Dans le petit monde de la mesure 3D, il existe deux philosophies. Celle qui consiste à prélever les pièces en cours de développement ou de production afin de les installer sur une machine de mesure fixe (située le plus souvent dans une salle de métrologie climatisée), et celle où l'on apporte directement le moyen de mesure à la pièce. Les bras de mesure 3D appartiennent à cette deuxième catégorie. Ces instruments robustes et portables offrent une très grande souplesse d'utilisation. ils sont employés dans l'environnement industriel pour contrôler une large variété de pièces, en particulier lorsqu'elles sont lourdes, volumineuses, ou difficiles d'accès: avec un bras, rien n'empêche de relever des points de mesure à l'intérieur d'un véhicule, de monter sur une coque de navire pour effectuer un contrôle 3D, ou d'inspecter des pièces en cours de fabrication sur un centre d'usinage. « La solution convient à toutes les pièces qui demandent à être mesurées ou scannées sur le site de fabrication ou d'utilisation , résume Loïc marquet, responsable avant ventes chez Nikon metrology. Lors de la fabrication,le gain de temps est important car il n'est pas nécessaire de sortir la pièce du flux de production pour l'amener à un poste de contrôle dédié. Sur le terrain, l'utilisateur tire profit de la mobilité offerte par le bras. Celui-ci lui permet par exemple de contrôler des soudures de pipelines ».
L'essentiel
P Les bras de mesure 3D sont des instruments portables utilisés dans une grande variété d'applications de mesure dimensionnelle ou de numérisation. P Par rapport aux premiers modèles lancés sur le marché à la fin des années 80, les bras sont devenus plus précis et moins coûteux. P Les efforts des fabricants ont aussi porté sur des critères d'ergonomie, de robustesse et de communication. |
Par rapport aux machines à mesurer tridimensionnelles, que l'on va privilégier pour obtenir un niveau de précision élevé ou contrôler des pièces en série, « les bras sont davantage utilisés pour des pièces qui ont des caractéristiques particulières. C'est aussi ce qui explique leur intérêt sur le marché français, où l'on fabrique souvent des “moutons à cinq pattes” », ajoute Johann Delerue, ingénieur commercial chez Faro. Les bras sont aussi plus simples à mettre en œuvre qu'une machine 3D. Enfin, il est possible de les associer à d'autres moyens de mesure pour une utilisation conjointe et complémentaire : dans certaines applications, les lasers de poursuite et les scanners laser contrôlent ou numérisent l'ensemble des éléments qui sont dans leur champ de “vision”… et le bras prend le relais pour les endroits inaccessibles au laser.
Certains bras intègrent un écran tactile, un OS embarqué, et une poignée amovible pour le capteur avec ou sans contact. Ils forment une solution autonome facile à déplacer sur site.
FaroS'ils sont traditionnellement équipés de palpeurs à contact, un grand nombre de bras acceptent aussi des scanners laser. Le champ d'applications ne se limite donc pas àla mesure dimensionnelle.il s'étend à la numérisation 3D pour la rétroingénerie, la comparaison aux fichiers de CaO, le rétrofit, l'inspection de surfaces… Bref,le bras trouve sa place dans de nombreuses situations, et dans tout type d'industries. Le profil des utilisateurs est par conséquent très varié, puisqu'il concerne aussi bien des responsables qualité ou métrologie que des ingénieurs de bureaux d'études, ou des responsables de poste d'usinage.
Les bras de mesure 3D sont des instruments mobiles, simples à installer et à utiliser. Ils permettent d'effectuer des mesures dimensionnelles ou de numériser des pièces en 3D. Au fil du temps, les bras sont devenus plus précis et moins coûteux. Mais les fabricants misent désormais sur l'ergonomie et la robustesse de leurs solutions pour marquer leurs différences.
Hexagon Metrologya l'heure actuelle, le marché des bras est largement dominé par deux grands noms de la mesure 3D (l'américain Faro et le groupe Hexagon metrology, depuis l'intégration des marques Romer et Cimcore). Tous deux revendiquent d'ailleurs la paternité de ces instruments, qui ont fait leurs premiers pas dans l'industrie à la fin des années 80. « Les bras ont tout d'abord intéressé l'automobile et ses sous-traitants directs, en grande partie grâce à leur portabilité. Ils ont conquis progressivement le marché des machines de type trusquins,qu'ils ont fini par remplacer quasi totalement dans les ateliers de production », indique Serge Durand, responsable de la division “portable” chez Hexagon metrology. Sans surprise, les bras que l'on trouve aujourd'hui sur le marché n'ont rien de comparable avec les tout premiers modèles. La précision, qui se limitait à l'époque à quelques dixièmes de millimètres, s'élève désormais à trois ou quatre centièmes (voire jusqu'à une vingtaine de microns pour les bras les plus précis). « Nous nous situons désormais en dessous des 5 centièmes, alors qu'il y a à peine deux ou trois ans, nous parlions encore de 100 microns ! », sou-ligne Loïc marquet. au fil des ans, les bras sont aussi devenus de plus en plus accessibles. ils se situent désormais dans une large fourchette comprise entre 20000 et 90000 euros (avec le logiciel et le scanner). En moyenne, « les coûts sont passés en dix ans de 50 000 à 35 000 euros », précise Johann Delerue.
Petits et précis, pour le bord de ligne
Le coût et la précision d'un bras sont bien sûr liés à ses dimensions. Les modèles les plus précis forment d'ailleurs une catégorie à part entière. On les retrouve chez Faro ou Hexagon metrology sous le nom de Gage ou multi Gage. Ces bras de petite taille, mais dotés d'axes plus gros que les modèles traditionnels, ont été spécialement conçus pour des mesures de précision sur de petites pièces mécaniques dans l'environnement de la production. « Nous faisons la distinction entre ces modèles et les bras traditionnels, car ils ciblent des applications bien particulières,en offrant la précision qui est rattachée à ce type de besoins », explique Serge Durand. Concurrençant les machines à mesurer manuelles de petite capacité, les bras Gage ou multi Gage sont des systèmes de mesure bord de ligne adaptés à du suivi de production. Le volume de mesure se limite à 1,2 mètre de diamètre, mais la précision est inférieure à deux centièmes. Elle est d'ailleurs évaluée suivant la formule de calcul de l'iSO 10360-2 (que l'on utilise pour les mmT). Les prix sont eux aussi comparables à ceux des petites machines à mesurer manuelles. On retrouve donc des applications similaires, mais avec la portabilité et la souplesse d'utilisation propres aux bras de mesure.
Ces solutions sont adaptées à différentes tâches de contrôle dimensionnel : pièces, moules, outils, assemblages, etc. «L es bras Multi Gage offrent une reproductibilité telle que l'on peut les utiliser pour suivre une usure d'outils », note Serge Durand. Bref, « c'est un marché spécifique, mais il continue à se développer avec des applications nouvelles dans de nombreux secteurs d'activité ».
a côté de ces modèles dédiés, les fabricants proposent toute une palette de bras de mesure plus “classiques”, qui constituent le cœur de leur activité. Ces instruments offrent des précisions inférieures aux bras Gage ou multi Gage, mais le volume de travail est plus important. Chez Hexagon, par exemple, le bras le plus grand mesure 4,5 mètres de diamètre, pour une précision comprise entre 60 et 70 µm (suivant la norme B89.4.22 propre aux bras de mesure). Bien sûr, ces modèles de grande ampleur ne sont pas les plus demandés. « L'essentiel des besoins se situe plutôt dans des diamètres de 2,40 ou 2,50 mètres », souligne Loïc marquet. La précision s'élève alors à une quarantaine de microns, voire moins. Ces différents critères sont incontournables pour caractériser les bras de mesure 3D. mais la bataille à laquelle se livrent aujourd'hui les fournisseurs ne se joue plus tellement sur la précision ou le coût des instruments… C'est sur d'autres fonctions qu'ils vont rivaliser d'astuces pour marquer leurs différences. Première d'entre elles, la robustesse. mais « celle-ci ne se voit pas forcément dans la fiche technique de tel ou tel instrument. Elle apparaît à l'usage, à plus ou moins long terme », prévient Johann Delerue. Chez Faro, par exemple, les bras sont dotés suivant les cas de 6 ou 7 capteurs de température intégrés, afin de corriger en continu les variations de géométrie de l'instrument suivant l'environnement. Par ailleurs, « l'utilisateur a le moyen de s'assurer que le bras est thermiquement stable lorsqu'il souhaite effectuer des mesures », ajoute Johann Delerue. Tant que le bras n'est pas stabilisé en température, un message d'erreur apparaît sur l'écran associé. il disparaît lorsque l'utilisateur peut commencer ses mesures. Chez Hexagon metrology, « tous les bras en sortie de production subissent un stress thermique en chambre climatique.
Les bras permettent de réaliser des mesures au cœur de l'atelier de fabrication. On les utilise typiquement pour mesurer des pièces lourdes, volumineuses ou difficilement transportables.
FaroLes bras de mesure 3D présents sur le marché se distinguent notamment par leur précision. Celle-ci se situe désormais en dessous des 5 centièmes, pour un volume de travail qui s'élève le plus souvent à 2,4 ou 2,5 mètres de diamètre.
Nikon MetrologyCette opération engendre une sorte de“vieillissement métrologique” du bras. Elle permet de s'assurer que son niveau de précision restera stable dans le temps », indique Serge Durand. Les bras sont aussi dotés de tubes à double paroi moins sensibles à la déformation ou à l'allongement. Enfin le choix des matériaux a été optimisé pour accroître la robustesse des instruments.
autre critère important, l'ergonomie. Pendant plusieurs années, la légèreté et la compacité des bras de mesure ont constitué l'un des principaux objectifs des fabricants. mais cette évolution a nécessairement trouvé ses limites. En concevant des bras de plus en plus légers, il était difficile de ne pas dégrader la précision de l'instrument ou sa robustesse. Du coup, la tendance actuelle n'est plus dans une chasse aux kilos superflus, mais plutôt dans un meilleur confort lors de l'utilisation. Une première étape a été franchie il y a quelques années avec la rotation infinie des axes principaux. Cette fonction facilite les mesures dans les zones difficiles d'accès, et permet de manipuler le bras sans enrouler les câbles à chaque mouvement. Des systèmes de contrepoids ou d'équilibrage plus ou moins perfectionnés sont aussi présents sur tous les modèles afin de limiter la fatigue de l'utilisateur. Chez Hexagon metrology, par exemple, « les bras de la dernière génération ont pris un peu de poids,mais ils ont été dotés en contrepartie de nouvelles fonctions d'équilibrage qui permettent de les utiliser sans effort », confirme Serge Durand. Chez Faro, le septième axe (utilisé pour orienter librement le scanner laser) est constitué par une poignée amovible que l'on peut facilement raccorder ou enlever. Par ailleurs, certains fabricants mettent l'accent sur la possibilité de réaliser les mesures dès l'installation du bras. Cet avantage est lié à la stabilité thermique de l'instrument, mais aussi à la présence de codeurs absolus dans chaque articulation. inutile de déplacer les axes pour rechercher la position de référence sur chaque codeur: le bras est immédiatement opérationnel. De même « après une coupure de courant, il est possible de reprendre la mesure là où on l'avait laissée, tout en restant dans le même référentiel », ajoute Loïc marquet.
Certains modèles sont disponibles en standard avec un scanner intégré (en plus du palpeur à contact). Sur ce type de bras, les deux capteurs sont présents en permanence. L'utilisateur dispose ainsi d'un système “universel” pouvant réaliser des mesures avec ou sans contact, sans monter ou démonter aucun autre composant. « Le bras qui a le plus de succès dans notre gamme est le modèle avec scanner intégré , note Serge Durand. Grâce à cette solution,il est possible de passer du palpeur au scanner très facilement, et sans aucune attente due au temps de chauffe du laser ». Dans d'autres cas, il existe des modèles dotés en standard de sept axes, mais avec la possibilité d'utiliser (sur le septième axe) un palpeur ou un scanner, suivant les besoins de l'application. Précisons que sur ces solutions flexibles, il est possible d'utiliser le bras d'un fabricant et le scanner laser d'un autre (sous réserve d'une compatibilité entre les deux outils). L'utilisateur peut ainsi “profiter” des fonctionnalités présentes sur un scanner laser spécifique, pour répondre à des besoins précis (surfaces brillantes, scanning haute vitesse, etc.). Nikon metrology, par exemple, propose des scanners laser dont la largeur de mesure s'élève à 200 mm, afin de numériser des pièces plus rapidement.
Enfin, il existe aussi des solutions totalement intégrées. Le bras Edge introduit par Faro en 2011 a été le premier modèle doté d'un écran tactile et d'un OS embarqué. L'instrument est donc utilisable sans PC. Pour piloter la mesure, afficher ou enregistrer les résultats, l'utilisateur n'a qu'à naviguer sur l'écran intégré à partir d'un ensemble d'icônes, comme s'il employait un smartphone. Bien sûr, la solution est limitée aux applications les plus simples. Pour la rétro-conception ou l'analyse de formes, par exemple, un PC reste souvent nécessaire. Hexagon metrology a adopté une autre approche. Sur ses modèles, l'écran et l'OS ne sont pas intégrés,mais il est possible de commander le bras à partir d'une tablette PC ou d'autres outils informatiques mobiles… Dernière tendance, la connectivité des bras de mesure 3D. La plupart des instruments disponibles sur le marché sont désormais dotés d'une communication sans fil, ou de différentes possibilités de connexion (Wi-Fi, Bluetooth, USB et Ethernet) pour s'adapter facilement au protocole utilisé sur le site de fabrication. avec un instrument sans fil, l'utilisateur dispose d'une solution réellement “mobile”. il peut réaliser des mesures à n'importe quel endroit du site de fabrication ou d'utilisation, sans disposer nécessairement d'une alimentation électrique à proximité. L'autonomie du bras est théoriquement limitée à celle de la batterie intégrée… même si, en pratique, c'est plutôt l'autonomie du PC associé qui sera le vrai facteur limitant.
En termes de robustesse, la liaison sans fil semble avoir satisfait toutes les attentes. « En l'espace de trois ou quatre ans, le Wi-Fi est devenu très fiable. La solution est désormais largement acceptée dans l'industrie », note Serge Durand. Des propos que nuance Johann Delerue. « La transmission sans fil des données à partir d'un bras de mesure n'est pas forcément plébiscitée. En pratique, 80 % des industriels utilisent encore le câble USB ». même constat chez Nikon metrology. « Le Wi-Fi est demandé dès le départ,mais ensuite, l'industriel préférera le plus souvent utiliser une liaison câblée », confirme Loïc marquet. Enfin, comme dans toute application de mesure 3D, l'utilisateur est sensible au rôle clé joué par le logiciel, et aux fonctions dont il dispose. D'autres outils présents en option peuvent aussi faire la différence. Certains bras offrent ainsi la possibilité d'intégrer un éclairage de la pièce, ou même une caméra numérique…