », affirme Christian Moison (ABB France). « Au lieu d'envoyer un technicien sur site pour une mise en œuvre ou un dépannage,ces opérations peuvent désormais se faire à distance.Pour cela, notre hotline peut accompagner le client par téléphone, ou alors nous envoyons une valise contenant tous les outils pour une vérification et une connexion 3G ou 4G », explique Christian Knecht (Endress+Hauser France). Ce type de solutions, que proposent également les allemands Siemens (Sitrans F M Verificator) et Vega, présente un autre avantage, à savoir de ne pas entrer dans le réseau de l'entreprise. L'utilisation des smartphones et des tablettes numériques par les opérateurs et les techniciens de maintenance n'a pu se faire que parce que les débitmètres, les chromatographes et autres instruments de terrain ont bénéficié des technologies telles que le Bluetooth (plateforme plics de Vega associée à une application Android ou iOS, par exemple) ou le diagnostic avancé embarqué (comme le Heartbeat d'Endress+Hauser). « Nos appareils intègrent désormais aussi des serveurs distants, pour accéder, à distance ou en local via une tablette, aux premières informations de mise en place ou de dépannage », poursuit Christophe Bonnefoi (Siemens France). Cette tendance rejoint celle, plus géné-rale,delanumérisation des réseaux et des usines.
Le marché doit s'orienter vers plus de connexions entre le client final et le constructeur aux moyens des nouvelles technologies.
ABB Au-delà des capteurs et des transmet-teurs, des constructeurs travaillent sur le développement d'une intelligence à ajouter à un niveau plus élevé. « C'est en fait intégrer l'expertise des techniciens et des technologies dans des logiciels. L'intelligence a pour fonction de récupérer les données permettant d'identifier un problème. Cela existe déjà en analyse, comme avec le système de suivi des émissions en continu (CEMS)ACF5000, pour les clients ayant des contraintes réglementaires », explique Christian Moison (ABB France). L'ajout d'intelligence permet d'amener de la valeur ajoutée supplémentaire aux industriels. « Nous sommes ainsi capables d'apporter une analyse des résultats à partir des étalonnages et de conseiller le client sur ses intervalles d'étalonnage », indique Christian Knecht (Endress+Hauser France).
Dans un avenir plus ou moins proche, les capteurs demanderont directement au technicien de venir. Cela fera appel à d'autres compétences.
Yokogawa
Une mutation des métiers liés aux services
Le groupe helvético-suédois ABB a d'ailleurs développé le logiciel FIM ( Field Information Manager ), qui est présenté comme le premier outil basé sur la technologie FDI ( Field Device Integration ; voir Mesures n°859 ) pour la gestion des instruments de terrain. « Pour la mise en service, les techniciens peuvent préparer tous les équipements àins-taller, puis télécharger les configurations une fois sur site. Le gain de temps est impressionnant. La collecte des données, elle, se fait soit par un rondier équipé d'un PC, soit via un réseau propre à la maintenance et associé à un cloud propriétaire ou en service de partage.Les utilisateurs peuvent ensuite réaliser des analyses et actions, générer automatiquement des rapports en cours d'exploitation », décrit Christian Moison. Du côté de Vega, le constructeur propose l'espace client MyVega. « Une fois identifié, le client yre-trouve le suivi de ses commandes et des livrai-sons, il peut voir une configuration, avec tarif, ou générer une offre de prix, selon les droits utilisateurs. D'autres opérations seront prochainement disponibles, comme la configuration des capteurs sauvegardée », décrit Christian Wendling (VegaTechnique). Toutes ces évolutions vont contribuer à la mutation des métiers liés aux services. Du côté des constructeurs, d'abord : « Nous avons renforcé nos services conventionnels,développé de nouveaux services au-delà du contrôle-commande (purgeurs vapeurs, détection de corrosion des tuyaux, fuite de liquide ou de gaz) et,surtout,nous avons créé des pôles interdisciplinaires,pour répondre à l'évolution des technologies et poursuivre vers encore plus de mobilité et de services connectés.Et tout cela dans une démarche globale de groupe, soutenu par notreR&D,etbâti autour de notre écosys-tème numérique Plantweb », explique Jérôme Desmoulières (Emerson Automation Solutions France).
L'utilisation des smartphones et des tablettes numériques n'a pu se faire que parce que les instruments de terrain ont bénéficié de serveurs distants embarqués.
Siemens Et du côté des industriels, aussi: « Dans un avenir plus ou moins proche, avec les nouvelles technologies,la miniaturisation des capteurs, les objets connectés industriels (IIoT), les capteurs demanderont directement au technicien de venir.Cela fera appel à d'autres compétences. Les entreprises, les établissements formant aux BTS CIRA et aux DUT Mesures physiques,ainsi que nous-mêmes devront nous adapter », renchérit Fabrice Martin (Yokogawa France). « Pour bien décrypter les tendances, les technologies évoluant de plus en plus rapidement, pour bien évaluer les besoins des clients,la clé du succès est de s'adapter en permanence et d'être créatif pour proposer les meilleurs services », conclut Jérôme Desmoulières (Emerson Automation Solutions France).
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