Dans le cadre de l'un de ces projets, l'entreprise Boisset & Cie (BCSA), associée au fabricant HBM, a développé un couplemètre pour un système de transmission mécanique, dont la vitesse de rotation atteint 3 000 tr/min en entrée et 45000tr/min en sortie, avec une puissance de 3 MW.
C.Lardière D ans de nombreux secteurs industriels, la transmission de puissance mécanique est un élément essentiel, voire critique, et qui revêt néanmoins de multiples facettes : une réduction de vitesse, une multiplication de vitesse, des couples de quelques milliers de Newton.mètre (Nm) à transmettre à de hautes vitesses, des couples très faibles à transmettre à des vitesses de plusieurs dizaines de milliers de tours par minute (tr/min), voire 100 000 tr/min, et même, dans certains cas, les deux (couples importants et vitesses élevées).Tout dépend du type d'application auquel on est confronté: un rotor de turbine nucléaire ou de mo-teur électrique, un compres-seur, un banc d'essais, une hélice d'hélicoptère, etc. C'est tout le savoir-faire qu'a acquis le français Boisset & Cie (BCSA) au cours de plus de cinquante ans d'existence.
La société située à Villeurbanne (Rhône), en banlieue lyonnaise, est en effet devenue un fabricant reconnu dans le monde entier pour ses solutions de transmission mécanique de puissance, à savoir réducteurs de vi-tesse et turbo multiplicateurs, ainsi que pour ses bancs d'essais, sur cahier des charges ( voir encadré page 31 ). « Nous charges ( voir encadré page 31 ). « Nous sommes présents depuis plus de 50 ans dans le secteur des réducteurs de vitesse et depuis plus de 30 ans dans celui des multiplicateurs, d'abord sous la marque ACMI et maintenant BCSA. Nous étions déjà, avant la création de BCSA en 1998, le représentant et la filiale du fabricant suisse Maag Gear. BCSA est aujourd'hui plutôt une société d'ingénierie plus qu'un fabricant, concevant, assemblant et installant entre 30 et 40 machines spéciales par an », explique David Montillet, directeur commercial de BCSA.
Dans la grande majorité des systèmes d'entraînement, l'un des éléments importants du point de vue de la mesure est évidemment le couplemètre. Dans le cadre de l'un de ses projets, BCSA a été confronté à la volonté d'intégrer le couplemètre au sein même du système d'entraînement. « Habituellement, un système est composé d'un multiplicateur, d'un premier accouplement, d'un couplemètre sur châssis, puis d'un second accouplement. Les couplemètres sont donc normalement montés à l'extérieur, en porte-à-faux au niveau de la sortie. Mais, avec cette configuration, des problèmes de vibrations liés aux vitesses critiques peuvent apparaître. C'est pourquoi l'intégration du couplemètre sur la ligne de sortie haute vitesse à l'intérieur du multiplicateur est une solution qui simplifie la ligne d'arbre et les mises au point chez le client final » , rappelle David Montillet. « Par contre, l'un des avantages de ce montage à l'extérieur est qu'il y a une dissipation thermique naturelle. À des vitesses de plusieurs dizaines de milliers de tours par minute, le couplemètre cisaille l'air en tournant, d'où un auto-échauffement », précise Bernard Vindret, ingénieur technico-commercial chez HBM France. Pour dénicher un couplemètre répondant aux exigences de l'application, en termes de couple et de vitesse de rotation, BCSA s'était rapproché du fabricant allemand, l'un des leaders dans le domaine des mesures mécaniques et en particulier des couplemètres. Mais, au départ, ce ne fut pas gagné d'avance.
Pour Bernard Vindret, ingénieur technico-commercial chez HBM France (à gauche), «nous n'avions pas d'informations à transmettre à BCSA concernant notamment l'auto-échauffement et la dissipation thermique des couplemètres. » David Montillet, directeur commercial de BCSA, reconnaît toutefois que « l'on peut caractériser d'assez ambitieux le projet d'intégration d'un couplemètre spécial d'HBM. »
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La société BCSA a aussi pris des risques
« Si, dans les années 1980, HBM a eu une brève expérience dans la mesure de couple à très grande vitesse, nous étions encore récemment plutôt focalisés sur les couplemètres plus gros (5 MNm de couple et 1,5 m, voire 1,7 m de diamètre) ou l'amélioration de la précision pour affiner les rendements par exemple », constate Nicolas Di Pol, responsable Applications industrielles et de l'activité Mesure de couple chez HBM France. Mais, depuis quelques années, la demande du marché s'oriente de plus en plus fréquemment vers des systèmes d'entraînement combinant vitesses élevées et grands couples, et non plus seulement une vitesse élevée et un très petit couple, comme dans les robots ou la fraiseuse du dentiste (100 Nm et 50000tr/min). « Il nous arrivait auparavant de répondre à certaines demandes toujours avec des produits adaptés – il y a donc eu quelques tentatives dans l'aéronautique –,mais sans la prétention d'atteindre des vitesses de l'ordre de 50000 tr/min », poursuit Nicolas Di Pol. HBM était en fait bloqué, jusqu'à très récemment, aux alentours d'une vitesse de rotation de 25000tr/ min, de par le système de télémétrie et non la partie mécanique.
C'est ce qui fait dire également à Bernard Vindret (HBM France) que « nous n'avions pas d'informations à transmettre à BCSA concernant notamment l'auto-échauffement et la dissipation thermique des couplemètres. Il fallait donc repousser les li-mites, des défis que BCSA a également su parfaitement relever. C'est tout à l'honneur de cette société de s'être engagée sur un tel projet. » Mais rien d'exceptionnel pour l'entreprise villeurbannaise… « Contrairement aux acteurs plus importants, qui sont positionnés sur les projets neufs, nous sommes habitués à prendre des risques techniques lors de la réalisation de certains projets. C'est ce qui nous permet d'être très flexibles. Mais il est vrai que l'on peut caractériser d'assez ambitieux le projet d'intégration d'un couplemètre spécial d'HBM », reconnaît David Montillet (BCSA). On comprend donc que, compte tenu des enjeux notamment financiers, la solution du couplemètre intégré soit séduisante.
Il ne sera toutefois pas possible de s'intéresser aux détails du choix technique retenu par BCSA, pour des raisons de confidentialité. On peut seulement dire que le système de transmission mécanique affiche une vitesse de rotation de 3000 tr/min en entrée et de 45000 tr/min en sortie, avec une puissance de 3 MW. Sachant qu'après la sortie du multiplicateur, une volute en acier spécial vient se positionner à ras. Il était donc hors de question qu'un couplemètre en porte-à-faux vienne générer des vibrations, d'où son intégration dans la machine. « Le risque est moindre sur la transmission dynamique proprement dite que sur l'alignement des arbres. Certaines entreprises peuvent fournir des accouplements, mais c'est souvent au niveau des alignements que les problèmes ar-rivent. Pour donner une idée de la difficulté, dans notre projet, l'alignement des paliers se fait au 100 e de millimètre près, et l'usinage final des engrenages (pignons, cannelures…), une fois l'ensemble du système monté et rectifié,correspond à une rectification de classe 4, soit au niveau de quelques microns », explique David Montillet.
Pour la mesure de couple proprement dite, HBM est parti sur trois couplemètres à brides T40 HS, qui reposent en fait sur des couplemètres T40B. Ces derniers affichent des valeurs jusqu'à 10 000 Nm en couple et une classe d'exactitude de 0,05%.
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Une solution conçue et livrée en moins d'un an
Pour la mesure de couple proprement dite, HBM est parti sur trois couple-mètres à brides T40 HS, qui reposent en fait sur la base standard des couplemètres T40B. Ces derniers affichent par exemple des valeurs jusqu'à 10 000 Nm en couple et jusqu'à 24000 tr/min en vitesse de rotation, ainsi qu'une classe d'exactitude de 0,05%. « Tout le travail de développement a été de concevoir un corps d'épreuve totalement différent, capable d'atteindre des vitesses de rotation de l'ordre de 50 000 tr/min. Cela s'est traduit par l'utilisation d'un corps en titane, mais surtout par la réduction du diamètre - les vitesses tangentielles de surface sont en effet très élevées,de l'ordre de 20 000 m/s. Et tout cela en proposant des précisions identiques, voire parfois supérieures », explique Nicolas Di Pol (HBM France).
En plus de présenter une très bonne exactitude et une grande fiabilité dans le temps (environ 10 ans dans certaines conditions), contrairement aux couplemètres basés sur le principe à roues phoniques qui requièrent une maintenance tous les trois mois et un encombrement important, les couplemètres de HBM ont une autre particularité. Ils intègrent en effet un shunt pour les signaux de calibrage, à savoir le point zéro et le point d'échelle (shunt à 50 % de l'échelle pour vérifier la courbe de linéarité, par exemple). L'utilisateur a ainsi à sa disposition, et à tout moment, un moyen de diagnostic de l'état du capteur et, in fine, un moyen de contrôle et/ou de réglage rapide de son banc, s'il n'a pas de moyens d'étalonnage à disposition. Par ailleurs, compte tenu de l'échauffement inhérent lié à des arbres tournant à des vitesses de rotation très élevées, les couplemètres supportent une plage de température allant de +10°C à +60°C.
BCSA a plus de 50 ans d'expérience en transmission
Située à Villeurbanne en banlieue de Lyon (Rhône), l'entreprise Boisset & Compagnie SA (BCSA) est présente depuis plus de 50 ans dans le secteur des réducteurs de vitesse (cimenterie et industries telles que la chimie, les aciéries, le nucléaire, la papeterie…) et depuis plus de 30 ans dans celui des multiplicateurs (pétrole et gaz, pétrochimie, énergie, etc.), d'abord sous la marque ACMI et maintenant BCSA. « Nous étions à l'époque le représentant et la filiale du fabricant suisse Maag Gear dont la création par Max Maag remonte à 1913. Suite notamment à la reprise en 1995 de Maag Gear par le groupe d'ingénierie danois FLSmidth, nous avons créé l'année suivante BCSA », rappelle David Montillet, directeur commercial de Boisset & Compagnie SA. BCSA est aujourd'hui plutôt une société d'ingénierie plus qu'un fabricant, concevant, assemblant et installant des produits spéciaux, sur cahier des charges, qui assurent une transmission mécanique par engrenages entre deux machines fonctionnant à leurs vitesses optimales. Si elle continue à représenter Maag Gear en France et au Maghreb, BCSA réalise plus de la moitié de son chiffre d'affaires dans le domaine des bancs d'essais. Elle conçoit en effet des bancs d'essais électromécaniques de lignes tournantes ou d'ensembles en rotation à moyenne ou grande vitesse (jusqu'à 130 000 tr/min) et de puissance atteignant 25 MW, pour l'aéronautique et le spatial, l'automobile (transport, Formule 1), le transport ferroviaire, l'industrie (moteurs et machines électriques). BCSA emploie 30 personnes – ils étaient 7 en 1998 – pour un chiffre d'affaires de 7,4 millions d'euros en 2014 (7 M€ prévus en 2015), dont près de 80 % à l'exportation via un réseau d'agents en Algérie, en Allemagne, en Amérique du Nord, en Chine… |
Si les prémices de la collaboration entre Boisset & Compagnie SA et HBM remontent au printemps de l'année 2013, le temps d'exprimer les besoins et de convaincre les différentes parties, la conception et la livraison des couplemètres spéciaux se sont finalement faites rapidement. À partir de mai/juin 2014, il n'a en effet fallu que trois à quatre mois pour mettre le projet du couplemètre à haute vitesse sur les rails chez HBM. Et la livraison chez BCSA a eu lieu au début du mois de janvier 2015. Ce fut donc un premier succès signé par le fabricant allemand sur le segment de marché des couplemètres à très hautes vitesses. Un succès auprès d'une entreprise française et faisant suite à une initiative de la filiale HBM France.
« I l est vrai que notre maison-mère ne pratique que très rarement de cette manière,sauf pour le développement de capteurs spéciaux sur cahier des charges. Ce qui a contribué au choix de notre direction est que l'un des points forts du marché français est précisément l'aéronautique, où la demande de précision est forte, ainsi que BCSA qui a été très moteur sur le projet.Même si nous remontons les informations en interne, le discours d'un client est toujours plus porteur », reconnaît Nicolas Di Pol. Pour HBM, il s'agit par ailleurs de se positionner face aux rares concurrents présents sur le marché de la mesure de couple à très hautes vitesses et de s'ouvrir à d'autres marchés que celui des fabricants de machines, grâce à une offre composée non plus seule-ment de couplemètres à gros diamètres ou à précision élevée.
Il faut par ailleurs savoir qu'être capable de déterminer une puissance transmise avec une précision accrue s'accompagne forcément d'avantages économiques : des compresseurs mieux optimisés sont sources d'économie énergétique ou encore, en avionique, un rendement de 98,7 % au lieu de 96,6 % peut faire une grande différence. Pour Boisset & Compagnie SA, la collaboration avec HBM lui a permis de fournir à son client final la solution répondant au cahier des charges… même si ce fut un nouveau tour de force. « Concevoir trois machines à haute vitesse et de forte puissance, mener leur fabrication et leurs essais dans les délais impartis, tout en participant activement au développement des nouveaux couplemètres avec HBM,ont nécessité de mobiliser toutes nos équipes », conclut Bernard Agosti, directeur technique de BCSA.
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