Jérôme Poncharal Responsable support avant ventes chez Rockwell Automation
Rockwell Automation, membre actif de l'organisation ODVA, supporte et participe au développement du protocole CIP, dont la déclinaison sur Ethernet, baptisée Ethernet/IP, est déployée dans l'ensemble des disciplines de contrôle industriel (E/S, process, contrôle d'axe, sécurité) et d'information (supervision, collecte de données, MES…)
La transition vers l'IPv6 (Internet Protocol version 6) constitue l'un des challenges auquel l'Ethernet industriel devra répondre dans les années à venir. Cette transition, largement amorcée dans le domaine des infrastructures de communication Internet, est actuellement en phase de réflexion dans le domaine des solutions industrielles. Elle ouvrira la voie à la convergence des solutions de mobilité et de contrôle pour la mise en œuvre d'applications cloud , notamment dans le domaine énergétique (réseaux smartgrid par exemple).
“ La transition vers l'IPv6 constitue l'un des challenges auquel l'Ethernet industriel devra répondre dans les années à venir. ” Jérôme Poncharal, responsable support avant ventes (Rockwell Automation)
Ethernet est d'ores et déjà un standard de communication industriel et la plupart des fournisseurs d'automates proposent par défaut, des architectures bâties sur cette technologie. Son déploiement, reste toutefois lié aux cycles d'investissements, relativement longs dans l'industrie au regard d'autres secteurs tels que l'informatique et les télécoms. L'instrumentation de procédés est un secteur moins avancé dans l'utilisation d'Ethernet au profit de réseaux de communications spécifiques (Fieldbus Foundation, Hart, Profibus PA). Certains développements ont néanmoins été réalisés (par exemple entre Rockwell Automation et Endress+Hauser) afin de proposer des solutions de communication Ethernet natives.
Toutes les applications industrielles sont concernées par l'Ethernet. Les contraintes économiques, qui limitaient son utilisation pour des installations simples ont disparu avec l'adoption massive de cette technologie au point qu'elle est aujourd'hui devenue la solution de communication proposée “par défaut” sur l'ensemble des plates-formes de contrôle.
Initialement limité aux échanges de niveau 2, l'Ethernet s'est progressivement imposé comme réseau de communication pour le transport des données temps réel entre automates et périphériques de contrôle (E/S, Variateurs, Servomoteur…).Troisième phase du déploiement, la convergence entre les systèmes d'informations et de production permettra d'utiliser la technologie Ethernet comme infrastructure de communication globale destinée à supporter les applications de contrôle, de conduite et d'information. Le succès de cette étape passe par une convergence culturelle entre ces deux univers (systèmes d'information et de production) afin d'interconnecter ces deux organisations en tenant compte de leurs contraintes respectives (sécurité, disponibilité, évolutivité…).
Depuis près de 10 ans, l'Ethernet industriel s'est largement répandu dans nos usines, jusqu'au niveau terrain. Les solutions applicatives telles Profinet, Ethernet/IP et Modbus/TCP complètent ou remplacement progressivement les bus de terrain traditionnels. En exploitation, ces solutions sont complètement opérationnelles et performantes. Tant que tout va bien, une infrastructure Ethernet se révèle simple à déployer, à utiliser, et à faire évoluer. Mais lorsque des pannes, aléatoires ou permanentes apparaissent sur le réseau, les choses se compliquent sérieusement!
Frédéric Bahuaud Responsable technique chez Agilicom
Il est donc maintenant demandé au personnel de maintenance automatisme –déjà bien sollicité par ailleurs– d'être aussi un administrateur réseaux! Or ceci ne s'improvise pas. Une formation adaptée est indispensable. Elle permettra d'apprendre une démarche et de découvrir les outils adaptés. Le temps investi dans la formation sera largement récupéré ensuite sur le terrain.
“ Il est maintenant demandé au personnel de maintenance automatisme d'être aussi administrateur réseaux! Or ceci ne s'improvise pas. ” Frédéric Bahuaud, responsable technique (Agilicom)
Par ailleurs, afin de maintenir une installation Ethernet efficacement, il est essentiel d'adopter les bons réflexes, tout du long du cycle de vie de votre installation. Cela commence dès la phase de conception du réseau. Le choix de la topologie, du support physique, des switches, participe tout autant à la fiabilité qu'à la facilité à maintenir l'installation. Par exemple, un switch administrable permettra d'optimiser le trafic (filtrage, redondance…), d'accéder à des statistiques d'utilisation par port, à des historiques d'événements, etc. Autant d'informations essentielles pour localiser précisément la cause d'une panne. Sans switches administrables sur une installation, la recherche méthodique de panne devient longue, fastidieuse, et souvent empirique.
Lors de l'installation du câble et des équipements, il est essentiel de respecter les règles de câblage, en utilisant des câbles et connecteurs industriels. Un soin tout particulier doit être apporté au blindage des câbles et à sa mise à la terre. La pose du câble doit aussi se faire consciencieusement car il est fragile. Un câble stressé lors de sa pose peut ne plus être en mesure de transporter des informations au débit souhaité. Pour s'en assurer, chaque lien Ethernet doit être contrôlé à l'aide d'un certificateur de liens. Cette opération permet de garantir la qualité de la couche physique du réseau. La certification doit être exigée lors de la livraison d'une installation par un sous-traitant.
Lors du démarrage de l'installation, il est judicieux de procéder à un audit des performances du réseau, à vide. La bande passante effective, le taux d'erreurs, la gigue, la latence du réseau sont mesurées. Puis des mesures sont effectuées en charge, telles la bande passante utilisée, le type de trafic, etc. Des tests de redondance sont effectués si nécessaire. Ce kilomètre zéro permet de caractériser le réseau à un moment où il fonctionne parfaitement, et pourra être utilisé comme référence, lors des phases de maintenance.
Lors de la maintenance, certains outils de supervision du réseau permettent un accès centralisé à l'ensemble des switches administrables du réseau, en temps réel afin de retrouver la topologie exacte de l'installation, et d'émettre un diagnostic, lien par lien. La cause d'un problème peut ainsi être rapidement identifiée et précisément localisée. Enfin, la documentation est indispensable pour maintenir efficacement le réseau. Disposer d'une topologie planifiée, ainsi que d'une liste des équipements, avec adresses et localisations, est un minimum.
Pierre Hervy Responsable support et marketing, Beckhoff Automation
Nous supportons principalement EtherCAT, développé par Beckhoff, qui représente aujourd'hui un consortium de plus de 2 160 membres. Cependant, dans notre philosophie d'ouverture, nous supportons également Profinet et Ethernet/IP. A noter que les technologies Ethernet Industriels proposent des caractéristiques différentes en fonction du principe utilisé: des protocoles entièrement compatiblesTCP/IP tels que Modbus, EtherNet/IP, Profinet IO, des protocoles spécifiques exploitant un contrôleur Ethernet classique tels que Powerlink et Profinet RT, et des protocoles spécifiques exigeant un composant spécifique tels que EtherCAT, Sercos et Profinet IRT. On vous dira peut-être qu'une évolution de l'Ethernet industriel sera le passage en 1Gb/s. Pour notre cas, il n'est pas question de faire évoluer EtherCAT dans ce sens. Une trame Ethernet permet d'échanger environ 1500 octets, ce qui est largement suffisant dans le monde de l'automatisme. Au pire, on peut renvoyer une trame.
“ On vous dira peut-être qu'une évolution de l'Ethernet industriel sera le passage en 1Gbit/s. En ce qui nous concerne, il n'est pas question de faire évoluer EtherCAT dans ce sens. ” Pierre Hervy, responsable support et marketing (Beckhoff Automation)
Les capacités actuelles d'EtherCAT ont repoussé les limites de l'automatisme. Notre logiciel autorisait des temps de cycles à partir de 50 µs mais les réseaux de terrain de l'époque ne permettaient pas de profiter de cette rapidité. Après avoir inventé EtherCAT, le goulet d'étranglement s'est déporté dans les modules d'entrées/sorties. Nous avons alors développé des E/S rapides ou intelligentes capables par exemple d'effectuer du suréchantillonnage. De ce fait, notre logiciel a évolué pour rendre possible des temps de cycle à partir de 12,5 µs. Il n'est pas prévu d'évolution technique pour EtherCAT qui reste le même depuis sa naissance il y a près de 10 ans. Mais EtherCAT n'est pas un protocole par lui-même. Il ne sert qu'à définir une manière de transporter des informations qui peuvent être au format CAN Open, Profibus, Ethernet… On fait ainsi passer plusieurs réseaux de terrain via EtherCAT. A l'instar de personnes de plusieurs nationalités voyageant dans un même train, ce qui compte, c'est qu'elles arrivent à destination, pas qu'elles se comprennent durant le trajet. Les seules évolutions que nous envisageons sont de développer les futurs réseaux de terrain pour qu'ils transitent via EtherCAT.
A l'heuredelaconvergencedesmoyens de communication,il n'est plus possible d'enfermer nos clients dans des solutions propriétaires. C'est en partant de ce constat que Schneider Electric a rejoint en 2007 plusieurs partenaires et compétiteurs au sein de l'ODVA, association qui porte le standard ouvert Ethernet/IP .Nous constatons clairement que les réseaux industriels débordent largement du cadre traditionnel du simple contrôle commande. Désormais, il est demandé à ces réseaux de porter le flux d'informations nécessaires à l'optimisation globale des processus, tant sur le plan de la productivité industrielle que de la performance énergétique. On assiste ainsi à une intégration verticale de l'information, du réseau de terrain jusqu'aux systèmes décisionnaires de l'entreprise.Seul un standard ouvert et unique tel qu'Ethernet/IP peut assurer ce niveau de transparence et de fluidité de l'information.
“ Dans un système transparent, sécuriser l'accès aux données est une priorité absolue. ” Luc Raffestin, gérant des offres automatismes, supervision et SCADA (Schneider Electric)
Luc Raffestin Gérant des offres automatismes, supervision et SCADA chez Schneider Electric
Ceci n'est pas sans poser de nouveaux enjeux techniques: dans un système transparent, sécuriser l'accès aux données est une priorité absolue. L'impératif de cybersécurité se décline à tous les niveaux.Ainsi nous proposons une offre de firewalls et travaillons au durcissement des produits, tout en assurant la formation des utilisateurs aux bonnes pratiques. Second enjeu majeur, la simplicité: la performance ne sert à rien si le réseau ne peut pas être maintenu facilement en état opérationnel. Proposer une approche logicielle cohérente, intégrer les équipements de routage dans les produits sont autant de voies poursuivies par le constructeur. A l'avenir, nous prévoyons une intégration accrue de tous les systèmes de l'entreprise.
Depuis près de 15 ans, Ethernet fait son chemin dans l'industrie. Aujourd'hui, il s'impose comme le support incontournable et indissociable d'une architecture industrielle et ce, quel que soit les équipements : composants monofonction (comme le capteur de vision ou l'amplificateur fibre optique) ou système avancé (contrôleur machine, IHM, superviseur).
Olivier Ledey Responsable produits gammes Automation chez Omron
Depuis une dizaine d'années, les nombreux domaines applicatifs ont obligé les différents constructeurs à travailler des protocoles plus en adéquation avec les contraintes du marché. Si bien qu'aujourd'hui, il n'existe pas un protocole Ethernet mais plusieurs. Il est très clair que le protocole à tout faire n'existe pas et rien ne permet de dire qu'il pourra exister un jour tant les contraintes industrielles sont nombreuses et très spécifiques. Beaucoup de critères rentrent en jeu lors du choix d'un protocole industriel (son ouverture, sa diffusion mondiale, sa notoriété, sa capacité à enrichir les fonctions ou solutions du constructeur, etc.). L'offre Ethernet de la société Omron est large : FINS (protocole historique d'Omron), Ethernet/IP, ProfiNet I/O, Modbus-TCP, EtherCAT, etc. Cependant, deux protocoles sont réellement considérés comme les choix les plus stratégiques : EtherCAT et Ethernet/IP. Ces deux réseaux Ethernet offrent une très bonne complémentarité.
EtherCAT se positionne comme notre bus de terrain intégré à la majorité des composants de notre offre. De par sa conception, il assure une excellente synchronisation de mouvements. Ethernet/IP autorise l'échange synchronisé d'informations plus volumineuses entre IHM, superviseurs, base de données, etc. Cependant, le réseau ne doit pas être perçu comme une contrainte pour le développeur. Il doit pouvoir véhiculer simplement et efficacement toutes les informations nécessaires de son application dans laquelle plusieurs domaines peuvent se côtoyer: la synchronisation de plusieurs axes, la recherche dynamique de coordonnées de plusieurs pièces en mouvement (capteur de vision installée sur les machines Pick&Place ), la sécurité, etc. Les protocoles doivent évoluer pour garantir la coexistence de ces différents domaines très spécifiques et parfois très contraignants!
Les résistances des utilisateurs et les gains attendus
Omron fait évoluer ses architectures d'automatisme basé sur Ethernet pour augmenter leur performance sans ajouter de nouvelles complexités. Ainsi, le réseau de terrain basé sur EtherCAT proposera une méthode de synchronisation spécifique (synchronisation des horloges car chaque équipement est doté de sa propre horloge) et le réseau d'information basé sur Ethernet/IP travaillera plus la notion de services pour garantir qu'une information puisse être déployée de la machine vers d'autres systèmes.
Vitesse, synchronisation, interopérabilité, résistance aux parasites, sécurité sont les points soulevant le plus régulièrement des questions ou des résistances de la part des utilisateurs. De plus, un fabricant de machines recherche le gain de performance mais pas à n'importe quel prix! Un réseau Ethernet doit procurer un gain mesurable et très significatif sans être perçu comme une solution trop propriétaire. Ce qui explique notre choix de plusieurs réseaux ouverts. Cela nous engage à participer à plusieurs forums. Le lobbying est aujourd'hui en effet une véritablenéces-sité pour assurer une large adoption d'un réseau Ethernet industriel.
“ Il est très clair que le protocole à tout faire n'existe pas et rien ne permet de dire qu'il pourra exister un jour tant les contraintes industrielles sont nombreuses et très spécifiques. ” Olivier Ledey, responsable produits gammes Automation (Omron)
Il faut toutefois noter qu'un des critères important que le constructeur de machines retiendra pour déterminer la meilleure solu-tion technique repose sur le temps de cycle machine. Le réseau n'est qu'un élément stratégique de la solution. Ce dernier ne doit en aucun cas être perçu comme le goulot d'étranglement de l'architecture. Chaque réseau Ethernet propose un périmètre applicatif pour lequel il est très effi-cace. Il appartient donc aux constructeurs de composants et systèmes d'automatisme de bien définir ce périmètre et d'intégrer les fonctions “métiers” représentatives de l'évolution de la demande. La sécurité est notamment un enjeu majeur. Nous voyons de plus en plus une demande qui vise à migrer d'un contrôleur logique ou relais programmable de sécurité vers une solution intégrée au sein de laquelle le réseau devient un élément majeur. D'autre part, dans les applications de tri, l'utilisation de systèmes de vision devient incontournable. Des fonctions de services s'y rapportant (réglage local ou distant, capture d'image, etc.) doivent pouvoir être intégrées.
B&R exploite le protocole Powerlink pour tous ses équipements: automates, entrées/sorties, entraînements, etc. et supporte, concernant les E/S distribuées, tous les protocoles afin d'offrir la plus grande ouverture possible à tous les systèmes existants.
Powerlink existe depuis 2001.A ce jour, plus de 600000 systèmes basés sur ce protocole sont installés dans le monde, ce qui en fait (selon une étude IMS de 2011) le leader mondial des protocoles Ethernet industriels spécialisés dans le contrôle temps réel. Cette technologie est régulièrement complétée par de nouvelles fonctionnalités afin de répondre aux besoins des utilisateurs. Mais celles-ci sont toujours introduites en assurant une totale compatibilité avec la base de produits existants. De plus, étant basé sur l'Ethernet standard, Powerlink bénéficie de facto de toutes ses évolutions.
“ Les technologies Ethernet sont en train de conquérir tous les marchés et la grande majorité des produits offrent une telle interface. Seuls les capteurs de faible complexité y semblent peu adaptés. ” Stéphane Potier, responsable marketing technologique (B&R Automation)
Deux craintes des industriels ont ralenti leur migration vers l'Ethernet : le coût d'implémentation et la multitude de protocoles possibles.A ce jour, le coût d'implémentation de Powerlink est similaire à celui d'un bus de terrain comme CANopen. Le choix du bus a constitué un deuxième frein. Devant la multitude des protocoles existants, certains ont longtemps hésité. Le marché est maintenant stabilisé et cinq bus coexistent aujourd'hui : Powerlink, Ethernet/IP, Profinet, Ethercat, Sercos III. Les constructeurs intègrent donc ces cinq standards.
Stéphane Potier Responsable marketing technologique chez B&R Automation
Les technologies Ethernet sont en train de conquérir tous les marchés et la grande majorité des produits offrent une telle interface. Seuls les capteurs de faible complexité y semblent peu adaptés. Le coût d'implémentation est de moins en moins un frein pour ces capteurs mais ceux-ci n'ont généralement pas besoin d'une connectivité Ethernet (pas de serveur web intégré, pas de firmware à mettre à jour, etc.).