Leprocesseur,ouCPU (Central Processing Unit), est le cerveau d’un automate.Les modules portant ce composant sont souvent qualifiés eux-mêmes de contrôleursoud’automates.Lereste du système peut ensuite comporter différents éléments, principalement les entrées/sorties.« Le processeur est le composant où s’exécutent les programmes et où sont traitées les données, bien que cela puisse être parfois décentralisé », décrit Olivier Rambaldelli, en charge du marketing chez B&R Automation France (groupe ABB). « Le processeur définit la puissance de calcul, ainsi que le nombre d’entrées/sorties que le système peut gérer », indique Maxence Prouvost, gérant de l’offre machine solution chez Schneider Electric. « Les modules CPU sont vendus principalement aux fabricants de machines , note Pierre Hervy, responsable technique chez Beckhoff. Mais on en trouve dans tous les secteurs d’activité utilisant des automatismes,jusqu’aux bâtiments. » Cette brique se présente sous différentes formes, selon les fabricants, de la carte électronique au petit PC embarqué. Ces modules CPU peuvent s’installer en rackcomme en armoireélectrique,sur rail DIN.
De nombreux fabricants proposent aujourd’hui des automates modulaires: leur processeur est intégré sous forme de carte ou de module.Cela permet de mettreaupoint des systèmes personnalisés, ou évolutifs.« Si l’on veut répondreà tous types d’applications, il faut être adaptable », explique Daniel Hengy, en charge des automates industriels chez Schneider Electric. Siles petits automates en bloc unique peuvent convenir àdepetites applications, les machines ont tendance àêtre deplus en plus modulaires, avec des extensions d’entrées/sorties.« La flexibilité est un élément clé, permettant de produire plus vite età moindrecoût des produits variés », continue Daniel Hengy.« L’utilisateur peut aisément faire évoluer sa configuration matérielle, en ajoutant une interface de communication ou en passant àune CPU plus puissante,sans rien changer àson application, explique Olivier Rambaldelli (B&RAutomation). La portabilité du logiciel ou des applications est garantie d’un module àl’autre. » Deplus, certaines modifications matérielles, comme l’ajout de cartes, sont aujourd’hui possibles àlavolée,sans nécessiter l’arrêt de la production.
Veiller àlacybersécurité
Comme tout système connecté via Ethernet, les modules processeurs doivent répondre àdes critères de sécurité. « C’est devenu un enjeu majeur pour les industriels, estime Daniel Hengy, en charge des automates industriels chez Schneider Electric. Il faut prendredes mesures pour restreindrel’accès àl’automate. » Ainsi, le cryptage natif des communications, via un réseau privé virtuel (VPN), est une fonction importante. D’autres verrous sont implémentés, selon les fabricants, comme l’impossibilité de modifier le firmware (programme intégré au système matériel) àl’insu du gérant, sous peine d’empêcher le démarrage de l’automate. Au-delà de l’automate lui-même, il convient d’appliquer les bonnes pratiques habituelles àl’échelle de l’usine, comme la fragmentation du réseau et l’installation de systèmes comme des pare-feu. Des services de cybersécurité sont également proposés aux industriels, comme le Network Engineering &Cybersecurity de Schneider Electric, qui propose des audits et conseille des stratégies. Àl’avenir, l’implémentation de la 5G dans les usines, et dans les modules processeurs eux-mêmes, changera la façon dont les industriels abordent la sécurité: « la 5G,en permettant un accès autonome aux services cloud,devrait faciliter les choses, prévoit Pierre Hervy, responsable technique chez Beckhoff. L’un des intérêts du cloud est de réduireleparamétrage nécessaireausein du réseau de l’usine, comme la gestion des adresses IP,oulasegmentation du réseau ». |
L’échange d’un module processeur pour un modèle plus puissant peut s’effectuer sans nécessiter de développement logiciel, et parfois sans même interrompre la production.
B&R Automation « La grande tendance pour ce type de produits va vers de plus grandes capacités de communication, commente Maxence Prouvost (Schneider Electric). Les modules actuels ont plus defacilités pour gérer les entrées/ sorties et les différents types de réseaux, en particulier sur Ethernet. » Les fabricants proposent ainsi un catalogue d’entrées/ sorties variées: Tout-ou-Rien (TOR), analogiques, mais aussi des cartes métiers (pour le pesage ou le comptage), des cartes de communication pour dialoguer avec un système de supervision, ou des bus deterrain, pour le côté machines.« Notre gamme CX contient un coupleur intégré pour les modules d’entrées/ sorties que l’on peut brancher simplement, illustre Pierre Hervy (Beckhoff). Pour gérer cela sur un PC industriel, il faudrait sortir sur un réseau de terrain,donc utiliser un coupleur déporté ».
Différentes options de connexion
L’approche modulaire permet ainsi d’ajouter plus facilement de nouvelles recettes àunprocess, en intégrant des modules supplémentaires pour gérer plus de convoyeurs. Enrevanche, en comparaison d’un PC industriel, certaines extensions sont moins adaptées. « Nos PC embarqués CX ne permettent pas de rajouter de cartes PCI, ou PCI Express,qui pourraient donner accès àune connexion 5G ou servir àbrancher une caméra, prévient Pierre Hervy. C’est un système plus limité qu’une solution au format ITX. On pourrait comparer cela àladifférence entreune tour et un PC portable.Sur ce dernier,les modifications possibles sont moindres ».
Les modules processeurs se différencient par la connectique qu’ils intègrent, comme les ports USB et série, qui peuvent apporter des fonctions de maintenance et de diagnostic,ouCAN, qui sont employés notamment pour les besoins de connectique temps réel. Dans le cadredurapprochement entre l’informatique et les automatismes, les ports Ethernet ont aussi leur importance.« Comme les industriels ont de plus en plus de recettes àgérer, ilfaut pouvoir se connecter àdes datacenters pour obtenir la bonne recette au bon moment », illustre Maxence Prouvost (Schneider Electric). « Les clients demandent des communications sur Profinet,EtherNet/IP ou ModbusTCP/IP, tous sur Ethernet », note Franz Aschl, directeur de l’innovation chez Sigmatek. Le standard OPC UA, également sur Ethernet, est également de plus en plus utilisé, son objectif étant précisément d’unifier les réseaux de terrain avec les réseaux informatiques.
Les processeurs évoluent vers des architectures multicœurs, permettant notamment de subdiviser plus simplement les tâches àaccomplir.
Beckhoff Dans ce contexte, Schneider Electric a fait le choix de concevoir ses automates à100% sur Ethernet: « cela permet de traverser l’architecture defaçon transparente, jusqu’aux actionneurs, argumente Daniel Hengy. Les modèles plus anciens,eux,étaient conçus àpartir d’un fond de panier propriétaire. »L’interfaçage avec certaines cartes est ainsi facilité. Schneider Electric offre par exemple une compatibilité avec les cartes métiers de ses partenaires, comme Scaime (pesage) ou Prosyst (performances industrielles). Ethernet permet également l’accès àunserveur web embarqué, une fonction de plus en plus courante. C’est une façon simple de stocker etdemodifier des réglages. Pour protéger les données transitant sur le réseau Ethernet, il faut aussi assurer des fonctions de sécurité. Certains modules CPU proposent donc des fonctions de réseau privé virtuel (VPN).
La puissance de calcul est un autrefacteur de différenciation des modules processeurs.Lechoix de ce critère dé-pend notamment du nombre d’entrées/sorties àcontrôler.Encomparaison d’un PC industriel, les modules CPU peuvent être « plus petits, etsans ventilateur ou autre système de refroidissement »,compareFranzAschl (Sigmatek). Ils sont donc généralement conçus pour faciliter la dissipation thermique,mais cela impose une contrainte sur la puissance qu’il est possible d’atteindre. « Grâce àl’évolution des performances des processeurs,tant en termes de consommation d’énergie que de capacités de traitement, tous nos modules sont sans ventilateur depuis environ trois ans », indique Olivier Rambaldelli (B&R Automation).
Le processeur étant une source de cha-leur, une conception fanless impose également une limite àlapuissance de calcul.Cette limite peut êtrecontournée grâce àcertains modules d’entrées/sorties spécialisés, qui permettent de réduire lacharge de traitement du processeur.Ainsi,certains modules assurent l’acquisition de signaux issus de capteurs, mais aussi leur traitement. La donnée est ainsi fournie au processeur sous une forme directement exploitable. « Ce type de module peut être plus ou moins intelligent, décrit Olivier Rambaldelli. Le principe de décentralisation est intéressant lorsque l’on cherche une grande rapidité.Le traitement de l’entrée et la conver-sion peuvent êtreassurés dans le module d’entrée/sortie lui-même,en une microseconde. » Ce mode de fonctionnement est pertinent pour des applications telles que le remplissage,pour faireréagir un bec en fonction du niveau atteint dans un récipient. « Cela ne remplace pas la fonction du processeur,mais peut répondre àdes besoins particuliers », précise le responsablemarketing de B&R Automation.
Des processeurs peu gourmands
Plusieurs types de processeurs se retrouvent dans les modules.Ceux d’ARM sont couramment utilisés: « l’arrivée des processeurs ARM dans le monde de l’embarqué abeaucoup contribué àl’évolution des automates, rappelle Olivier Rambaldelli. Cela ad’ailleurs poussé son concurrent Intel àdévelopper des processeurs performants àbasse consommation. »Lafaible consommation électrique des composants est d’autant plus importante pour les modules les plus compacts. « Pour ces modèles, nous avons opté pour des processeurs ARM Cortex A8 », explique-t-il. La miniaturisation est une tendance générale dans les automatismes, et cela se reflète dans les gammes de modules CPU. Bien sûr, réduire lataille peut imposer une réduction de la puissance de calcul: ilfaut donc trouver le compromis optimal.
La pérennité des composants est aussi un facteur important pour les fabricants d’automates.Tous les processeurs ne sont pas égaux de ce point de vue.« Nos clients ont besoin que nous assurions une durée de vie importante ànos produits,d’au moins 15 ans, rapporte FranzAschl (Sigmatek). Or les processeurs Intel changent trop souvent, ce qui impose de revoir la conception de nos modules pour nous yadapter. »Pour ces raisons, le fabricant autrichien afait le choix de s’orienter vers des processeurs de type Edge2.
Les processeurs multicœurs sont très utiles dans le cadre des automatismes. Ils permettent de mettre enplace plus facilement un mélange des genres: « il est possible d’utiliser un cœur pour lire les entrées/sorties,tout en consacrant un autreà d’autres programmes,comme le contrôle de mouvements ou la communication », précise Franz Aschl. Les questions de sécurité peuvent également êtretraitées par un cœur àpart, pour assurer des fonctions telles que le cryptage des données pour unVPN,oularestriction des connexions. On trouveainsi dans les automatismes des processeurs pouvant compter jusqu’à 12 cœurs.« Il ya10ans,les processeurs allaient de plus en plus vite, rappelle Pierre Hervy (Beckhoff). Aujourd’hui, la tendance est de multiplier les cœurs plutôt que d’en utiliser un seul très puissant. » Cependant, un processeur àdouble cœur n’est pas deux fois plus puissant, car une telle architecture impose des échanges de données entreles cœurs.
Les connexions Ethernet sur les modules CPU donnent accès àdes fonctions telles que les serveurs web embarqués.
Schneider Electric Le processeur peut êtresécurisé par un système de redondance.« Dans ce cas,le lien entre les deux processeurs est natif, précise Daniel Hengy (Schneider Electric). On ne développe qu’un seul programme, et en cas de panne sur un processeur,onbascule sur l’autre. » Etles fonctions de sécurité peuvent aller plus loin, en mêlant sur le même module la gestion du process et celle des arrêts d’urgence.« Généralement, un automate de sécurité est utilisé spécifiquement àcôté de l’automate process, rappelle Daniel Hengy. Mais la technologie ayant évolué,dans un certain nombredecas de figure, il est possible d’intégrerlapartie sécurité avec la partie process.C’est une tendance qui existe depuis quelques années. »Lemodule com-porte,dans ce cas, un processeur pour chacune des deux fonctions.Cette approche réduit le coût global du système, son encombrement et simplifie les câblages.Elle est intéressante lorsque l’application nécessite un petit nombre d’arrêts d’urgence.
Les modules processeurs sont initialement dédiés aux fonctions d’automatismes.Mais avec le temps, cela évolue: ils sont employés pour des applications plus variées, grâce àl’augmentation de leurs capacités de calcul.La visualisation fait également partie des nouvelles capacités des modules. « On parle aussi beaucoup de fonctions edge,ou edgecomputing, complète Olivier Rambaldelli (B&R Automation). Ce concept est de plus en plus pertinent dans l’industrie,et en particulier dans l’Internet des objets industriels (IIoT) ».Ce terme,initialement lancé par Microsoft, désigne l’acquisition en temps réel de données provenant des capteurs et de machines, leur stockage temporaire, leur traitement et leur envoi vers un service en cloud. « Les automates classiques ne communiquent pas directement avec le cloud, il faut un intermédiaire pour jouer le rôle de passerelle, précise Pierre Hervy (Beckhoff). Segmenter ainsi le réseau en petits tronçons répond aux exigences de sécurité ».
Dans le cadre de l’usine connectée, les modules processeurs peuvent assurer des ponts avec les services en cloud. Àl’avenir, certains seront pourvus de connexions 5G.
De plus en plus, les modules CPU prennent en charge ces fonctions et deviennent ce que l’on pourrait qualifier de «contrôleurs edge». Une « nouvelle philosophie », estime Franz Aschl (Sigmatek). Cela est rendu possible grâce àl’amélioration des capacités de calcul.Tous les modules,notamment les plus compacts, ne sont donc pas compatibles avec ce type d’applications.Pour autant, ce rôle n’implique pas forcément le besoin de nombreux ports de communication sur Ethernet. Deux peuvent suffire: l’un en entrée,pour le réseau de terrain, et l’autre ensortie, pour envoyer les informations vers un réseau informatique. Àl’avenir, différents fabricants équiperont leurs modules processeurs d’une connexion 5G, « pour rendre les machines autonomes en termes de communications », explique Pierre Hervy (Beckhoff). Selon lui, l’industrie va ainsi petit àpetit s’orienter vers une nouvelle façon de partager les données: lemode «publisher/subscriber». « Il s’agitdesouscrireàune source de données,tout comme l’on s’abonne àunpodcast », décrit-il. Chacun pourra ainsi recevoir les informations provenant des équipements qu’il achoisi de suivre. Les modules processeurs vont-ils continuer d’évoluer vers un accroissement de leur puissance de calcul? Sicela est techniquement possible, l’aspect pratique n’est pas si évident. « Je pense que nous irons vers une distribution delapuissance, plutôt que vers une grosse intelligence centralisée, prévoit Franz Aschl (Sigmatek). Les choses sont plus faciles à contrôler ainsi.De plus,cela évite les problèmes liés au refroidissement. »Eneffet, le risque de la centralisation est de tout bloquer en cas de dysfonctionnement. Alors qu’avecune intelligence distribuée,les machines peuvent continuer de fonctionner si un élément du parc tombe en panne.
Siemens Les modules CPU ne se cantonnent plus au rôle d’automates: deplus en plus, ils sont employés àlacollecte et au traitement des données provenant des machines.
Àcela s’ajoute la question de la programmation: plus un processeur est puissant, plus il nécessite un programme complexe. Ainsi, l’étape de développement peut êtresimplifiée en répartissant les développeurs sur des parties différentes du projet, plutôt que de les fairetravailler tous ensemble sur un même projet. « De plus,cela permet de pré-tester les différentes parties d’une machine, et de les assembler ensuite, argumente le directeur de l’innovation de Sigmatek. Certains de nos clients pensent déjà de cette façon.Le secteur automobile l’a compris également : aujourd’hui, les voitures comptent jusqu’à une trentaine de processeurs par véhicule, tandis qu’elles n’utilisaient qu’un seul microcontrôleur au début des années 1980. » Ainsi, l’évolution de l’industrie vers l’Internet des objets (IoT) devrait s’accompagner d’un usage différent des modules processeurs. Ceux-ci seront plus connectés,pour effectuer des fonctions nouvelles, de façon distribuée,et l’augmentation de la puissance de calcul ne sera plus le principal axe d’évolution.
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