L 'industrie mondiale se robotise à tout va.Telle pourrait être l'une des conclusions de la toute dernière étude de l'IFR ( International federation of robotics ) relayée par la branche « Robotik + Automation » de la VDMA (fédération allemande de l'industrie des biens d'équipement) lors de la conférence de presse présentant la 7 e édition d'Auto-matica, le salon international de l'automa-tisation et de la mécatronique,qui aura lieu du 21 au 24 juin 2016 à Munich ( voir page 6 ). Selon cette enquête, les ventes de robots industriels ont en effet connu une croissance de 29% en 2014 pour atteindre près de 230000 robots vendus dans le monde. En 2015, la progression s'est élevée à 15%. Ce marché devrait d'ailleurs continuer à connaître une croissance à deux chiffres d'ici à 2018, l'IFR tablant sur une progression annuelle moyenne de 15% sur la période 2016-2018 et sur 400000 nouveaux robots installés rien qu'en 2018, soit près de deux fois plus qu'en 2014 ( voir figure 1 ).Actuellement, le stock mondial de robots industriels installés est évalué entre 1,2 et 1,5 million d'unités.
Toutes industries confondues, la France se situe au 12 e rang mondial en termes de taux de robotisation avec 126 robots pour 10000 salariés de l'industrie manufacturière. Dans le secteur automobile, notre pays est en pointe puisque son taux de robotisation dans cette industrie le place au 5 e rang mondial.
Répartition par pays, par industrie
Le marché mondial se partage en cinq grandes régions qui ont cumulé 70% des livraisons de robots industriels en 2014. La Chine, à elle seule, représentait 25% du marché de la robotique industrielle cette année-là avec plus de 57000 unités installées, en progression de 56% par rapport à 2013. Le Japon, avec près de 30000 robots industriels livrés en 2014, est arrivé en deuxième position avec environ 13% de parts de marché et une croissance de 17% sur un an. Les États-Unis, pour leur part, se sont équipés d'environ 26000 robots industriels en 2014, soit 11,5% du marché pour une progression annuelle de 11%. Viennent ensuite la Corée du Sud avec environ 24 000 robots (10,5 % de parts de marché, +14% comparé à 2013) et l'Allemagne avec 20000 unités (près de 9% de parts de marché, 10% de croissance sur un an). En matière de répartition par type d'industrie, l'automobile reste très largement dominante puisque cette industrie a englouti à elle seule, à l'échelle mondiale, près de 100000 robots indus-triels en 2014, soit plus de 43% du marché ( voir figure 2 ), très loin devant l'industrie électrique/électronique (un peu moins de 50000 robots). Mais cette dernière constitue l'activité dont le taux de robotisation croît le plus vite. La métallurgie complète le podium avec environ 21000 robots, suivie par l'industrie du plastique et du caoutchouc (environ 15000 robots) et l'agroalimentaire (environ 7000 robots) dont le taux de robotisation croît également à un bon rythme.
Et la France dans tout ça ?
Ceux qui prétendent que la France a manqué le coche de la robotisation de son industrie vont devoir commencer à revoir leur copie. En effet, toujours selon les chiffres de l'IFR relayés par la branche «Robotik+Automation» de la VDMA, la France possède actuellement le troisième plus grand marché européen de robots industriels (derrière l'Allemagne et l'Italie), tant en matière d'installations nouvelles que de stocks de robots. En 2014, notre pays a installé 2944 robots dans ses usines, ce qui le classe au 9 e rang mondial. Cela correspond à une croissance de 36% par rapport à 2013, une année qui, il est vrai, s'est avéré difficile pour ce marché. Lissée sur la période allant de 2010 à 2014, la progression du marché français de la robotique industrielle s'élève tout de même à 9% par an en moyenne ( voir figure 3 ). En 2014, le parc installé de robots industriels s'élevait à 32200 unités dans l'Hexagone (8 e rang mondial). Autre indicateur important pointé par l'IFR, le taux (ou la densité) de robotisation dans l'industrie, un paramètre qui s'exprime en nombre de robots installés pour 10000 salariés de l'industrie manufacturière. Celui de la France atteint 126 robots pour 10000 salariés, soit grosso modo le double de la moyenne mondiale (66 robots pour 10000). Ce qui place notre pays au 12 e rang mondial ( voir figure 4 ). On est certes très loin des scores du trio de tête, à savoir la Corée du sud (autour de 480 robots pour 10000), le Japon (environ 310) et l'Allemagne (près de 300), mais finalement assez proche de pays tels que les États-Unis,Taïwan ou l'Italie (moins de 170), et devant le Canada, la Suisse et le Royaume-Uni qui, lui, se situe tout juste au niveau de la moyenne mondiale. À noter que le taux de robotisation de la Chine se situe à moins de 40 robots pour 10000, ce qui montre tout son potentiel de croissance pour les années à venir, d'autant que le gouvernement de ce pays œuvre activement depuis 2010 pour combler son retard. Pour revenir à la France, il est important de préciser que, dans le secteur automobile, notre pays est en pointe puisque son taux de robotisation dans cette industrie le place au 5 e rang mondial!
Globalement, la France est donc actuellement sur une bonne dynamique en termes de robotisation de son industrie, notamment grâce à une prise de conscience des pouvoirs publics, comme l'explique Patrick Schwarzkopf, directeur de la branche « Robotik +Automation » de la VDMA : « Depuis 2010, les différents programmes gouvernementaux ont conduit à la consolidation de la production industrielle en France, à des investissements très importants en robotique, notamment dans l'automobile, mais aussi dans d'autres secteurs . Et depuis un an,dans le cadre de l'initiative Industrie du futur, la France a accordé une priorité majeure à la modernisation des sites de production et ainsi à l'accroissement de la compétitivité du secteur manufacturier, ce qui renforcera la demande en robots industriels ».
Créatrice ou destructrice d'emplois ?
Cet engouement de l'industrie manufacturière pour l'automatisation en général et la robotique en particulier trouve son explication dans les effets positifs qu'elle procure aux entreprises, aux salariés, aux produits et même, plus largement, à la société, selon la VDMA. « La robotisation permet aux entreprises d'accroître leur productivité, de baisser leurs coûts de production et de garantir leur compétitivité.Quant aux salariés,ils sont de plus en plus libérés des tâches monotones et physiquement pénibles, et peuvent bénéficier d'une ergonomie améliorée à leur poste de travail. Grâce à l'automatisation,la qualité,la fiabilité et la sécurité des produits fabriqués s'améliorent.Par conséquent, c'est la société tout entière qui profite d'une production industrielle de plus en plus soucieuse de préserver les ressources naturelles et de marchandises à prix plus abordables.Au final, ces motifs d'engouement ont un effet moteur sur l'automatisation mondiale croissante », souligne Patrick Schwarzkopf. Un argument qui ne manquera pas de hérisser le poil de ceux qui estiment que, dans l'immense majorité des cas, l'utilisation d'un robot intervient en premier lieu pour effectuer une tâche réalisée au pré-alable par un ou plusieurs opérateurs et est donc responsable d'une baisse directe d'emplois peu qualifiés. Pour étoffer sa théorie, Patrick Schwarzkopf, et plus généralement les « pro » robotisation, évoquent le fait que le remplacement du travail par les robots est plus facile à évaluer que la création de travail engendrée par cette même robotisation. Ils mettent également en avant le fait que les pays où la robotisation est forte sont ceux où l'emploi est le plus dynamique. Et Patrick Schwarzkopf de donner l'exemple – parmi d'autres – de l'industrie automobile allemande dont le nombre d'employés a, depuis 2010, crû grosso modo au même rythme que le nombre de robots dédiés à ce secteur. Ce à quoi les « anti » robotisation opposent l'idée que les créations d'emplois d'une industrie donnée sont rarement le fruit d'un seul paramètre et que le nombre d'emplois créés aurait peutêtre pu être encore supérieur si la robo-tisation avait été moindre… Bref, la discussion est sans fin. Mais une chose est sûre : la robotisation industrielle est plus que jamais en marche car elle constitue l'une des composantes indis-pensables à l'Industrie du futur. Elle va, de fait, modifier la manière dont les usines fonctionnent et la façon dont les salariés y travaillent.
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